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Jamie Margolin

Cofondatrice du mouvement contre le changement climatique Zero Hour et auteure.

La presse internationale l’a surnommée la « Greta Thunberg américaine ». Jamie Margolin, 18 ans, lie la question de l’environnement à celles du féminisme, du racisme et du colonialisme. Au nom de la justice sociale et de la solidarité, elle appelle les jeunes à l’activisme et la désobéissance civile. Un combat qu’elle défend dans son livre sorti voici quelques mois.

Entre le moment où vous avez lancé votre mouvement, en 2017, et aujourd’hui, avez-vous l’impression que les choses ont évolué?

Il est clair que le monde d’aujourd’hui est différent. Les choses évoluent très vite de nos jours. D’un point de vue climatique, il est évident que les choses n’ont fait qu’empirer, notre climat s’est détérioré. Mais l’opinion publique a elle aussi beaucoup évolué, et dans le bon sens. De plus en plus de gens se soucient véritablement de la crise climatique et veulent sérieusement agir.

Ce qui vous distingue de plusieurs militantes pour la lutte contre le réchauffement climatique, c’est que vous liez la question climatique à celles du féminisme, du racisme et du colonialisme. Pour vous, toutes ces causes sont étroitement liées?

Il existe incontestablement des liens. La crise climatique est une consé- quence directe du colonialisme et du capitalisme. Nous ne pouvons pas correctement la résoudre sans aborder la manière dont elle est liée à tous ces autres problèmes. Résoudre la crise climatique doit passer par le démantèlement de tous les systèmes d’oppression qui l’ont provoquée. Prenons un exemple d’actualité: le mouvement Black lives matter et le climat sont liés. La question climatique est une question de justice pour les populations afro-américaines: 69% des centrales au charbon sont construites dans des zones où habitent les communautés de couleur ; 20 000 personnes meurent de la seule pollution de l’air chaque année aux Etats-Unis, et la majorité sont des personnes afro-américaines. Ce n’est pas une coïncidence.

Nous, les jeunes, nous tenons nos sociétés à un niveau moral élevé. Nous avons le pouvoir d’éveiller les consciences.

Dans votre livre (1) sorti cette année, vous consacrez un chapitre à la désobéissance civile et à l’action directe pacifique. A quel moment ce mode d’action devient légitime?

Quand les lois sont injustes. Quand des lois blessent des gens, blessent notre planète, lorsqu’elles perpétuent l’injustice, il est de notre responsabilité de leur désobéir. C’est une responsabilité morale, comme disait Martin Luther King. L’historien Howard Zinn considérait, lui, que « protester en dehors des limites prescrites par la loi n’est pas combattre la démocratie, c’est au contraire absolument essentiel ». Certaines lois, comme celles qui interdisent l’assassinat ou le vol, doivent toujours être suivies. Ce sont des lois moralement justes et qui protègent nos sociétés et les vies. En revanche, si certaines lois et normes permettent de polluer la planète ou de limiter les droits des personnes LGBTQ +, elles doivent être remises en question.

La contestation de ces lois s’appelle la désobéissance civile. Soit le refus pacifique d’obéir à certaines lois, demandes, ordres ou commandements d’un gouvernement ou d’une puissance internationale occupante. Il s’agit souvent d’un dernier recours, lorsque le lobbying, la négociation et d’autres formes d’actions juridiques n’ont pas fonctionné. Pour reprendre l’exemple de la crise climatique, de plus en plus de gens ont recours à la désobéissance civile parce que pendant des décennies, nous avons essayé de négocier, d’interpeller les politiciens et les entreprises, de travailler et coopérer avec eux, mais en vain. L’urgence a atteint un tel niveau que les gens n’ont presque plus le choix que de recourir à la désobéissance civile.

Le Pouvoir aux jeunes,par Jamie Margolin (préface de Greta Thunberg),éd.Massot, 272 p.
Le Pouvoir aux jeunes,par Jamie Margolin (préface de Greta Thunberg),éd.Massot, 272 p.

Celle des jeunes peut être une arme puissante pour le changement si elle est utilisée correctement. Lorsque les jeunes enfreignent pacifiquement des lois injustes, la conscience morale de la société est touchée, car les gens se demandent pour quelles raisons des jeunes se mettraient ainsi en danger. Lorsqu’elle est exécutée de manière non violente et professionnelle, l’action directe des jeunes attire l’attention de toute la société sur l’urgence soulevée par des jeunes pacifiques qui font preuve de courage et défient les lois injustes. Nous, les jeunes, nous tenons nos sociétés à un niveau moral élevé. Nous avons le pouvoir d’éveiller les consciences dans nos sociétés, le pouvoir de porter la vérité nue et crue au monde par des actions de paix et de bravoure.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes qui souhaitent s’engager aujourd’hui?

Mon livre est un guide pour être un jeune activiste, pour n’importe quelle cause. Mais l’engagement peut prendre différentes formes. Pour certains, c’est s’engager dans sa propre école. Pour d’autres, c’est gérer un blog sur les réseaux sociaux pour évoquer des problèmes importants souvent sous- estimés dans notre société. Pour d’autres encore, c’est agir de porte-à-porte et interpeller directement des élus. Il est tout à fait possible d’allier tous ces modes d’action. Il ne faut pas se mettre trop de pression au début. Trouver le bon espace, la bonne ASBL, la bonne organisation peut prendre du temps. Je dis aux jeunes: rejoignez une organisation, et quelles que soient les tâches qu’elle vous confie, faites-les et ayez l’esprit ouvert ; parlez aux gens, observez les gens et posez des questions. Plongez et acceptez le fait que vous allez faire des erreurs. Ne restez pas scotchés devant votre ordinateur à faire des recherches frénétiques. Faites un pas en avant.

(1) Le Pouvoir aux jeunes, par Jamie Margolin (préface de Greta Thunberg), éd.Massot, 272 p.

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