» J’aime dénicher la faille « 

L’auteure belge jongle parfaitement avec les codes du thriller psychologique. Redoutable, elle nous surprend en poussant ses héros dans leurs derniers retranchements.

Malgré les apparences, nous avons tous  » le cadavre d’un passé qu’on cherche à oublier « . C’est là que va se nicher Barbara Abel. La romancière excelle dans les page-turners haletants, où l’angoisse monte d’un cran à chaque chapitre. Après la fin est la suite de son best-seller Derrière la haine, mais pas de panique, celui-ci peut se lire indépendamment. On y (re)trouve un couple et leur fils adoptif. Un ado qui ne se doute pas un instant des actes terrifiants commis par ses parents aimants. La tension est palpable lorsque de nouveaux voisins s’installent dans l’ancienne demeure de ces derniers. Vont-ils ranimer leurs plaies ?  » Les voisins ne représentent ni la famille ni les amis et pourtant, ils partagent une intimité, estime l’auteure. Cette saga explore les sentiments de proximité qui peuvent basculer sous l’oeil insoupçonné du quartier…  »

Le Vif/L’Express : L’un de vos héros est  » aguerri aux déviances de l’âme humaine « . Pourquoi vous intriguent-elles tant ?

Barbara Abel : Il y a désormais une foison de thrillers, mais il s’agit plutôt d’histoires de serial killers, débordant de méchants, de sang et de sévices corporels. Or, je tiens à tenir le lecteur en haleine sans faire appel à des effets dramatiques visuels. Mon créneau : fouiller la psychologie humaine. La vie étant faite d’obstacles, de joies et de souffrances, chacun peut se reconnaître dans mes romans. Ainsi, le secret est un thème récurrent car ce vivier est riche à exploiter. Il représente un fardeau qu’on est obligé de trimballer. Idem avec les remords, cette guerre contre soi-même si difficile à guérir parce qu’on en est le seul responsable. Devenir son propre ennemi ouvre une dimension psychologique intéressante. Mes histoires sortent de l’ordinaire, mais la description des émotions se veut terriblement réaliste.

 » Derrière les façades de respectabilité « , avons-nous tous des choses à cacher ?

On a toujours l’impression que chez les autres tout va bien, qu’ils n’ont ni problèmes de couple ou d’enfants ni de maladies. Non seulement ils ne vont pas forcément mieux, mais on ignore ce qui se trame chez eux. Nous portons tous une armure invisible ! J’aime dénicher la faille humaine derrière l’image d’une famille sereine. Mes romans se déroulent souvent au sein d’une cellule familiale car elle incarne le microcosme d’une société. La nôtre nous fait croire que tout doit être parfait, mais la vie est une succession de bonheurs et de malheurs.

L’un d’entre eux étant la mort d’un enfant,  » le drame ultime dont on ne se relève pas « .

C’est effectivement contre-nature qu’un enfant parte avant ses parents. Ils lui ont donné la vie, alors il ne leur semble pas normal d’assister à sa mort, d’autant qu’ils se sentent responsables de lui jusqu’à l’âge adulte. Aussi la mort représente-t-elle un échec insurmontable. Peu de couples résistent à ce drame qui touche mes protagonistes. Le bonheur n’étant pas intéressant à raconter, je préfère me concentrer sur les blessures qui nous poussent vers des situations extrêmes. C’est toujours au pied du mur qu’on découvre qui on est vraiment. Face à l’urgence ou l’irrémédiable, on n’a pas le temps de jouer un rôle. Notre véritable personnalité ressurgit dans ces moments-là. Il suffit parfois de quelques secondes pour que tout bascule…

 » Il n’y a que la vérité qui te sauvera « , mais peut-elle aussi nous tuer ?

Au final, la vérité nous sauve toujours, même si elle détruit certaines choses au passage. Elle fait de nous des vainqueurs, or ce n’est pas le chemin le plus facile à prendre. Certains, comme mes héros, vivent avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête, tant ils craignent qu’on la découvre. La vérité peut blesser, mais elle vaut mieux que le mensonge. Dans mes romans, j’avoue que ça m’amuse de jouer avec les deux.

Après la fin, par Barbara Abel, Fleuve Noir, 332 p.

Entretien : Kerenn Elkaïm

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