Hillary sur le départ

La chef de la diplomatie américaine veut afficher un bilan satisfaisant. En vue de 2016 ?

DE NOTRE CORRESPONDANT

Ses profonds regrets n’auraient pas suffi. Il a fallu qu’elle diseà  » sorry « . En prononçant ce mot magique, le 3 juillet, la secrétaire d’Etat, Hillary Clinton, a mis fin à sept mois de conflit diplomatique, causé par la mort de 24 soldats pakistanais tombés sous les missiles américains en novembre 2011. Elle a obtenu le jour même du gouvernement d’Islamabad la levée du blocus des convois à destination des troupes de l’Otan en Afghanistan.

Ce chef-d’£uvre de contrition pragmatique en dit long sur le retour des Etats-Unis à la diplomatie  » à l’ancienne « , palliatif à leur influence déclinante. Alors qu’Hillary Clinton entame son baroud d’honneur, préalable à son départ volontaire, annoncé pour la fin de l’année, ce petit pas réussi au Pakistan confirme aussi la mue d’une rock star présidentiable en couturière appliquée de la nouvelle image des Etats-Unis.

En la nommant, fin 2008, Obama misait sur la notoriété mondiale de son ancienne rivale démocrate pour promouvoir une nouvelle doctrine de la séduction tous azimuts, un  » soft power  » à mille lieues de l’arrogance des années Bush. Sa recrue s’est, pour le moins, prise au jeu, visitant 100 pays – un record -, parcourant près de 2 millions de kilomètres en trois ans et demi. Pour quels résultats ?

Investie dans un pays affaibli par deux guerres, une grave crise financière et le blocage partisan du Congrès, la secrétaire d’Etat pourra au moins se targuer d’avoir contribué à l’ouverture de la Birmanie et au grand retour américain dans la zone Pacifique, aidé à la formation d’une coalition contre Kadhafi et assuré le consensus pour un embargo en réponse aux ambitions nucléaires iraniennes.

Si elle a gaffé, elle a aussi fait preuve de sang-froid

 » Malgré sa connaissance parfaite des dossiers, elle ne peut être comparée à de véritables concepteurs stratégiques comme Henry Kissinger ou James Baker, car Barack Obama a gardé la haute main sur la politique étrangère, souligne Charles Kupchan, expert au Council on Foreign Relations. Mais sa réussite est évidente. Elle a su devenir le visage respecté et attractif de l’Amérique en privilégiant de nouveaux canaux diplomatiques, par des contacts directs avec le public et les ONG, et en prenant constamment position sur des questions de société comme le développement durable, le droit des femmes et des minorités. « 

Son idéalisme, sa passion pour la promotion de la démocratie ont certes émoussé le froid réalisme international d’Obama. Si Hillary a pu gaffer, qualifier de  » méprisable  » l’obstruction russe et chinoise sur la Syrie, elle a aussi fait preuve de sang-froid diplomatique, en obtenant, en mai dernier, le départ pour les Etats-Unis du dissident chinois Chen Guangcheng, sans pour autant faire perdre la face aux dirigeants de Pékin.

La surprenante bonne volonté de Pékin pourrait masquer un pari politique à long terme : âgée de 64 ans seulement et forte de 66 % d’approbation aux Etats-Unis, Hillary Clinton reste une candidate crédible pour la présidentielle de 2016. Nostalgie des florissantes années Clinton ? Attrait pour le style décontracté de cette enfant du Middle West ? Elle séduit aussi les jeunes. Une photo la montrant à bord de son avion, scrutant son BlackBerry derrière des lunettes noires, est devenue l’objet d’un jeu culte sur Internet, qui consiste à inventer ses réponses, toujours drôles et cinglantes, aux messages des grands de ce monde. La scène évoque aussi, dans l’imaginaire américain, de futurs périples à bord d’Air Force Oneà

PHILIPPE COSTE

Elle pourra au moins se targuer d’avoir contribué à l’ouverture de la Birmanie, ou aidé à la formation d’une coalition contre Kadhafi

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