L’empire automobile

Leur carrosse stylisé, avec l’année de fondation de l’entreprise familiale, est omniprésent sur les voitures de la capitale. Mais loin de se cantonner à Bruxelles, le groupe D’Ieteren est actif sur les cinq continents.

Les résultats annuels de l’entreprise D’Ieteren ont de quoi impressionner : 3 secteurs d’activités, 30 000 personnes au service de plus de 17 millions d’automobilistes de 120 pays et un chiffre d’affaires de 6 milliards d’euros. Pour afficher de tels résultats, la famille D’Ieteren, partie d’un modeste atelier situé à deux pas de l’actuel boulevard du Jardin botanique, a fait preuve d’une étonnante capacité à rebondir. En effet, lors d’une véritable saga de plus de deux siècles, survivant aux guerres et aux crises économiques, la firme a su s’adapter aux multiples innovations technologiques qui ont marqué le transport individuel.

Rien n’est simple pour Jean Joseph D’Ieteren, né en 1785 dans une famille originaire du Limbourg hollandais et orphelin à l’âge de 10 ans. En 1805, le jeune homme se lance dans le charronnage, la fabrication de roues et de voitures hippomobiles  » en blanc « , ni peintes ni garnies. L’époque est tourmentée. Bruxelles passe aux mains de Guillaume d’Orange. Dans son atelier, Jean Joseph concentre ses efforts sur la construction d’un tilbury à présenter à l’Exposition générale des produits de l’Industrie, de 1830. L’exposition s’ouvre en juillet, pour fermer un mois plus tard : la révolution belge est en route. Tous les espoirs du charron s’évanouissent. Il décède en janvier 1831, laissant deux fils : Guillaume Adolphe a 20 ans, Alexandre François, 14. Le premier poursuit la voie du charronnage. Le second part à Paris pour se former à la menuiserie et au dessin en carrosserie. Il ouvre ensuite, en 1857, son propre atelier rue Neuve, à Bruxelles. On y produit des véhicules totalement terminés.

Les deux fils d’Alexandre, Alfred et Emile, peaufinent leur formation, l’un à Paris, l’autre à l’Académie des beaux-arts de Bruxelles. Dans les années 1870, les D’Ieteren déménagent à Saint-Gilles. Ils se rapprochent ainsi de l’avenue Louise, là où demeure et circule désormais la clientèle fortunée des ateliers. Quelques années plus tard, la famille commence à fournir les cours de Hollande et de Belgique.

Alors que le galop des chevaux est peu à peu concurrencé par le bruit des moteurs, D’Ieteren livre, en 1897, sa première carrosserie automobile à Camille Jenatsy, célèbre pilote de course. Ce nouveau type de production prend bientôt place dans un autre atelier, situé au 50 de la rue du Mail, à Ixelles, où se trouve aujourd’hui encore le siège de la société. D’invention  » bruyante et dangereuse « , la voiture devient peu à peu un objet de luxe convoité. Pendant près de quarante ans, la maison D’Ieteren va dessiner et construire 3 500 carrosseries, montées sur des châssis de 150 marques différentes.

Lors du krach boursier de 1929, le nombre d’ouvriers de la firme tombe de 500 à 73. Sous la houlette de Lucien, fils d’Alfred, l’entreprise abandonne progressivement la carrosserie pour se consacrer à l’importation de véhicules fabriqués en série et, dès 1935, à l’assemblage. Après la Seconde Guerre mondiale, les coups de génie se succèdent. En 1948, Pierre D’Ieteren, de la cinquième génération, signe un contrat d’importation avec Volkswagen. La Coccinelle sera assemblée, dès 1954, dans la nouvelle usine de Forest et la Golf, lancée en 1974, permettra à D’Ieteren de devenir n° 1 du marché belge. La société diversifie également ses activités : elle se lance dans la location à court terme de voitures, grâce au partenariat signé en 1958 avec Avis, et, depuis 1999, elle assure le remplacement et la réparation de vitrages automobiles, via le rachat de Belron, société sud-africaine connue en Belgique sous le nom de Carglass.

A l’aube d’une nouvelle révolution dans le domaine de la mobilité, la sixième et la septième générations D’Ieteren envisagent sereinement de nouvelles pistes à explorer. Pour y foncer, une fois encore.

E.S.

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