» L’ennemi n° 1 du Pakistan, c’est le terrorisme « 

Malgré le regain de tension avec l’Inde, le chef de la diplomatie d’Islamabad, Shah Mehmood Qureshi, continue de plaider pour une coopération plus étroite entre les deux pays.

Les enquêteurs indiens sont convaincus que les auteurs des attentats de Mumbai appartenaient au Lashkar-e-Tayyeba, un mouvement pakistanais en principe interdit depuis 2002. Votre gouvernement a fait arrêter plusieurs de ses membres. Vous refusez cependant de les livrer à l’Inde. Seront-ils jugés au Pakistan ?

E Les personnes arrêtées ne seront pas remises aux autorités indiennes, et cela tout simplement parce que nous n’avons pas d’accord d’extradition avec New Delhi. Elles seront donc jugées au Pakistan, selon la loi pakistanaise.

La Jamaat-ud-Dawa, dont vous venez de fermer les bureaux à la demande des Nations unies, a été créée en 2002, juste après l’interdiction du Lashkar-e-Tayyeba, par le fondateur de ce mouvement. Or, pendant six ans, jusqu’à cette résolution de l’ONU, elle n’a pas été inquiétée. Comment l’expliquez-vous ?

E Cette organisation était effectivement engagée dans une série d’activités caritatives légales. Elle gérait des écoles, des cliniques, des centres de distributionà

Mais elle ne faisait pas que cela et certains, forcément, le savaientà

E Si certains savaient, ils auraient dû agir. Nous, nous n’étions pas au gouvernement. [Le général Pervez Moucharraf a dirigé le pays de juin 2001 au 18 août 2008, NDLR.] Et les initiatives que nous avons prises en matière de lutte contre le terrorisme, depuis que nous sommes au pouvoir, montrent assez notre détermination. Nous avons lancé d’importantes opérations militaires dans les zones tribales, nous avons renforcé notre coopération avec nos voisins, qu’il s’agisse de l’Afghanistan ou de l’Inde. Nous avons aussi tracé les contours d’une approche plus globale. Nous sommes convaincus qu’on ne réglera pas le problème uniquement par les armes et que la solution est à la fois militaire, politique, économique et sociale.

Que pensez-vous de l’analyse selon laquelle les attentats de Mumbai avaient pour objectif de faire monter la tension entre l’Inde et le Pakistan afin de vous inciter à alléger votre dispositif militaire à l’ouest, le long de la frontière avec l’Afghanistan, où vos soldats luttent contre les talibans, pour le renforcer à l’est, le long de la frontière indienne ?

E Une telle stratégie est en tout cas aux antipodes de notre politique. Nous avions au contraire amorcé un rapprochement avec les autorités indiennes. Le jour des attentats, j’étais moi-même à New Delhi, à l’invitation de mon homologue indien, avec qui je venais d’avoir un entretien très positif. Nous considérions, et nous considérons toujours, qu’il est dans notre intérêt d’établir avec l’Inde des relations de bon voisinage. Et nous sommes convaincus que c’est possible, sans pour autant nier les désaccords qui sont les nôtres.

Longtemps le Pakistan a considéré l’Inde comme son ennemi n° 1. Cela n’est plus le cas aujourd’hui ?

E Clairement, l’ennemi n° 1 du Pakistan, aujourd’hui, c’est le terrorisme. Un terrorisme qui menace notre stabilité et notre économie. Avec l’Inde, nous avons des différends. Nous devons trouver des mécanismes qui nous permettent, par le dialogue, de les résoudre. C’est notre intérêt commun, comme il est de notre intérêt de coopérer dans la lutte contre le terrorisme.

Récemment, votre homologue indien a déclaré exclure des représailles militaires à l’encontre du Pakistan après les attentats de Mumbai. Vous le croyez ?

E C’était une déclaration de bon sens. Nous sommes deux puissances nucléaires. Un conflit entre nos deux pays serait suicidaire.

Propos recueillis par Dominique Lagarde

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