L’Amérique et nous

Européens et Américains se comprennent de moins en moins. Et pourtant, ils n’ont cessé de partager une histoire commune. Une exposition à Tour & Taxis à Bruxelles en retrace les temps forts.

George Bernard Shaw a pu dire jadis qu’Anglais et Américains étaient deux nations séparées par la même langue. A condition de l’étendre à peu près à l’ensemble de l’Europe, cette boutade n’a jamais été aussi vraie, semble-t-il, qu’aujourd’hui. Tout le monde sait que les relations entre l’Europe et les Etats-Unis viennent de traverser une période de crise aiguë, et il n’est pas certain que l’accession de Barack Obama aux affaires y ait rien changé de fondamental. Il se peut même, les Européens le découvrent avec effroi, que George W. Bush fût plus  » européen  » que Barack Obama, lui qui s’est empressé d’ôter du bureau Ovale le buste de Churchill que son prédécesseur y avait installé, lui qui, sur un mode moins anecdotique, regarde plus volontiers vers le Pacifique que vers l’Atlantique.

Mouvement de balancier

Et en effet, quelles que soient les nuances entre  » vieille  » et  » nouvelle  » Europe malencontreusement théorisées par l’ancien secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld, il est évident qu’Européens et Américains se comprennent de moins en moins. De ce vaste malentendu, que tout le monde déplore, on ne perçoit généralement que la dimension étroitement politique. Mais qu’il s’agisse de démocratie et d’organisation sociale, d’environnement ou de commerce international, de la paix et de la guerre, il semble qu’il n’est pratiquement pas de domaine de la vie collective sur lequel on ait les mêmes réflexes mentaux et les mêmes idées des deux côtés de l’Atlantique. Cette apparente dérive des continents est-elle une résultante de forces historiques sur lesquelles les hommes ont en définitive peu de prise ? Faut-il s’y résigner d’un haussement d’épaules, en se disant que c’est ainsi, et que, tout compte fait, ce n’est pas si grave ? Et peut-être ce constat ne correspond-il que très partiellement à la réalité, et qu’il faut faire une place au fantasme, aux sentiments nécessairement changeants des peuples et des élites, aux préjugés ?

Pour saisir la nature des relations entre l’Europe et les Etats-Unis, mieux vaut interroger l’histoire longue de ces relations, depuis la naissance de la République américaine, voire avant. C’est la longue durée qui permet de comprendre ce formidable mouvement de balancier à travers l’Atlantique qui a fait de ses deux rives ce qu’elles sont devenues : l’Europe qui a fait l’Amérique ; l’Amérique qui s’est émancipée de l’Europe tout en lui restant attachée par mille liens ; l’Amérique, enfin, qui est revenue sauver l’Europe de ses démons et lui rendre ce qu’elle lui avait emprunté. La nouvelle exposition du musée de l’Europe (*) tente de faire précisément cela. La série d’articles dont nous vous proposons cette semaine le premier de quatre épisodes résume, en avant-première, la trame des relations trois fois séculaires entre l’Europe et les Etats-Unis.

(*)  » L’Amérique, c’est aussi notre Histoire ! Trois siècles de relations entre l’Europe et les Etats-Unis « , exposition, Tour & Taxis, Bruxelles, à partir du 15 octobre 2010.

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