Hollande Garder la tête froide

Gare à l’euphorie des sondages : le candidat socialiste veut éviter un score de premier tour plus faible que celui annoncé.

Rien, je vous le dis, rien ne nous arrêtera.  » Face au château de Vincennes, ce 15 avril, la foule des supporters hurle de joie aux derniers mots de François Hollande. En coulisses, derrière une bâche blanche qui protège des regards indiscrets, le gratin du PS s’est donné rendez-vous. Martine Aubry se tient à côté de Ségolène Royal, impossible à rater avec son manteau bleu clair. Laurent Fabius se glisse entre les deux femmes. Jack Lang et Jean-Marc Ayrault patientent près d’Elisabeth Guigou et de l’humoriste Gérald Dahan. Bertrand Delanoë salue les uns et les autres. Guy Bedos échange avec le porte-parole du PS, Benoît Hamon. Le publicitaire Stéphane Fouks, le producteur Dominique Besnehard, la réalisatrice Yamina Benguigui, le chanteur Benjamin Biolay ne sont pas loin. Au moment où le candidat achève son discours, les élus forment une haie d’honneur au pied de l’escalier conduisant à la scène.

Lionel Jospin semble comme libéré d’un fardeau

Un homme, en bas de l’estrade, sourit plus que les autres. C’est Lionel Jospin, qui reprend à gorge déployée La Marseillaise de fin de meeting. Un militant, accompagné d’un jeune garçon, se dirige vers lui.  » Est-ce que je peux prendre une photo de vous avec mon fils Sofiane ?  » L’ancien Premier ministre désigne alors du doigt Hollande, qui fait ses adieux au public.  » C’est lui qu’il faut photographier « , insiste l’homme du 21 avril. Le dernier socialiste à avoir gouverné semble comme libéré d’un fardeau.  » Si Hollande gagne, je me sentirai payé de mes peines « , confiait-il récemment au Vif/L’Express.

Etrange – et précoce – célébration à une semaine du premier tour. Pour tous, les jeux sont faits. Voilà enfin le député de Corrèze, suivi de sa compagne, de Manuel Valls et d’une flopée de gardes du corps. Il serre les mains, salue son ex-femme. Content, mais moins euphorique que l’aréopage, qui lui dit bravo. S’il commence déjà à évoquer dans la presse la structuration d’un futur gouvernement, il reste sur ses gardes.

L’attitude d’un François Bayrou, dont les voix seront précieuses dans l’entre-deux-tours, pose question. L’abstention l’inquiète. Un score trop important pour Jean-Luc Mélenchon, aussi : autant d’indignés qui vont lui faire défaut au premier tour pour incarner la dynamique.  » Il vaut mieux être le favori du mois de janvier, du mois de février, du mois de mars, du mois d’avril, pour être le vainqueur du mois de mai !  » disait Hollande. Mais sa cote n’a-t-elle pas été surévaluée par les instituts de sondage ? s’interroge-t-on dans son premier cercle. C’est la principale crainte à la veille du scrutin : une petite déception à la lecture du score réel, le 22 avril au soir – comme cela fut le cas quand avaient été connus les résultats du premier tour de la primaire, en octobre 2011.

Les pronostics vont bon train sur les futurs promus

La campagne n’aura pas soulevé une folle adhésion.  » François est un bon orateur mais il n’enflamme pas, il reste trop dans le rationnel « , analyse un ténor. Le référendum anti-Sarkozy plutôt que le rêve anti-déprime.  » Mieux vaut être élu sur un deal qu’on respectera que décevoir ensuite « , théorise un proche. Ne pas s’enflammer ?  » Pour une fois, au PS, le syndrome du changement de moquette dans les ministères n’existe pas. Nous ne pensons pas, déjà, à la décoration des bureaux « , assure le député Claude Bartolone.

Pas si sûr. Loin des micros, les pronostics vont bon train sur les futurs promus. Lequel des participants de la haie d’honneur du 15 avril ira à Matignon : Martine Aubry ? Jean-Marc Ayrault ? Manuel Valls, qui a filé directement dans la loge, dont l’accès est filtré par le service d’ordre ? François Hollande lui emboîte bientôt le pas. Devant quelques élus, il décompresse :  » Ça va, ce n’était pas simple de parler avec ce vent, dans cet espace aussi dégagé. Et puis, un dimanche après-midi à Paris, ce n’est jamais évident de mobiliser.  » Garder, si possible, la tête froide. Ne pas crier victoire trop tôt.

MARCELO WESFREID

 » François Hollande est un bon orateur mais il n’enflamme pas, il reste trop dans le rationnel « 

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