Après 500 émissions, Philippe Lambillon a des anecdotes plein son sac à dos. © DR

L’aventure c’est l’aventure

Le 1er janvier, La Une célébrera d’une émission spéciale les 30 ans des Carnets du bourlingueur. Portrait de Philippe Lambillon, présentateur globe-trotteur entre couteau suisse ertébéen et Indiana Jones namurois.

« Quand je fais des courses, les gens viennent facilement à ma rencontre.  » Il n’y a pas de cuisse de singe ici!  »  » Ça va mieux votre doigt?  » Je suis entré dans le quotidien de nombreuses familles et les spectateurs ont du mal à faire la distinction entre l’acteur et le Bourlingueur. Lambillon et le personnage de fiction. Je n’ai ni le physique ni la carrure d’Harrison Ford mais les gens me parlent comme si j’étais Indiana Jones. » Un croisement avec MacGyver alors. Philippe Lambillon se marre. L’homme prodigue depuis trente ans ses conseils de survie sur les antennes de la RTBF (1). Pas sûr que ça vous serve un jour. Mais si vous savez comment soigner une piqûre de scorpion et cautériser à vif une morsure de serpent, connaissez les valeurs nutritionnelles de la viande de chien et la manière la plus efficace de se couper un doigt, c’est sans doute grâce à Philippe Lambillon. Adepte des effets spéciaux bricolés, le grand aventurier emmène toujours une réserve de faux sang dans son matériel de tournage et adore s’amputer. « Dans le temps, on a dû faire appel à une pédopsychiatre pour ma fille. Ça l’a un peu traumatisée de voir son père mourir à l’antenne. Se couper une main ou un pied… »

Quand la caméra tourne, je n’ai pas de limite. Je suis capable de tout avaler.

A l’ombre de la Citadelle

Quand il n’est pas chez les Aborigènes, les Jivaros ou les Pygmées, le Bourlingueur est plutôt du genre casanier. Il habite sur les hauteurs de Namur où il est né et a grandi. « Je suis attaché à la ville comme un marin à son pompon. J’ai passé 3 600 ou 3 700 nuits dans des huttes, des tentes, des caves et des pick-up… Quand je suis chez moi, je ne déterre pas des lombrics le matin pour me faire une omelette. Je visionne. J’écris. Je vois très peu de monde en fait. Je sens que c’est nécessaire. Je ne suis pas un mondain. »

Fils d’un grossiste en fruits et légumes (« J’ai rapidement goûté aux bananes et autres fruits exotiques que mon père faisait importer »), Philippe Lambillon est né en 1952 à l’ombre de la Citadelle. « J’ai rapidement voulu quitter le confort pour me retrouver au bout du monde et, surtout, rencontrer d’autres gens, découvrir d’autres cultures. » Amateur de BD d’aventure, fan de Tarzan, il entreprend sa première expédition à 18 ans. Part en stop au Maroc. « J’y ai tourné comme figurant dans différents films. Je me suis promené à travers le pays. J’ai tout de suite senti que c’était mon truc. » Après des études de photographie, le Namurois travaille pour des quotidiens, des magazines. Vend ses clichés de grands voyages et rapidement les textes qui les accompagnent. « J’envoyais mes photos et mes papiers par la valise diplomatique, les commandants de bord, les stewards et les hôtesses de la Sabena. J’ai squatté les frigos de je ne sais pas combien d’ambassades à travers le monde. Je me promenais souvent dans des climats tropicaux. Mes images ne pouvaient pas être exposées aux températures ambiantes. C’est comme ça que le papa d’Amélie Nothomb (NDLR: Patrick Nothomb, qui fut un grand diplomate belge) a conservé mes films dans son propre réfrigérateur… »

Lorsque Jean Thévenot disparaît, Philippe Lambillon, qui s’est mis au documentaire en 1980, se retrouve catapulté à la présentation des Sentiers du monde. Après avoir lu un article sur le décès d’une famille belge à proximité de son véhicule en plein Sahara, il se demande ce qu’il aurait fait pour attirer l’attention et tenir le coup en attendant les secours. Il propose d’insérer dans l’émission des petites séquences mettant en scène un personnage en position de survie. La RTBF embraie. Lui permet de se promener aux quatre coins du monde, de laisser libre cours à son imagination et d’user de tout son sens de l’humour. « Quand on reste dans un village pendant trois semaines, on vit des situations tragiques. Il y a des morts, des catastrophes, des épidémies. On en a connu une d’Ebola au Gabon, par exemple. Et puis, le tournage des Carnets, c’est une suite de problèmes que je règle au quotidien. Un militaire qui veut de l’argent, un policier qui demande une autorisation. Je baigne dans un stress permanent. Rire me calme. J’ai besoin d’une échappatoire, de cette soupape de sécurité. »

Rhino, scorpions et arrestations

Après 500 émissions, Philippe Lambillon a forcément fourré des anecdotes plein son sac à dos. Des histoires d’arrestation, de scorpion qui se sauve de la boîte à gants et de face-à-face avec un rhinocéros. « Quand on tourne, le preneur de son est au volant. La porte de la voiture est ouverte et je reste à une vingtaine de mètres du véhicule. Mais on n’est jamais à l’abri des surprises. » A l’approche de la septantaine, l’aventurier tient une forme olympique. Lors de ses expéditions, toujours au taquet, il dort trois heures par nuit. Peut sauter des repas pendant une journée entière. « Je monte à des cocotiers un peu moins raides qu’avant mais sinon je fais tout pareil. Je viens de tourner des séquences avec un éléphant et sur une espèce de pur-sang dont je suis tombé plusieurs fois dans la cordillère des Andes… Quand la caméra tourne, je n’ai pas de limite. Je suis capable de tout avaler. De grimper sur n’importe quel animal, de mettre ma main dans la gueule d’un gorille, d’attraper un serpent à mains nues. Ça m’amuse. Et puis, comme on n’a pas les moyens, je me vois mal embaucher une doublure (rires). »

Véritable couteau suisse, homme de télé touche-à-tout, Philippe Lambillon a toujours voyagé léger et travaillé à petit budget. « J’ai vu des équipes d’ Ushuaïa débarquer à une centaine par hélicoptères. Nous, on était trois et on arrivait en bus. J’ai eu la chance de bosser avec des personnes qui m’ont suivi dans tous mes délires.  »

Le monde du voyage a changé depuis l’apparition des Carnets. Ne comptez cependant pas sur Lambillon pour annoncer sa pension. « J’ai toujours dit que j’arrêterais de mon propre chef. Je veux éviter la saison de trop. Mais on fait plus de 330 000 spectateurs et 25% de parts de marché. L’émission est diffusée dans plus de 120 pays. Ça me dope. A partir d’avril-mai, je proposerai des films d’environ 25 minutes avec le personnage. C’est très scénarisé. C’est tourné. Je bosse aussi sur une nouvelle BD. Je suis toujours en mouvement. »

(1) Les 30 ans du Bourlingueur : le 1er janvier, à 20 h 15, sur La Une.

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