L’Europe ? Pffff !

Elle se voyait déjà tout au haut de l’affiche. Encore quelques efforts et puis, enfin, le sommet. C’était sans compter avec la volonté du prince. Elle a déplu. La dégringolade, sous le sourire énigmatique de Carla, se révélerait particulièrement douloureuse et humiliante. Rachida Dati n’avait plus l’heur de plaire. Même la presse qui se veut  » pro et rigoureuse  » la pointait du doigt. Trop ceci, pas assez cela, bref, elle devait lâcher son maroquin. Passé le choc, du bout des lèvres, elle finissait par accepter la deuxième place sur la liste européenne de l’UMP, une offre refusée peu de temps auparavant par sa rivale, Rama Yade. L’humiliation ! Car, après les ors de la République, un fauteuil à l’Europe, pffff !

Changement de décor. Dans son fief de Liège, le socialiste Jean-Claude Marcourt était censé conduire la liste pour les régionales. Bilan positif, mission accomplie, on reconnaissait à l’ex-chef de cabinet une vraie carrure. Patatras ! Par le seul fait du prince (celui de Mons, cette fois-ci), le voilà propulsé sur la liste européenne.  » Ce n’était pas mon casting « , avouera-t-il au Vif/L’Express ( lire notre édition du 27 mars dernier). Las. Au Boulevard de l’Empereur, on a fait le compte des voix. Pas de doute possible,  » papa  » devrait faire un tabac. Vite fait, bien fait, on dégage donc la place pour Daerden, avec, au passage, un strapontin pour son fiston. Une affaire rondement menée avec, pour dommages collatéraux, la perte de leur siège pour Véronique De Keyser et Alain Hutchinson. La rumeur veut que la nuit qui a précédé le congrès du PS du 29 mars dernier ait été particulièrement houleuse. De tous les côtés, on ruait dans les brancards. On parle de coups de fil à 3 heures donnés par un président égaré, à bout de souffle, incapable de fixer un panel cohérent de candidats. Au final, De Keyser retrouvait une 2e place éligible, Hutchinson était sacrifié, un sacré chaos ! Quant à Marcourt, nul doute que, en cas de maintien du PS au pouvoir en Région wallonne après le 7 juin, il retrouve illico presto un cabinet, délaissant tout aussi sec son strapontin à Bruxelles et à Strasbourg. Votez pour moi, je ne siégerai pas ! L’Europe ? Pffff !

A côté de la tornade qui vient de secouer le PS, la vie au MR pour les européennes peut apparaître comme un long fleuve tranquille. Certes, il y a eu l’incident Gérard Deprez, écarté au bénéfice de Rudy Aernoudt. Mais depuis, tout est rentré dans l’ordre. Louis Michel s’impose comme tête de liste, c’est mérité, n’a-t-il pas l’Europe dans le sang ? Pas si simple. Car le bonhomme, dit-on, est à saturation. Eh oui, il se verrait bien revenir sur ses terres wallonnes, ou bien encore au fédéral, histoire de replonger dans les délices de la politique belge et de ses compromis, aussi surréalistes que sophistiqués. Alors l’Europe ? Pffff !

Elles, ce sont des bosseuses, des premières de classe, des filles bien, qui tiennent leurs promesses. L’Europe, l’Ecolo Isabelle Durant et la CDH Anne Delvaux, elles y croient. Pas question, ici, de chassés-croisés, de tours de passe-passe, de retournements de veste, de turbulences. Oui, mais… voilà, malgré leurs qualités, ce sont bien deux poids plume jetés dans la bataille (contrairement au VLD Guy Verhofstadt et au CD&V Jean-Luc Dehaene). Dans le sud du pays, les ténors, eux, préfèrent en découdre sur les listes régionales où le combat se fait âpre, les luttes s’annoncent sanglantes, particulièrement pour le CDH. Alors l’Europe ? Pffff !

Au moment même où la belle bleue aux 27 étoiles est confrontée à la plus grave crise économique, financière et sociale de son histoire, comment s’étonner que le citoyen soit amer ? Car, pour faire face aux heurts, aux résistances, aux protectionnismes, aux nationalismes, seuls des élus compétents… et motivés peuvent faire la différence. Dans ce contexte, le tohu-bohu, les chamailleries de clocher et l’affligeant spectacle offerts par les partis politiques au moment d’établir les listes des candidats laissent pantois. Oui, on s’illusionne, on s’illusionne. Malgré les grandes envolées, toujours repliés sur leurs bacs à sable, pour bien de nos dirigeants, l’Europe, c’est définitivement pffff !

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