L’alternative du zoroastrisme

Exilé depuis 1979, l’Iranien Khosro Khazaï combat le régime islamiste avec les armes d’une culture authentiquement persane.

En ce début de semaine, 284 familles nous ont déjà signalé une mort violente dans leur entourage « , révèle Khosro Khazaï au Vif/l’Express. Installé dans quelques pièces en enfilade au-dessus de la galerie de la Reine, à Bruxelles, le fondateur du Centre européen d’études zoroastriennes vit au rythme des nouvelles dramatiques qui affluent de l’Iran par Internet.

Depuis trente ans, sa manière de combattre la dictature islamiste est davantage culturelle que politique, même s’il reste proche des milieux monarchistes.  » L’Europe a progressé sur le chemin des Lumières et s’est débarrassée de la mainmise des papes et des empereurs en retrouvant ses racines gréco-romaines, plaide-t-il. Nous aussi, nous sommes allés dans les profondeurs de l’histoire et de la culture persane pour ramener au xxe siècle les valeurs humanistes et progressistes de cette culture et en faire un système cohérent. Il ne faut pas se tromper : Mir Hossein Moussavi est un partisan du régime islamiste. Maintenant, il se rappelle quelque chose qui s’appelle la liberté, c’est très bien, il fait notre travail. Dans son débat télévisé avec Ahmadinejad, il a repris la plupart de nos idées. « 

Née il y a plus de 3 500 ans dans le nord-est de l’Iran, la philosophie zoroastrienne, du nom de son inspirateur Zarathoustra (Zoroastre), a été la philosophie existentielle de la Perse pendant 1 300 ans, jusqu’aux invasions arabes du viie siècle. Une partie des zoroastriens ont fui en Inde, où leur communauté s’est implantée sous le nom de Parsis ( » Persans « ). Les autres ont été obligés de se convertir à l’islam. Il ne reste que quelques dizaines de milliers de zoroastriens traditionnels en Iran. Mais, aujourd’hui, cette philosophie, restée vivante à travers la poésie et la littérature persanes, connaît un regain d’intérêt, surtout parmi la jeunesse.

Une petite lumière dans la nuit

 » En trois ans, 1 150 personnes sont venues ici pour se convertir au zoroastrisme.  » Fondé sur la lutte éternelle du Bien et du Mal, inclinant à une philosophie de vie positive, résumée dans l’antique maxime  » Bonnes pensées, bonnes paroles, bonnes actions « , le zoroastrisme prône aussi l’égalité des hommes et des femmes (Dieu, nommé Ahura Mazda, est masculin et féminin). Son livre le plus sacré est Les Gathas (chants).

Issu d’une famille musulmane non pratiquante, possédant des terres agricoles près de la ville de Chiraz, Khosro Khazaï a décroché son doctorat en histoire des civilisations du Proche-Orient à Bruxelles et à Gand, en 1978. Rentré en Iran pour enseigner l’histoire du zoroastrisme à l’université de Chiraz, il en a été chassé par la révolution islamique. Converti au zoroastrisme par réaction à l’obscurantisme islamique, il a poursuivi sa carrière académique aux Etats-Unis et en Australie, puis est revenu s’installer en Belgique, son port d’attache, d’où il poursuit son combat. Non sans risques.

 » Mon père et ma mère ont été tués en 1983 et en 1985 par des hommes de main du nouveau régime, raconte-t-il. Ma mère s’apprêtait à me rejoindre en Europe. En 1996, l’un de mes amis, Kourosh Aryamanesch (Reza Mazlouman), un des grands penseurs iraniens, a été assassiné à Paris, parce qu’il s’en prenait directement au Coran dans ses écrits.  » Le 19 mars 2008, Manouchehr Farhangi, l’un des mécènes du Centre européen des études zoroastriennes, a été poignardé devant sa maison, à Madrid.  » Un homme de 82 ans… « , précise Khosro Khazaï.  » La révolte actuelle est un coup très dur pour le régime « , constate-t-il. Dans la philosophie zoroastrienne, c’est une petite lumière dans la nuit…

Marie-Cécile Royen

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