L’heure tourne aux Guillemins

Entre la place des Guillemins et la tour des finances, les chantiers sont nombreux, dans le quartier de la gare. Si le timing imposé par le fonds européen Feder et Liège 2017 est aujourd’hui respecté, au moindre faux pas, c’est toute la machine qui déraille.

Une esplanade, des quais arborés, une passerelle, une tour. L’infographie présentée par la Ville de Liège est ambitieuse. Digne d’une carte postale. Sans détour, elle affirme que le quartier des Guillemins est en passe de subir une profonde transformation, qui relancera son activité et son développement foncier, et le reliera à la Médiacité en un trait.

Sur le terrain, l’agitation lui donne raison : les engins de chantier s’ébranlent tout doucement devant la gare de béton blanc. Mais dans les faits, le dossier relève du parcours du combattant, à plus d’un titre.

Au chapitre  » place des Guillemins « , d’abord. Le projet de 8,5 millions d’euros, subsidié à 90 % par la Wallonie et le fonds européen Feder, a connu de nombreuses embûches. Dernière en date : la découverte d’une pollution du sous-sol. Un million et demi d’euros seront nécessaires pour traiter 28 000 tonnes de terres polluées. Pour les trouver, il va falloir raboter sur les aménagements de cette zone située juste devant la gare. Pas de quoi inquiéter l’échevin de l’urbanisme Michel Firket (CDH), pourtant :  » Les travaux seront finis dans un an « , assure-t-il.

 » Cette pollution, on connaît son existence depuis 2006 d’après le ministre Henry, martèle Christine Defraigne, cheffe de l’opposition MR. Pourquoi un tel étonnement dans le chef de la Ville ? Pourquoi ne pas avoir budgétisé plus tôt le traitement des terres ? L’opération va plomber le projet, et impliquer une révision à la baisse des aménagements… A Liège, on raisonne au coup par coup, sans vision prospective. « 

Deux recours contre la tour

A l’autre bout du site, en bord de Meuse, le promoteur Fedimmo prépare le terrain destiné à accueillir la future tour des finances : un immeuble de 118 mètres de haut – 138 mètres avec sa flèche.  » Fedimmo a fait le pari d’entamer les travaux avant même l’issue des recours, constate l’échevin Firket. Il fonce…  » Car le timing est serré, et les délais risquent d’être courts : tout est lié à l’exposition internationale de 2017. Et pour le promoteur, il ne s’agit pas seulement de bâtir une tour. Il faut également y transférer le personnel du ministère des finances et abattre son actuel bâtiment en croix, bourré d’amiante, afin de laisser le champ libre à l’esplanade et aux nouveaux bâtiments qui s’y poseront.

Pour tenir la route, la tour devra être terminée en juin 2014. Sans faute. Ce n’est qu’alors que l’aménagement de cet espace situé entre la place des Guillemins et la Meuse pourra commencer.

Ça, c’est pour la théorie. En pratique, le calendrier pourrait ne pas tenir longtemps la route : des riverains, furieux de voir qu’un  » monstre démesuré  » risque de leur pourrir la vue, ont déposé un recours en annulation et en suspension au Conseil d’Etat. La SNCB a fait de même, estimant que le projet ne respecte pas les règles urbanistiques.  » Notre principal reproche, c’est sa hauteur, explique Louis Maraite, porte-parole de la SNCB-Holding. Le PCA (Plan communal d’aménagement) et le PRU (Périmètre de remembrement urbain) en vigueur dans le quartier sont clairs : aucun bâtiment ne peut dépasser la hauteur de la gare, 40 mètres. « 

Le Conseil d’Etat devrait rendre un avis dans les quatre à six mois. Et s’il suit les riverains et la SNCB, Fedimmo pourrait être sommé de stopper ses travaux. De quoi provoquer des retards en cascade et entraver l’aménagement des Guillemins.

Pas partout, néanmoins. Car si l’esplanade est conditionnée par la construction de cet immeuble, le calendrier des autres projets du quartier est lié aux délais imposés par le Feder. Le fonds européen exige qu’ils soient réalisés pour 2015, sous peine de revoir sa copie et de retirer ses promesses de financement.  » Les permis devraient être accordés fin 2012, rassure l’échevin Firket. Et les travaux devraient durer deux ans et demi. Pour le moment, c’est serré mais on tient les délais. « 

Concrètement, un budget de 12,5 millions d’euros (60 % Wallonie, 40 % Feder) sera consacré au réaménagement du quai de Rome, qui deviendra un vaste boulevard urbain arboré, et dont un sens de circulation sera enterré. De là, une passerelle, estimée à 8,5 millions d’euros (60 % Wallonie, 40 % Feder) rejoindra le parc de la Boverie, par-dessus la Meuse. L’association du bureau Greisch et de l’Atelier Corajoud a déposé les demandes de permis pour les deux dossiers, qui devraient être octroyés dans quelques mois.

Pas d’accord Ville-SNCB

Reste donc l’esplanade… Où le problème est complexe, car si son aménagement est bien dessiné,  » il n’y aucun accord entre la SNCB, la Ville, Fedimmo et la SRWT (Société régionale wallonne du transport), qui sont chacun propriétaire d’une partie des terrains allant de la gare à la Meuse, précise Bénédicte Heindrichs, chef de l’opposition Ecolo. Sans accord, comment développer le quartier ? Il n’y a aucun développement foncier, on n’a pas le moindre investisseur pour construire autour du site. On a beau avoir un projet d’esplanade, on n’en est encore nulle part au niveau de sa mise en opération. C’est un échec cuisant de la majorité. « 

Pour le MR, Christine Defraigne enchérit :  » Les relations entre la Ville et la SNCB sont exécrables. Or une entente est vitale dans le continuum du dossier, capital pour le développement urbain de Liège. Je regrette les tergiversations, le manque de dynamisme et de vision de la majorité. Tout retard dans l’aménagement de ce dossier est un taux de croissance perdu pour la ville. « 

Faut-il craindre un syndrome  » place Saint-Lambert  » aux Guillemins ? L’échéance imposée par le Feder, 2015, est la meilleure garantie de l’avancement de la majorité des chantiers. Mais pour l’esplanade, en plein centre, rien n’est gagné. Le risque ? Avoir un terrain vague et un immeuble à moitié achevé pour Liège 2017, à deux pas d’une gare internationale. Pas terrible, comme carte postale.

ANNE-CATHERINE DE BAST

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