Hollande-Valls, alliés ou rivaux ?

Le ministre français de l’Intérieur offre une alternative aux socialistes. Vrai ou faux ? FAUX. S’il peut représenter une solution de rechange à la tête du gouvernement, Manuel Valls est trop éloigné du coeur stratégique du PS pour espérer succéder un jour à François Hollande.

Fragilisé par une impopularité jamais atteinte en un an et demi de pouvoir, François Hollande pourrait-il appeler à la rescousse le ministre de l’Intérieur Manuel Valls, son interface dans les sondages, après les élections municipales (23 et 30 mars) et les européennes (25 mai) ? La bonhomie affichée par le président français, apparemment imperméable aux critiques, ne présage pas de bouleversement politique. Mais un échec aux municipales, scrutin de proximité prisé des socialistes, pourrait contraindre le locataire de l’Elysée à changer, enfin, si pas de politique, au moins de méthode.

Professeur de science politique à l’ULB, Pascal Delwit rappelle le contexte politique privilégié qui a présidé à l’avènement de François Hollande : majorité socialiste à l’Assemblée nationale, au Sénat, dans les régions et forte présence à la tête des grandes villes. En revanche,  » l’état problématique des finances publiques « , dont il a hérité,  » a plombé son action « . Le premier président socialiste français depuis François Mitterrand s’est-il contenté de composer avec les contingences imposées par la crise ou a-t-il réussi à imprégner sa marque sur la conduite du pays ? Pascal Delwit ne note pas de réforme majeure dans le bilan – un peu hâtif, il est vrai – de François Hollande. Pas de marqueur de gouvernance de gauche donc comme le furent la semaine de congé supplémentaire, en 1981, et les 35 heures, en 1997. Sur les questions de société, le gouvernement socialiste a certes permis le  » mariage pour tous « . Mais le droit de vote des étrangers, proposition emblématique de la campagne présidentielle, a été renvoyé aux calendes grecques.

Dans le flou et le discrédit qui ont entouré l’action de François Hollande et de son Premier ministre Jean-Marc Ayrault, un ministre a réussi à sortir son épingle du jeu, sans doute aidé par un discours clair et parfois tranché : Manuel Valls surfe sur la crête des sondages. Le ministre français de l’Intérieur  » doit sa popularité plus à une apparence qu’à une réalité « , juge Pascal Delwit pour lequel il y a une contradiction entre  » l’image de dur  » que véhicule le premier policier de France et  » des résultats pas exceptionnels  » sur les questions de sécurité.

A une époque où la visibilité médiatique a pris une dimension majeure dans le récit politique, la singularité d’un Manuel Valls peut être un atout. D’autant, souligne le professeur de l’ULB, que les premiers mois de la présidence socialiste ont été marqués par des couacs de communication (la difficulté de se débarrasser du slogan du  » président normal « , les tensions entre ministres, l’affaire Cahuzac…) et que le couple Hollande-Ayrault n’offre pas une complémentarité utile : ils se ressemblent trop et sont tous deux impopulaires. Le second, qui a quelque peu redoré son blason en fin d’année en proposant une grande réforme fiscale, fera-t-il les frais d’un remaniement post-électoral ? Au bénéfice de Martine Aubry ou de Manuel Valls, qui en novembre déjà, selon Le Monde,  » s’est vu à Matignon  » ?

Le poste suprême en 2022

Rivaux sur le plan idéologique, le président et son ministre de l’Intérieur pourraient s’avérer complémentaires conjoncturellement. Mais sur les ambitions plus lointaines du fougueux Valls, Pascal Delwit se montre circonspect. La perspective présidentielle, pour lui, c’est 2022, 2017 étant a priori réservée à une deuxième candidature hollandaise. De surcroît, très marqué à droite du parti, le  » Sarkozy de gauche  » devrait d’abord convaincre les sympathisants socialistes de l’adouber (il n’a recueilli que 5,63 % aux primaires de 2011) avant de pouvoir briguer le poste suprême.

A plusieurs égards, 2014 sera une année charnière pour François Hollande et, corollairement, pour Manuel Valls. Le président devrait pouvoir tabler, estime Pascal Delwit, sur une reprise, même minime, de la croissance, sur l’inflexion sociale du nouveau gouvernement bipartite allemand et sur la latitude retrouvée d’une Angela Merkel délivrée de toute pression électorale.

GÉRALD PAPY

Le président et son ministre de l’Intérieur pourraient s’avérer complémentaires conjoncturellement.

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