L’emploi ploie face à la crise

Très convoités au grand-duché de Luxembourg en période d’expansion, les frontaliers belges sont aussi parmi les premières victimes du recul de l’emploi.

Les nuages s’amoncellent sur le front de l’emploi au Grand-Duché : au 31 août, le taux de chômage était de 5,6 %, et même de 6,9 % en tenant compte des personnes bénéficiant d’une mesure temporaire pour l’emploi. Ces chiffres ne sont certes pas catastrophiques en comparaison avec les pays voisins, mais ils contrastent avec ceux des années 1990 où le taux de chômage se situait encore en dessous de 3 %. A présent, les autorités voient d’un £il inquiet le nombre de chômeurs indemnisés approcher les 13 000 personnes, un pic qui avait déjà été atteint en février avant que la courbe ne décline quelque peu. Par rapport au mois d’août 2008, le nombre de demandeurs d’emploi a ainsi augmenté de 38 %. Les mauvaises nouvelles frappent à peu près tous les secteurs : l’industrie a été touchée dès le début de la crise, nombre d’entreprises ayant déjà réduit leur effectif quand d’autres ont carrément décidé de fermer leurs portes. Le recours au travail à horaire réduit – que les pouvoirs publics encouragent en vue d’éviter les licenciements – est massif et les sociétés de main-d’£uvre intérimaire tournent au ralenti. Préservé au départ, le secteur bancaire souffre lui aussi : depuis un an, près de 1 000 personnes ont été priées de partir, et l’on estime, dans les syndicats, qu’il ne s’agit que de la pointe de l’iceberg.  » Tandis que le Grand-Duché enregistrait en moyenne trois plans sociaux par an, le rythme actuel est de trois plans sociaux par mois « , constate Christian Jungers, du cabinet d’avocats Allen&Overy.

L’attrait du Grand-Duché

Les chiffres du chômage ne tiennent pas compte des frontaliers. Ceux-ci occupent pourtant plus de 40 % des postes, contribuant pour deux tiers à la progression de la main-d’£uvre salariée. Au total, plus de 146 000 personnes font chaque jour la navette vers le Grand-Duché à partir d’un des trois pays voisins. Si les salariés venant de France sont les plus nombreux et regroupent la moitié des frontaliers, les travailleurs issus de Belgique ou d’Allemagne représentent chaque fois un quart de ce flux. En 1974, quelque 5 700 personnes traversaient quotidiennement la frontière belge pour gagner leur pain sous les cieux grand-ducaux ; trente ans plus tard, le chiffre avait plus que quintuplé et de nos jours, il dépasse les 37 000 frontaliers. Aussi, ces vingt dernières années, l’attrait du marché grand-ducal a bouleversé le paysage dans la province du Luxembourg : des villages qui étaient sur le déclin en raison du phénomène accentué d’urbanisation connaissent à présent une seconde jeunesse, allant jusqu’à rouvrir une école communale ; l’autoroute E411 vers la capitale grand-ducale est engorgée de voitures aux heures de pointe pendant la semaine, et les chemins de fer se sont résolus à ouvrir de nouvelles lignes transfrontalières. Quant aux prix du marché foncier et du logement, ils ont grimpé en flèche, en particulier dans des localités telles qu’Arlon.

Avec la crise actuelle, les frontaliers n’ont toutefois plus autant la cote : le nombre exact de ceux qui ont perdu leur emploi au Grand-Duché est difficile à déterminer, car ils n’y sont pas enregistrés comme chômeurs du fait de leur statut de non-résident. Au cours de sa rentrée sociale, la CSC a laissé filtrer une vive inquiétude quant à la dégradation de l’emploi dans la province de Luxembourg : notant une hausse de plus de 10 % des demandeurs d’emploi en un an, le syndicat craint que le ralentissement de la conjoncture économique au Grand-Duché n’aggrave le problème dans le sud de la Belgique. Fin août, le paiement des indemnités de chômage avait crû de 11 % par rapport au mois équivalent de 2008 dans la province, et les offres d’emploi se sont réduites comme une peau de chagrin.

LAURENT MOYSE

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