L’adieu aux coutumes anciennes

Les Mahorais ont massivement voté  » oui  » pour que leur île de l’océan Indien devienne le 101e département français. Un énorme chantier s’engage pour mettre le confetti aux normes.

Paradoxale Mayotte ! Quand les Antilles françaises sortent tout juste de la tourmente et s’interrogent sur les inconvénients de leur statut de département d’outre-mer, voilà que ce confetti de l’Empire – 186 000 habitants, 374 kilomètres carrés -, situé entre Madagascar et le Mozambique, se pique de devenir le cinquième DOM tricolore. Le 29 mars, ses habitants ont massivement (95,2 % des électeurs) voté  » oui  » au référendum sur la départementalisation de leur île.

Pour le m’zungu (le Blanc) qui débarque à l’aérodrome de campagne de Dzaoudzi, la chose est surprenante. Pas pour le Mahorais, qui connaît par c£ur la saga insulaire. Placée sous protectorat français en 1841, à la demande du sultan local victime d’incessantes razzias de la part de ses voisins, Mayotte devient colonie française en 1886, en même temps que le reste de l’archipel des Comores. En 1946, la colonie se transforme en territoire d’outre-mer. Mais, depuis le début des années 1960, les tensions sont vives entre Dzaoudzi et Moroni, sur la Grande Comore. Lors du référendum sur l’autodétermination, en 1974, tandis que les autres îles votent en faveur de la séparation, Mayotte se prononce à plus de 63 % contre l’indépendance. En juillet 2000, l’accord qui lui ouvre la possibilité de devenir départe- ment en 2010 est validé par 73 % des électeurs.

Un nouveau statut rejeté par les Comores et l’Union africaine

Bref, voilà une population qui, à 10 000 kilomètres de Paris, ne cesse de proclamer son attachement à la métropole.  » Nous sommes noirs, pauvres et musulmans, mais nous sommes français depuis plus longtemps que Nice et la Savoie !  » s’enflamme Abdoulatifou Aly, l’unique député (MoDem) de Mayotte. Les élites politiques mahoraises n’hésitent pas à vous réciter à voix haute les 17 coups d’Etat subis par les cousins de l’archipel ! Une fois département, Mayotte se sentira à l’abri. Car les Comores, soutenues par l’ONU et par l’Union africaine, n’ont pas renoncé à revendiquer l’île. Au lendemain du référendum du 29 mars, leur président, Ahmed Abdallah Sambi, a appelé ses pairs arabes à rejeter le nouveau statut de l’île.

De la tranquillité et du cash : voilà, pour faire simple, ce qu’apportera la départementalisation. C’est évidemment un peu plus compliqué. Car avec le futur statut s’annoncent aussi de sérieux bouleversements. L’arrivée de nouveaux impôts, par exemple. Ou encore la suppression de la justice locale rendue par les cadis, les juges musulmans. De même, la polygamie, encore autorisée dans certains cas, sera définitivement interdite pour les nouveaux mariages. D’autres chantiers d’envergure attendent Mayotte, comme celui, en cours, de l’état civil, établi valablement pour à peine la moitié de la population. Une fois accomplie, la départementalisation représentera un investissement supplémen- taire de 200 millions d’euros par an pour l’Etat.

Reste alors une question : pourquoi la France, à l’heure de la redéfinition du lien avec ses territoires d’outre-mer, se lance-t-elle dans pareille aventure ? Parce qu’elle s’y est engagée et qu’il semble désormais impossible de faire marche arrière. Mayotte est une société sous tension, comme l’ont montré les émeutes de mars 2008. Une société qui découvre depuis dix ans les charmes de la consommation, mais où le taux de chômage s’élève à 25 % – et sans doute beaucoup plus car l’indemnisation, même faible, n’encourage guère à l’inscription aux bureaux d’emploi.

PIERRE-YVES LAUTROU, AVEC OLIVIER ROGEAU

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire