L’homme qui réveille le crocodile

A la tête de Lacoste depuis un an, José Luis Duran a révolutionné la marque mythique. Satisfait, le groupe Maus lui confie les rênes de ses autres enseignes.

Il assure avoir tourné la page. Et, à voir José Luis Duran – ex-patron de Carrefour, débarqué à la fin de 2008 – si souriant dans son costume de président du directoire de Devanlay, fabricant et distributeur de Lacoste, on n’en doute pas. En cette fin d’été, le manager espagnol de 45 ans, chemise bleu ciel au logo du crocodile et regard pétillant derrière ses petites lunettes d’intello, fête sa première année chez Devanlay et sa nomination toute récente à la tête du holding du groupe, Maus Frères International. Une rentrée marquée aussi par l’ouverture, début septembre, à Paris, de Lacoste L!ve, un nouveau concept de magasin plus branché.

Comment passer sans transition d’un groupe de 500 000 salariés à une société familiale de 7 500 employés ? Le plus simplement du monde, estime celui qui fut, à 40 ans, le plus jeune patron du CAC 40.  » Cela n’a jamais été un sujet « , affirme-t-il. Lorsque Didier Maus lui propose de prendre en main les destinées de Lacoste, il n’hésite pas une seconde. Mais pose ses conditions. Plus question pour ce patron affable, soumis à rude épreuve chez Carrefour, de supporter, une fois encore, la pression d’actionnaires hostiles. Désormais, il veut travailler sereinement et avoir les pleins pouvoirs pour développer l’entreprise. Une garantie que Didier Maus, avec qui il partage le même souci de discrétion et de gestion rigoureuse, lui donne volontiers. D’autant que, non coté, le groupe familial suisse n’a pas à subir la dictature de la Bourseà

En un an, l’ex-financier a fait la révolution chez Lacoste, passant des linéaires aux étagères avec une facilité déconcertante. Comme à son habitude – il  » adore ça  » – l’ancien épicier a commencé par visiter les boutiques incognito.

Le manager espagnol a l' » obsession du client « 

Elles étaient blanches et froides,  » comme dans un hôpital « , regrette José Luis Duran. Elles deviendront colorées et chaleureuses :  » Les clients vont enfin pouvoir toucher les vêtements, jusqu’ici pliés sur des étagères « , soupire ce fou du détail. Puis il s’est attaqué, sans tabou, au crocodile. De sa  » vie précédente « , expression de ce grand pudique pour qualifier ses dix-huit années passées chez Carrefour, il a retenu au moins une chose :  » l’obsession du client « , principe que la marque sélective, en progression fulgurante de 2001 à 2008, avait oublié. Jusqu’à ce que la crise, en 2009, ébranle ses certitudes, surtout aux Etats-Unis, où les ventes ont chuté de 20 % en un an.

D’où une série de mesures musclées, notamment pour élargir l’offre.  » Cette marque mythique n’est connue – ou presque – que pour son fameux polo « , déplore Duran. Les Brésiliens adorent les tee-shirts. Pourquoi ne pas leur en vendre ? Les Américains achètent dans les outlets, ces magasins d’usine à prix réduits ? Il faut en créer de toute urgence.

Cette belle énergie a tout de suite plu à la famille Lacoste, qui, toujours propriétaire de la marque, en gère l’image et octroie des licen-ces. Jusqu’à présent, Devan- lay avait uniquement le droit de fabriquer et de distribuer le textile. Début 2011, l’entre- prise possédera également une licence pour la maroquinerie. Un vrai cadeau, que José Luis Duran n’entend pas gaspiller.  » La collection printemps-été ne donne pas envie de sauter au plafond. On doit faire mieux « , a ainsi tranché ce patron qui ne craint pas d’apparaître cassant.

De quoi requinquer la marque au crocodile. José Luis Duran n’en doute pas une seconde : il attend, dès 2011, un retour soutenu de la croissance. Après Lacoste, le plus parisien des Espagnols va s’attaquer aux autres marques de Maus Frères : Aigle, Gant, Parashop. C’est dire que cet homme  » fidèle « , selon ses dires, a encore de quoi faire dans le groupe, qui l’a (enfin) rendu  » heureux « .

Corinne Scemama

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