L’amour des maths

Professeur retraité, j’ai rencontré bien des jeunes fâchés avec les mathématiques (voir notre dossier du 8 décembre dernier  » Comment faire (enfin) aimer les maths « ). Après quelques années dans l’enseignement ordinaire, j’opte pour le spécialisé en 1977. La directrice de l’époque fustige mes méthodes, totalement différentes de celles de la personne qui m’avait précédé et me promet  » l’inspection « . A la fin de l’évaluation, l’inspecteur m’embauche afin de réfléchir en équipe à la pédagogie des mathématiques pour l’enseignement spécialisé. Me voilà donc détaché un jour par semaine sous la houlette de cet inspecteur expérimenté, imaginatif et extrêmement compétent. Le décès de ce grand monsieur a malheureusement stoppé ces fructueuses cogitations. J’ai donc poursuivi mes recherches en les adaptant à mes élèves (âgés de 13 à 21 ans). Ma méthode nécessite un matériel aisé à fabriquer, réalisé par les élèves et les collègues des ateliers. Une amie m’a récemment redit son bonheur d’utiliser cet outil simple, efficace. En deux ans et à raison de trois ou quatre heures par semaine, la plupart des jeunes en difficulté – motivés – peuvent récupérer les acquis de l’école primaire. Le maître mot est  » manipuler  » afin de se construire une image mentale des quantités. J’ai bien entendu envoyé aux différents ministres qui se sont succédé à la tête de l’éducation francophone un aperçu de ma méthode et proposé d’en faire des démonstrations gratuites. Une seule fois, j’ai reçu un accusé de réception de mon courrier… Le fameux Pacte qui fait couler autant d’encre que de salive et de bile de la part des acteurs de terrain aura des conséquences dramatiques pour l’enseignement parce qu’il ne tient pas compte d’au moins deux paramètres : primo, il ne contient aucune réforme pédagogiquement validée (des  » remédiations  » oui… mais comment ? c’est une autre histoire) ; secundo, l’enseigné est toujours exclu de l’équation scolaire. Les profs sont les méchants ou les incapables, surtout pas les élèves… Dans tous les domaines, faire et refaire la même chose en espérant, un jour, un résultat positif relève de la folie.

Faire aimer les maths, et donc aussi toutes les disciplines intellectuelles, c’est recréer du sens. C’est contextualiser les apprentissages : en amont (l’histoire des procédures), en aval (pour quoi fait-on ainsi ? ) et dans l’instant présent (le tâtonnement des manipulations et de la recherche). Le chemin, plus important que la fin du voyage, comme toujours. Et si on réhabilitait Edgar Morin et sa pensée systémique ? On éviterait ainsi de croiser ces carabins retenus en dépit de leur non-savoir humaniste et tout imbus de leurs certitudes scientifiques ! […]

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