Jouir, dit-elle.

La trajectoire d’Elisa Brune, romancière et journaliste scientifique, est depuis belle lurette en expansion entre deux univers : celui de l’infiniment grand et celui de l’infiniment petit. Avec une £uvre abondante, partagée entre les frissonnements les plus ténus, mais aussi les plus déterminants des rapports affectifs, exprimés déjà avec une force singulière dans le Fissures de ses débuts, et les énigmes abyssales posées par la sarabande des galaxies, trous noirs et autres Jupiters chauds. Avec Alors heureuseàcroient-ils, c’est sur les énigmes abyssales de notre sexualité, ce petit arpent magique de plaisir, de liberté et de servitude, qu’elle braque son télescope. Si le sous-titre précise qu’il s’agit de  » la vie sexuelle des femmes normales « , il va sans dire que celle des hommes est fatalement en cause dans ce constat évoquant, quoique dans une forme plus allègre, les fameux rapports d’Alfred Kinsey. Mais avec un solide déplacement d’axe, puisque le livre multiple représente, selon l’auteur, un  » simple coup de gueule des femmes qui ont ramé – et rament encore – pour trouver le plaisir  » et qu’on  » y malmène les hommes tant qu’on peut – enfin tous ceux qui n’ont rien compris – en vue de l’amélioration des comportements « . Le titre, à cet égard, est sans équivoque.

Au gré des chapitres, Elisa Brune enfile les témoignages recueillis auprès de nombreuses femmes, ne craignant pas d’aller elle-même au feu pour éclairer les frustrations et les déconvenues endurées par ses congénères, depuis l’apprentissage jusqu’au soi-disant épanouissement de leur vie sexuelle. Ce qui génère des dialogues et des anecdotes dont l’humour bienvenu n’altère pas un réalisme sans circonlocutions ni tabous. Ici, la sexualité est dévorée toute crue et sucée jusqu’à l’os avec tout ce que cela peut comporter d’éblouissements, de réticences et de singularités. Avec des commentaires techniques et sans fard sur les légendes et les réalités d’ordre organique – notamment dimensionnel – dominées par le Graal de l’orgasme.

Au passage, un pernicieux  » florilège  » de regards masculins sur le clitoris n’est pas sans rappeler la célèbre tirade de Cyrano. Parce que les hommes aussi ont la parole, et leur  » interrogatoire « , à l’enseigne des  » joies du dialogue « , clôt ce livre vengeur mais salubre et intelligent, avant un encouragement aux deux parties en cause, qui pourrait se résumer par  » cent fois sur le métierà « .

Alors heureuseà croient-ils !, par Elisa Brune. Le Rocher, 275 p.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire