Jean de Nivelles

 » Sa barbe est drôle, frisée en rondelles de cuivre ; il y a ses pauvres grands yeux vides qui ne paraissent même pas regarder. Pourtant il sourit ; je vous assure qu’il sourit, et si vous me poussiez un peu, je dirais qu’il vit (…)  » C’est en ces tendres termes que le poète Georges Willame parle du jacquemart surnommé affectueusement par les Nivellois  » Djan-Djan « .

Suspendu à la tourelle sud de la collégiale Sainte-Gertrude, Jean de Nivelles mesure un peu plus de deux mètres pour un poids avoisinant les 350 kilos. Habillé de plaques de laiton, le personnage représente un homme d’armes, avec cuirasse, cotte de mailles et jupette. Ce  » petit guerrier  » serait né aux alentours de 1400. Certaines sources précisent qu’il aurait été offert par Charles le Téméraire à la ville en 1469. Mais rien n’est moins sûr. Initialement accroché à une tour de l’hôtel de ville, il sera transféré sur la collégiale en 1617. Il y sonnera les heures sans encombre jusqu’en 1702. Une nouvelle horloge est alors placée, ne laissant à Jean de Nivelles que les demies à frapper. Le début des contrariétés. En 1859, un incendie ravage la collégiale. Le  » batteur de cloche  » survit presque miraculeusement mais est réduit à une longue inactivité, à la désolation générale des habitants de la cité. Notre brave devra attendre 1926 pour reprendre ses fonctions. Une accalmie de courte durée… En 1940, les Allemands bombardent Nivelles. La collégiale est sérieusement touchée, le clocher s’effondre mais notre Jean – une fois encore ! – est incroyablement épargné. De son piédestal, il nargue l’ennemi allant jusqu’à afficher fièrement les couleurs du drapeau national le 21 juillet 1944 ! Mais l’euphorie touche vite à sa fin. Le 3 septembre, lors des derniers combats pour la libération de la ville, Nivelles est bombardée et le jacquemart sérieusement blessé. D’importantes réparations furent entreprises en 1958, mais les dernières réfections datent de 1979. Il fut alors recouvert des feuilles d’or qui lui donnent cette note si caractéristique.

Mais qui est en réalité Djan-Djan ? De nombreuses hypothèses – certaines très discutables – ont été avancées. Un chevalier qui parcourait à cheval les alentours de Nivelles ? L’ancêtre de Cadet Rousselle ? Le fils du duc de Montmorency ? Cette dernière supposition est sans doute la plus pertinente. Au xve siècle, le seigneur français Jean de Montmorency refusa d’entrer dans une guerre contre le duc de Bourgogne malgré l’insistance de son père. De cet épisode viendrait l’expression :  » Etre comme le chien de Jean de Nivelles qui fuit quand on l’appelle !  » pour parler d’une personne ayant l’esprit de contradiction. Quantité de chansons traditionnelles françaises vont aussi exploiter ce thème. Ce qui est certain, c’est que le personnage de Jean de Nivelles a été assimilé au fil du temps au jacquemart de laiton qui égrène sa ritournelle.

Jean de Nivelles, collégiale Sainte-Gertrude, 1, place Lambert Schiffelers, à 1400 Nivelles.

La semaine prochaine : La Fontaine aux agenouillés

Gwennaëlle Gribaumont

de son piédestal, il nargue l’ennemi

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