© philippe cornet

L’art d’être Joëlle

Récemment arrivée à la présentation du ertébéen Tout le Baz’Art, l’ex-Sans chichis Joëlle Scoriels amène une forme d’ironie légère bienvenue sur la chaîne publique.

 » Je ne cherche pas à faire bouger les lignes, hein.  » Sourire panoramique, regard eau claire et mèches de généreuse blondeur, on croit Joëlle Scoriels sur parole. Mais à ce stade de l’entretien, on a déjà compris que la Bruxelloise – née à Uccle en octobre 1978 – est moins immédiatement déchiffrable que son naturel charisme… Ce jour-là, en tee-shirt de cuir, pantalon à motifs de miniguitares et plates sandales.  » Je suis nulle en interview, je vais noter les questions et envoyer les réponses  » : elle ne rigole qu’à moitié, voire au quart, s’appliquant à elle-même ce qu’elle cherche à instiller à ses rencontres télévisuelles. Un grain de distance, une bouffée d’ironie, un zeste de dialectique. Avec un tutoiement direct à l’interlocuteur, récemment vu et entendu dans les Bulles de Tout le Baz’Art, une vingtaine de capsules de cinq minutes, bouclées en juin-juillet et multidiffusées cet été sur la RTBF. Notamment après le très porteur JT de 13 heures.

Je trouve le tutoiement merveilleux.

Joëlle y a entre autres croisé Eric De Staercke, Benoît Mariage, Bouli Lanners ou le musicien Greg Houben. Toujours dans une formule bonne franquette où l’art sert de plat principal au repas, celui-ci étant bref quoique convivial. Miniséisme peu connu à la télé belge, la formule tutoie. Installant d’emblée, par exemple avec Bouli sur ses hauteurs liégeoises, une conversation directe, braisée, agréablement éloignée des insipides blablas promotionnels.  » Je trouve le tutoiement merveilleux, s’enthousiasme Joëlle . Dans le cas de Tout le Baz’Art, le magazine longue durée que j’ai présenté à deux reprises avant l’été – avec Bernard Yerlès et Saule – succédant à Hadja Lahbib, certains craignaient que le tutoiement soit dérangeant lors de la rediffusion sur La Une (NDLR : l’émission passe d’abord sur Arte). Avec l’idée que le téléspectateur pourrait se sentir exclu : je ne le crois pas, parce que je pense que cela crée une forme de familiarité positive. J’ai également l’impression que c’est plus commode et réalisable dans un dialogue avec les artistes que, disons, dans le contexte plus formel de débats avec des hommes et femmes politiques.  »

Autocritique

Dans l’appartement de Joëlle Scoriels, on pointe quelques dessins encadrés. L’un d’eux ressemble furieusement au fiston qui est là, en route vers ses 12 ans et les emplettes de rentrée scolaire. L’évocation graphique, talentueuse, trace dans un noir et blanc charbonneux une similitude physique plutôt impressionnante, raccord avec le sujet original. Ce travail à la pierre noire et au fusain est celui de Joëlle, qui a accroché au mur le portrait d’un dos de femme d’une charnelle élégance. Elle en est également l’auteure.  » Après mes études de philologie romane à Saint-Louis et à l’UCLouvain, mes parents m’ont offert une année d’étude supplémentaire, et j’ai choisi le dessin, à La Cambre. Je dessinais mieux, techniquement, que la plupart des autres élèves de ma classe, mais je n’avais pas spécialement d’étincelle créative.  » La modestie ou plutôt une forme d’autocritique, voire d’autodépréciation, chronique, fait visiblement partie de l’ADN de Joëlle Scoriels. Qui, dans cette autre évocation dessinée accrochée dans le salon – un enfant venu de Syrie -, montre que la matière, en tout cas émotionnelle, est bien là. Voire un mode d’engagement humanitaire. Toujours avec une forme de placidité, de non-ambition affirmée et d’ignorance de ce que peut bien être un plan de carrière .

Cadette d’une fratrie de quatre, Joëlle est donc la fille d’une mère peintre figurative et d’un père  » architecte avant d’être mort « . Expression scorielsienne dans la mesure où cette demi-phrase de la journaliste-présentatrice éclaire la lucidité d’un parcours de (fausse) blonde pas forcément triomphante. Passée par la microchaîne MCM, où elle présente originellement le hit- parade, assistante à l’UCLouvain ou secrétaire de cours du soir à l’institut libre Marie Haps. Devenant ensuite rubricarde pour l’émission mi-figue mi-raisin Cinquante degrés nord. Affirmant, au fil des ans, une présence physique et d’expression, détachée des compliquées années teenage.  » Adolescente, comme je n’étais pas très à l’aise avec moi-même, je m’étais créé un personnage renfrogné et distant, confie-t-elle. Une fille introvertie, sans véritable ambition claire, avec de vagues idées de devenir cavalière ou écrivaine. Et puis, plus tard, j’ai retenu cette phrase de Vincent Lindon disant qu’il n’avait pas envie de connaître ses propres secrets : je crois que cela me correspond bien.  »

Télé et cheveux lavés

Séparée depuis trois ans du chanteur Vincent Venet – père de leurs deux enfants -, Joëlle partage sa vie actuelle avec un chroniqueur radio de la RTBF. Peut-être pas complètement un hasard puisque la lectrice Scoriels – une tonne de bouquins campe dans l’appartement – officie depuis deux ans comme humoriste dans l’émission Entrez sans frapper de Jérôme Colin, à raison d’un billet tous les quinze jours. Après avoir servi la quotidienne et la bimensuelle télé Sans chichis durant une décennie, Joëlle a répondu, avec une bonne inspiration, aux difficiles sirènes de la causerie drolatique sur antenne radio.  » En télé, tout est beaucoup plus cadré et il faut se laver les cheveux, lâche-t-elle. Il y a un devoir de respectabilité d’apparence. En radio, on peut-être sale (elle rit), même si c’est filmé, parce que cela l’est quand même dans une moins bonne définition.  »

Joëlle est aussi la seule personnalité télé, jusqu’ici rencontrée, à parler du blanchissement et réalignement de dents. Elle en donne même le tarif.  » Oui, j’ai fait cela il y a quelques années et cela tient, précise-t-elle. Comme toutes les bonnes femmes, à cause de ma vieillesse (sic), je me regarde à la télévision, mais sans le son. Pour voir à quel point le délabrement est en cours. Comme toutes les bonnes femmes, le vieillissement m’inquiète. Oh et puis je me rappelle qu’au début de mes apparitions télé, mon père, aujourd’hui décédé, voulait toujours être là, pour m’empêcher de dire certaines choses. Comme mon amoureux actuel, d’ailleurs. Disant que je devrais d’abord me prévaloir de mes extraordinaires qualités.  » Et voilà qu’elle en rigole, dents forcément immaculées. Comme on pourra sans doute le vérifier à la diffusion de Alors on sort ? , le nouvel agenda culturel quotidien ertébéen télé où elle écrit et dit la voix off sur La Une, avec compilation visuelle le week-end.

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