INQUIÉTUDE

Président d’un grand CPAS, il m’est donné de rencontrer beaucoup de personnes différentes et notamment des travailleurs de l’institution que je préside. Et quand je vois la fatigue des équipes, confrontées à la pauvreté et son cortège de désespoirs, le manque de confiance dont beaucoup d’intégrants de celles-ci font preuve par rapport à leurs responsables politiques, je me demande :  » Que faisons-nous si mal  » et je suis inquiet. Inquiet en me disant que les mêmes conséquences produisant les mêmes causes et en les remettant à leur échelle, ce que l’on impose aux Grecs pouvant d’une certaine manière se comparer aux traitements que l’on inflige à certains services sociaux, l’incompréhension et le rejet ne peuvent que suivre…

Suis-je dans l’excès quand je dis que d’une certaine manière et à l’échelle, les choses peuvent se comparer ? Je ne pense pas, car sur le terrain des grands centres urbains, mais pas seulement, la pauvreté ne cesse de croître et la gravité des cas individuels suit une courbe elle aussi exponentielle. Or et voilà le fondement de mon inquiétude : la réponse n’est pas à la hauteur des défis. Certains nous méprisent et nous affublent de noms d’oiseaux ( » profitariat « ), d’autres regardent ailleurs ou feignent de croire que la responsabilité de la pauvreté revient à ceux qui luttent contre elle ou aux pauvres eux-mêmes (car quand on veut, on peut, n’est-il pas ?)… Et nous répondent au désespoir par des plans de gestion drastiques, par une orthodoxie budgétaire qui ne tient compte de rien d’autre que des chiffres, ceux auxquels les gens de terrain ne comprennent rien, car ils ne correspondent à rien de ce qui se vit… Et alors que ce qui est vécu et ressenti, c’est l’étouffement devant la situation, qui continue à plonger… Oui, vraiment je suis inquiet… […] Or, pas plus que l’on ne peut étrangler les Grecs, on ne peut par son regard détourné, nier la dégradation de la situation sur le terrain de la (grande) précarité. Pas plus que l’austérité n’est une réponse à tout, le serrage de ceinture des services sociaux n’est suffisante… C’est Reggiani qui parlait des  » loups « , ceux qui sont entrés dans Paris un jour par Clichy. Attention que par notre aveuglement collectif, nous ne soyons ceux qui, bien involontairement, les nourrissent… […]

Il n’est pas donné suite aux lettres ouvertes ou portant des adresses incomplètes. La rédaction raccourcit certaines lettres pour permettre un maximum d’opinions.

CLAUDE EMONTS, PRÉSIDENT DU CPAS DE LIÈGE, PAR COURRIEL

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