Thierry Fiorilli © FRÉDÉRIC RAEVENS

Jackpot à l’italienne

Qui dit mieux ? Cinq mois après les élections, deux mois après l’entrée en scène du nouveau gouvernement, totalement inédit : 70 % d’opinions favorables. Oui, ja, si, yes, da : 70 % ! L’opposition (les partis classiques, essentiellement, désormais), la presse traditionnelle (de gauche comme de droite, nationale comme étrangère), les organisations non gouvernementales, les instances humanitaires et judiciaires internationales ont crié leur indignation, ont multiplié les mises en garde, ont relayé les controverses, ont agité le ban, l’arrière-ban, les épouvantails, les bras, la tête, tout ce qui pouvait servir pour tenter d’empêcher ce qui se dessinait, ce qui se décidait… Les citoyens italiens sont de plus en plus nombreux derrière leur exécutif, mélange d’extrême droite, avec la Ligue du Nord de Matteo Salvini et le parti Frères d’Italie, de poujado-populisme, avec les 5-étoiles de Luigi Di Maio, et de centre-droit, avec Forza Italia de Silvio Berlusconi et Nous avec l’Italie : 70 % d’opinions favorables, le 31 juillet.

70 % d’opinions favorables pour un gouvernement d’extrême droite et poujado-populiste. Qui dit mieux ?

Et presque exclusivement parce que Salvini, ministre de l’Intérieur depuis début juin, a fermé les ports italiens aux bateaux chargés de migrants et à ceux des ONG qui leur seraient venus en aide, entend recenser les Roms en Italie, fait de tout immigré un criminel (avéré ou en puissance) et promet des plans de refoulements massifs. Peu importe que les agressions racistes se multiplient dans la botte, que le leader de la Ligue annonce vouloir armer tous ses concitoyens (parce que  » la défense est toujours légitime « ) ou qu’il plagie Mussolini le jour du 135e anniversaire de la naissance du dictateur mais en évoquant son propre cas ( » tant d’ennemis, tant d’honneur « ) : si les élections tenues le 4 mars dernier avaient lieu aujourd’hui, son parti obtiendrait 30,3 %. Presque le double d’il y a cinq mois (17,37 %, pour la partie du scrutin à la proportionnelle, pour la seule Ligue, portée au pouvoir grâce aux 37 % raflés par la coalition au sein de laquelle elle concourait. Si on y ajoute les 29,7 % d’intentions de vote, fin juillet, pour le Mouvement 5-étoiles, et les 8,6 % de Forza Italia, le compte est bon : 7 Italiens sur 10 soutiennent ce gouvernement dans lequel ne feraient pas tache Donald Trump, Theo Francken, Viktor Orban, Mischaël Modrikamen, Filip De Winter ou Marine Le Pen.

Pour ne citer que celle-ci et ceux-là, et ne pas occuper tout l’espace de cette page avec une liste de noms de personnalités politiques qui ont le vent très en poupe ou qui peuvent raisonnablement envisager qu’elles l’auront bientôt. Deux mois de gouvernance et 70 % d’opinions favorables, donc. Deux mois de politique anti-immigration très dure et les 58 % d’Italiens qui considéraient négativement le terme  » populiste  » en décembre 2016 sont réduits aujourd’hui de 15 %. Deux mois, et  » la politique populiste  » qui séduisait il y a un an et demi 22 % des Transalpins en conquiert désormais presque le double (37 %). Deux mois, et les 50 % se prononçant encore alors pour une politique d’ouverture ou d’accueil des immigrés en Italie ont diminué de moitié, 54 % s’avouant dorénavant clairement en faveur d’une politique de fermeture des frontières.

On aura beau s’égosiller, se désespérer, s’insurger ou s’épouvanter, tant que les (de moins en moins nombreux) dirigeants occidentaux qui défendent encore un minimum de valeurs démocratiques n’auront pas trouvé une solution tenable à long terme pour que toutes ces populations déplacées n’aient plus comme seul choix de survie l’exil de leur pays, les Salvini et Di Maio vont se multiplier. S’installer à tous les pouvoirs. Et donc, tout le monde le sait bien, recréer le pire.

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