Hugo Vandenberghe (CD&V)  » Dans une démocratie, il n’y a pas de secret d’Etat « 

Avocat depuis trente-neuf ans, membre de la commission de la Justice du Sénat

depuis 1991, Hugo Vandenberghe est un spécialiste des questions de sécurité

et un défenseur des droits et libertés individuels. Au c£ur du sujet.

Le Vif/L’Express : vous êtes l’auteur de la proposition de loi accordant les écoutes téléphoniques aux services de renseignement. Pourquoi ?

> Hugo Vandenberghe : Ces méthodes sont nécessaires. Nos services sont déforcés par rapport aux services secrets étrangers. A la fin de la précédente législature, le gouvernement avait déposé un projet de loi qui n’a pas abouti. Je l’ai redéposé avec, selon moi, de meilleures garanties pour les libertés individuelles et la protection de la vie privée. Les contrôles doivent être gradués en fonction du caractère  » normal « ,  » spécifique  » ou  » exceptionnel  » des méthodes de recueil des données. Il y aurait un contrôle préventif et un contrôle a posteriori par le comité R (NDLR : comité permanent de contrôle des services de renseignement).

La police fédérale peut déjà, sous le contrôle d’un juge d’instruction et du parquet fédéral, pratiquer ces écoutes sur des suspects de terrorisme ou de criminalité organisée. La Sûreté de l’Etat et la police fédérale devraient-elles fusionner ?

> Non. La séparation des pouvoirs est toujours une garantie de démocratie. De plus, leurs tâches sont différentes : la Sûreté de l’Etat collecte des informations et rédige des notes de renseignement. La police fédérale lutte contre les criminels. Certes, la police fédérale fait des enquêtes proactives, qui débutent avant qu’un crime ne soit commis, mais elle ne doit pas se transformer en un service de renseignement. Sinon, on peut craindre une trop grande concentration des pouvoirs entre les mains de la police, qui est dépendante du ministre de l’Intérieur, alors que la Sûreté de l’Etat est placée sous la tutelle du ministre de la Justice.

Le reproche inverse est adressé à la Sûreté de l’Etat. Elle négligerait ses tâches de renseignement sur le fond et le long terme pour collaborer à des enquêtes judiciaires. Est-il fondé ?

> Parfois, il y a des passerelles entre les métiers de police et de renseignement. La plupart des procès islamistes ont eu pour point de départ des renseignements fournis par la Sûreté de l’Etat. Le problème clé, abordé par notre proposition de loi, est celui-ci : quel statut accorder, dans le cadre d’une procédure judiciaire, à des renseignements dont, pour des raisons de sécurité évidentes, l’on ne connaît pas la  » source humaine « , c’est-à-dire le ou les informateurs ? Ces informations constituent-elles une preuve judiciaire ? Quel contrôle de qualité faut-il leur appliquer ? Dans quelles conditions doivent-elles être transmises aux autorités judi-ciaires ? Ma proposition de loi apporte des esquisses de solution.

L’affaire Belliraj laisse une impression confuse. Saura-t-on un jour ce qui s’est passé avec cet informateur présumé de la Sûreté de l’Etat, emprisonné au Maroc ?

> Au préalable, je voudrais souligner que la procédure qui se déroule actuellement au Maroc à l’égard d’un citoyen belge et pour des faits commis en Belgique (NDLR : les six crimes des années 1980), pose un grave problème. Car nous savons très bien qu’il n’y jouit pas des garanties judiciaires et de défense auxquelles il aurait droit en Belgique. Quant à savoir qui était vraiment Belliraj, je pense que, dans un pays démocratique comme la Belgique, il ne doit pas y avoir de secret d’Etat. Le comité R a été créé pour permettre au Parlement d’exercer son contrôle. L’on oppose trop souvent aux parlementaires l’argument du secret de l’instruction ou de la classification (NDLR : le caractère confidentiel) pour ne pas leur répondre.

Entretien : Marie-Cécile Royen

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