Justice

Le procès de Pierre Riga, qui a abattu un jeune de 18 ans sur son domaine de chasse, s’ouvre à Nivelles. Les débats s’annoncent animés

Branle-bas le combat au palais de justice de Nivelles. Ce lundi 14 mai, l’ancien agent de change Pierre Riga, accusé de meurtre pour avoir tué Nicolas Vander Stukken d’un coup de fusil, comparaîtra devant la cour d’assises du Brabant wallon. Evénement exceptionnel, car, rarement, procès aussi médiatisé s’est tenu dans la cité des Aclots.

Il risque d’y avoir foule devant le bâtiment spartiate de la rue du Géant, construit provisoirement en 1993 lors de la partition de la province de Brabant pour y installer la nouvelle cour d’assises francophone. Pourtant la salle d’audience ne peut accueillir que 80 personnes. C’est donc dans une ambiance confinée que les 12 jurés vont suivre les débats, avant de se prononcer sur le sort de Pierre Riga.

L’affaire est connue. Le dimanche 13 juin 1999, le jeune Nicolas et trois de ses camarades, qui ont eu la « mauvaise » idée de s’installer sur la berge d’un étang privé, se font surprendre par le propriétaire des lieux, armé d’un fusil de chasse. Dans un mouvement de panique, Nicolas tente de fuir. Un coup de feu part, mortel.

Après cinq jours de détention, Pierre Riga est libéré le matin même de l’enterrement de sa victime. L’opinion est choquée par la mansuétude du parquet de Nivelles à l’égard d’un prévenu qui est un notable de la région. Une pétition de protestation réunira près de 28 000 signatures. La suite est à l’avenant. Le juge d’instruction Georges Lobet qualifiera les faits de coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner: une infraction passible d’une peine maximale de cinq ans devant un tribunal correctionnel. Dans ses requêtes, le procureur du roi suivra la position minimaliste du magistrat instructeur.

Mais la chambre du conseil de Nivelles, elle, ne sera pas de cet avis. En avril 2000, elle décide de renvoyer Riga devant un jury populaire. Son ordonnance sera confirmée, quelques mois plus tard, par la chambre des mises en accusation de Bruxelles. Cette fois, c’est bien de meurtre dont on parle. Et d’un éventail de peines allant jusqu’à trente ans de réclusion.

Le procès, qui pourrait durer plus d’une semaine en raison du nombre des témoins cités à la barre, s’annonce épique. En effet, les deux parties ont fait appel à des avocats renommés. L’accusé est défendu par un trio aussi chevronné qu’hétérogène: le rusé Jean-Philippe Mayence, du barreau de Charleroi, le discret Georges de Kerckhove, du barreau de Bruxelles, et le flamboyant Marc Preumont, du barreau de Namur. Pour la partie civile, les parents de Nicolas ont confié leurs intérêts à l’avocate bruxelloise Anne Krywin, dont on connaît l’énergie et la détermination.

La désignation des jurés, appelés à juger cette affaire délicate pour laquelle on a parlé de justice de classe, ne se fera pas sans mal. Toutefois, pour éviter un trop grand nombre de récusations ou de désistements, le ministère public a pris les devants en demandant au parquet de Nivelles d’écarter, d’office, de la liste des jurés potentiels les 28 000 signataires de la pétition que les parents Vander Stukken ont jointe au dossier pénal. Un travail informatique fastidieux, mais nécessaire.

Ces milliers de signatures ne manqueront pas, cependant, d’influer sur les débats. La défense a déjà évoqué « l’extrême médiatisation » du dossier, non seulement à cause de la pétition mais aussi par l’existence d’un site Internet (du comité de défense de la famille Vander Stukken) et via la presse. Cela dit, y aurait-il eu un tel battage autour de ce qui était a priori un « banal » fait divers, si le parquet de Nivelles s’était montré moins indulgent envers Pierre Riga ? Les avocats de ce dernier reconnaissent que c’est la libération de leur client, le jour des funérailles de Nicolas, qui a tout déclenché.

Une énorme maladresse qu’est venue amplifier – admet également la défense – la qualification légère retenue par le juge d’instruction. Celui-ci, comme pour tout procès en assises, sera le premier témoin à être entendu par la cour. La partie civile a particulièrement insisté sur la présence de Georges Lobet qui, bien que toujours en convalescence après une hospitalisation, ne devrait pas faire faux bond. D’autant que le magistrat mis en cause aura enfin la possibilité de s’affranchir de la réserve imposée par sa fonction et de justifier les actes de son instruction.

Mais ces explications attendues ne devront pas occulter le véritable et grave enjeu du procès: Pierre Riga est jugé pour meurtre. Ses avocats, eux, estiment qu’il n’a commis qu’un homicide involontaire. A-t-il tiré pour tuer ? Le coup de feu était-il accidentel ? La tâche des jurés n’est jamais simple…

Thierry Denoël

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