L’avenir incertain du centre Tadam

Le centre de délivrance contrôlée d’héroïne a été une réussite durant ses deux années d’existence. Mais pour poursuivre son action, il devra convaincre le fédéral et trouver d’importants financements.

Les cabines de consommation de Tadam, ce centre de délivrance contrôlée de diacétylmorphine (héroïne), sont fermées depuis janvier dernier, après deux années de fonctionnement.  » Rien que ça, c’est une victoire, plaide Dominique Delhauteur, coordinateur génaral de l’initiative. On a fait un sans-faute. On a montré qu’on pouvait mettre ce centre en place en Belgique. Qu’on s’était intégré dans l’environnement urbain : le commissariat de police, situé juste à côté, n’a jamais dû intervenir. Surtout, que l’état des patients s’était très nettement amélioré au niveau de l’hygiène, du comportement, de la santé…  »

Ce projet pilote partait d’un constat : la méthadone ne convient pas à tous les héroïnomanes.  » D’un point de vue scientifique, cela reste le traitement le plus conseillé et le plus efficace, note Isabelle Demaret, chercheuse chargée de l’évaluation à l’Université de Liège. Mais puisque cela ne fonctionne pas toujours, il faut mettre en place d’autres solutions.  »

D’où l’idée d’administrer de l’héroïne médicalisée. Dépourvue de talc, briques pilées, sucres, médicaments et autres produits de coupe habituellement utilisés dans la rue. Sous suivi médical, dans des conditions sanitaires optimales, trois fois par jour pendant douze mois. L’ULg était chargée de contrôler scientifiquement l’expérience, en menant une étude comparative avec un groupe de contrôle traité à la méthadone. Les personnes qui ont fréquenté le centre étaient majoritairement des hommes, d’une moyenne d’âge de 42 ans. Vingt ans de consommation derrière eux, en règle générale.

Ne plus vivre au rythme de la rue

 » Le sevrage physique n’était pas le seul critère de réussite, précise Catherine Dungelhoeff, directrice du Centre Alfa, structure chargée du suivi psychologique. L’objectif était aussi d’améliorer leurs conditions de vie, de ne plus vivre au rythme de la rue et de la délinquance, de retrouver une place dans la société, une vie sociale, voire un métier. Certains prennent bien des somnifères tous les jours. Pourquoi pas un opiacé ?  »

Ce sera au gouvernement fédéral de trancher quant à la reconduction ou non de Tadam. La ministre de la Santé, Laurette Onkelinx (PS), se basera sur une étude approfondie de l’ULg dont les résultats seront publiés en juillet prochain. Ceux-ci n’aborderont pas uniquement l’aspect médical, mais aussi le volet économique.  » Les coûts supplémentaires peuvent se voir compenser par d’autres gains pour la société, explique Isabelle Demaret. Diminution de la délinquance, de la consommation d’héroïne, d’autres problèmes de santé et donc de prises en charge…  »

Le financement reste le nerf de la guerre. Tadam aura coûté au total 3 millions d’euros. Surtout en frais de personnel (une vingtaine de personnes ont été engagées). En ces temps de disette budgétaire, pas simple de retrouver une telle somme.  » D’autant que le dernier accord du gouvernement prévoit un transfert de compétences vers les entités fédérées concernant le financement des soins de santé « , note Dominique Delhauteur. Sans compter le débat éthique. Si le consensus politique fut total au niveau liégeois, l’unanimité est loin d’être acquise au fédéral, notamment du côté du CD&V et de la N-VA.  » Tout cela me rend un peu moins optimiste aujourd’hui qu’il y a un an…  »

MÉLANIE GEELKENS

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