Jacqueline Bir a toujours porté des costumes somptueux, joué des reines, mais cette fois, en SDF, elle l'avoue, elle est "tapée"! © ARIANNE GRIMONT/NAMURIMAGE

Jacqueline Bir, l’exemplaire

Cheveux en bataille, visage crasseux et vêtue de guenilles, Jacqueline Bir revient sur scène comme on ne l’a jamais vue. Dans La Dame à la camionnette, elle démontre qu’une comédienne peut encore se réinventer à 86 ans.

« Nous avons une grande envie de nous retrouver au contact du public. Mais nous avons un peu peur que quelque chose survienne encore et nous en empêche. Nous avons été arrêtés en plein vol pendant les répétitions. » Jacqueline Bir n’ose pas encore croire tout à fait à son retour sur les planches après tout ce que la Covid a fait subir à sa profession. A 86 ans, la comédienne belge s’apprête à incarner Miss Shepherd, « la dame à la camionnette » de la pièce autobiographique d’Alan Bennett, cette Lady in the Van portée en anglais par Maggie Smith (qui a exactement le même âge qu’elle) sur les planches en 1999, puis dans l’adaptation cinématographique de 2015.

Ah, mais je suis encore pas mal, je ne suis pas si vieille!

Pour ce spectacle mis en scène par son complice de Conversation avec ma mère, Alain Leempoel, et en tournée un peu partout cet automne, Jacqueline Bir a accepté de casser son image. Elle endosse ce personnage de femme qui , au crépuscule de sa vie, se retrouve sans domicile, forcée de vivre dans une camionnette stationnée pendant des années dans la cour d’ Alan Bennett. « Moi qui ai toujours porté des costumes somptueux, qui ai joué des reines, je dois dire que là, je suis tapée! , confie la comédienne. Les gens seront étonnés de me voir accoutrée comme ça et défendre ce genre de personnage. Parce que Mary est positivement odieuse, elle est très méchante. Mais c’est un cas comme il en existe malheureusement beaucoup: elle a été concertiste et, à cause d’un accident de la vie, tout a basculé et elle s’est retrouvée dans la rue. La pièce peut être peu amusante à certains moments mais elle donne à réfléchir. C’est une immense critique de la société, anglaise en l’occurrence. »

Un risque

Née en Algérie dans une famille d’agriculteurs, Jacqueline Bir se passionne pour le théâtre dès l’enfance. Elle étudie au conservatoire d’Oran avant de réussir l’examen d’entrée de celui de Paris, en 1952. Elle y rencontre Claude Volter, qu’elle épousera et qu’elle suivra à Bruxelles. Mais elle y côtoie aussi Bruno Cremer, Jean-Pierre Marielle, Françoise Fabian et… Jean-Paul Belmondo: « Ça me fait un drôle d’effet qu’il soit parti, c’est encore un autre morceau de ma jeunesse qui s’en va. Il avait un talent fou. Il nous faisait marrer en faisant des acrobaties incroyables, en se jetant des balcons dans le rideau. »

Au fil des ans, elle a vu des collègues s’arrêter en chemin, pendant qu’elle continuait sa carrière, inlassablement. « J’ai eu des opportunités mais il faut le vouloir, dit-elle. Et pour une comédienne, ce n’est pas facile d’accepter de se vieillir. J’ai joué dans Trois grandes femmes, d’Edward Albee, un personnage de 92 ans alors que j’en avais 62 ou 63. C’était un risque à ce moment-là. Mais j’ai eu un plaisir fou à jouer ça. En outre, humainement, ça fait du bien, quand on enlève la perruque et tout le reste, de se retrouver soi-même. On se dit: « Ah, mais je suis encore pas mal, je ne suis pas si vieille! » Je pense que dans une carrière, il vaut mieux anticiper parce que cela vous permet de vous imposer dans quelque chose que vous allez devoir jouer un jour. Et ça donne parfois des idées aux directeurs. »

Titillement

Jacqueline Bir estime qu’elle a eu de la chance dans son parcours, mais que pour jouer à son âge, il faut la santé. « Parce que le théâtre a changé: on ne se balade plus élégamment sur un plateau en disant des vers, le théâtre est devenu beaucoup plus physique. Moi, j’ai toujours essayé de faire du sport, je ne faisais pas d’excès, même si je n’étais pas sainte Jacqueline non plus (rires). Je pense que c’est à 40 ans, voire même avant, qu’on prépare sa vieillesse. Après, c’est trop tard. » Et la mémoire, cet outil indispensable du comédien? « La mémoire, ça se travaille, affirme- t-elle. Le cerveau est un muscle, c’est tout. Mais la mémoire, ce n’est pas que les mots. Moi, j’adore m’asseoir quelque part pour regarder passer les gens, parce que j’enregistre des attitudes, des gestes, dont je pourrai me servir à un moment ou un autre. »

A la veille de remonter sur scène, Jacqueline Bir confie que même après toutes ces années, sa passion du théâtre est toujours intacte. « On est heureux d’être sur le plateau, on a peur tous les jours. A mon âge, j’ai encore cette espèce de titillement, de grésillement dans le corps qui fait que c’est toujours excitant. »

(1) au centre culturel de Huy, le 24 septembre, à Wolubilis, du 29 septembre au 9 octobre , au Théâtre de Liège du 12 au 16 octobre, au centre culturel de Ciney les 19 et 20 octobre, au centre culturel de Spa le 22 octobre au centre culturel de Welkenraedt le 23 octobre, au centre culturel de Nivelles le 26 octobre, au Centre culturel de Bertrix les 27 et 28 octobre, à la Maison de la culture d’Arlon le 29 octobre, au Théâtre de Namur du 10 au 13 novembre , à l’Atelier Théâtre Jean Vilar à Louvain-la-Neuve du 16 au 20 novembre.

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