» Gare à la radicalisation flamande « 

L’administrateur délégué de l’Union wallonne des entreprises, Vincent Reuter, ne peut donner tout à fait tort à l’agacement du patronat flamand : l’olivier wallon pèche par un manque criant de vision budgétaire face aux défis cruciaux de la crise.

Le Vif/L’Express : Le ministre-président flamand Kris Peeters est issu de l’Unizo, l’union des PME flamandes. L’administrateur délégué de la fédération patronale Voka, Philippe Muyters, le rejoint dans son équipe à un poste d’une importance stratégique : Finances, Budget, Emploi…. Le gouvernement flamand affiche un profil résolument patronal. C’est de bon augure ?

> Vincent Reuter : Je suis partagé. En allant chercher des personnalités en dehors de leurs rangs, les partis politiques témoignent d’une grande ouverture d’esprit. Mais la politique est aussi un métier qui s’apprend : découvrir des nominations ministérielles d’une telle soudaineté, dans le chef de gens qui n’ont aucune expérience sur le plan politique, me laisse perplexe. Mais je dois reconnaître que Kris Peeters n’a pas trop mal réussi sa reconversion en politique. La question cruciale tient aux compétences que l’on peut apporter dans les attributions ministérielles que l’on reçoit. De ce point de vue, Philippe Muyters est une personne indiquée dans les fonctions qu’il va exercer.

Vous imaginiez découvrir votre alter ego au Voka sous les couleurs de la N-VA ?

> Je ne connaissais pas ses options politiques, nous n’en avons jamais discuté. Je l’aurais plutôt catalogué CD&V ou Open VLD… Mais je crois plutôt que l’occasion a fait le larron. Dans son choix, le contenu de la fonction ministérielle qui lui était proposée a dû l’emporter sur une étiquette politique.

Le profil nationaliste flamand que Philippe Muyters vaà présent assumer sur le plan politique ne risque-t-il pas de refroidir le patronat wallon dans ses contacts avec le patronat flamand dont il était un des principaux dirigeants ?

> Cela dépendra de ceux qui restent au Voka, pas de celui qui est parti… Les options de la fédération patronale flamande, sur le plan communautaire, sont claires et connues : elles sont centrées sur le développement économique de la Flandre. Je ne vois pas ce qui pourrait changer en la matière. Le Voka vient d’ailleurs de réaffirmer son indépendance vis-à-vis de tout parti politique. Je crains davantage une radicalisation des esprits en Flandre si la réforme de l’Etat ne progresse pas et si l’impression devait prévaloir dans le nord du pays que rien ne bouge en Wallonie.

Précisément : le programme de l’olivier wallon (PS-Ecolo-CDH) mérite un bon bulletin ?

> Il est difficile, dans la foule de mesures proposées, de cerner les priorités et de trouver des mesures urgentes pour faire face à la crise. La poursuite des grands axes du plan Marshall est en revanche un grand réconfort. Mais le scénario budgétaire fait défaut, et les postes où il faudra inévitablement sabrer manquent de réelle visibilité. La vision politique est présente, à l’inverse du coût qu’elle pourrait représenter. C’est un peu comme si, au jeu Des chiffres et des lettres, il y avait les lettres, mais pas les chiffres….

Le patron des patrons flamands, Luc De Bruyckere (président du Voka), s’en irrite. Il va jusqu’à se sentir giflé quand il entendait Michel Daerden et Charles Picqué reporter à plus longue échéance que la Flandre le retour de la Wallonie et de Bruxelles à un équilibre budgétaire. Vous éprouvez la même douloureuse sensation ?

> Luc De Bruyckere y va un peu fort dans l’expression…. Les Régions ne partent pas de la même situation budgétaire. Mais je peux comprendre son agacement. Dans l’intérêt des Wallons, il serait aussi bon que nous sachions où nous allons, comment nous comptons remplir notre devoir de loyauté vis-à-vis du fédéral et des autres Régions du pays.

Entretien : Pierre Havaux

 » il serait bon que nous sachions où nous allons « 

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