© Getty Images/iStockphoto

Gardez le contact

Lorsqu’ils découvrent que leur enfant s’automutile, les parents ont souvent une violente réaction émotionnelle. Passé ce premier choc, comment gérer au mieux ce type de comportement et vos propres émotions?

Si l’automutilation concerne une proportion comparable de filles et de garçons, elle prend des formes différentes dans les deux sexes: alors que les premières sont plus sujettes à la scarification (coupures et griffures), les seconds ont plutôt tendance à se brûler ou à se donner des coups. Dans un cas comme dans l’autre, il est évident que ces jeunes ne se sentent pas bien… mais pourquoi choisissent-ils justement de se faire encore plus de mal? « Sans pouvoir apporter une réponse exacte à cette question, il nous arrive d’avancer la comparaison suivante: imaginez que, alors que vous venez de perdre un être cher et que vous vous sentez accablé(e) de chagrin, vous vous cognez soudain le gros orteil. Dans les minutes qui suivent, vous ne pensez plus à votre tristesse: la douleur physique vous a délivré brièvement de vos souffrances émotionnelles, explique le Pr Imke Baetens (VUB), spécialisée dans la recherche sur l’automutilation des adolescents. Les jeunes qui s’automutilent aussi rapportent que cette douleur aiguë submerge complètement leurs pensées et émotions négatives et leur apporte ensuite un sentiment de soulagement, de paix, d’euphorie ou de contrôle. Ce n’est évidemment que de courte durée et les idées noires ressurgissent peu à peu, souvent accompagnées d’un ‘nouveau’ sentiment de culpabilité voire de honte face aux lésions ou aux bleus. Rapidement, le besoin de s’en échapper un instant grandit… ce qui explique que ces actes ne restent généralement pas ponctuels mais deviennent une sorte d’addiction. »

Si vous prenez soin de vous et que vous vous montrez clément(e) avec vous-même, vous inciterez peut-être consciemment ou inconsciemment votre enfant à faire de même.

Un tourbillon d’émotions

Pour certains jeunes, l’automutilation est un signal, pour faire comprendre à leur entourage qu’ils ne vont pas bien, message qu’ils ne veulent ou ne peuvent pas verbaliser. D’autres cachent au contraire soigneusement leurs lésions pour ne pas faire souffrir les autres ou pour éviter des réactions émotionnelles violentes, en particulier de la part de leurs parents à qui ils ne se confient que dans un cas sur trois. Ceux-ci en sont donc souvent réduits à découvrir le problème par eux-mêmes, à moins d’en être informés par un enseignant ou une autre personne de confiance.

« D’abord, la réaction des parents est souvent émotionnelle et extrêmement vive, confirme le Pr Baetens. C’est bien naturel, vu le tourbillon d’émotions que peut susciter cette découverte. De nombreux parents se sentent anxieux, car les enfants qui s’automutilent développent aussi plus souvent des troubles psychologiques graves ou des idées suicidaires… mais leur sentiment d’incompréhension et d’impuissance peut aussi les pousser vers la colère. Taraudés par le désespoir d’avoir peut-être failli dans leur mission de parents et d’éducateurs ou par l’inquiétude que quelqu’un ait pu faire du tort à leur enfant, ils n’ont de cesse de savoir ce qui a pu le pousser à agir de la sorte. De nombreux jeunes sont toutefois incapables de leur fournir une explication claire ou une cause univoque, qui n’existe du reste pas forcément. N’oublions pas que nos ados sont exposés dans un laps de temps relativement court à une foule de changements physiques, psychologiques et sociaux, pouvant déjà en soi être une source de tensions. Ils grandissent en outre dans une société très focalisée sur les prestations et le succès. La transition vers l’âge adulte peut donc être particulièrement pénible pour les perfectionnistes, mais aussi par exemple pour ceux qui se sentent rapidement ‘dépassés’. Cette pression peut être encore aggravée par des événements de vie difficiles, comme l’exposition (en tant que victime ou témoin) au harcèlement ou à d’autres comportements inacceptables, la perte d’un proche, des parents qui divorcent, etc. Lorsqu’ils ne parviennent pas à maîtriser leurs idées noires, il arrive que ces jeunes cherchent à les réguler par des moyens malsains: crises de boulimie, addiction à l’alcool, aux drogues ou aux jeux vidéo ou, justement, automutilation. »

Les jeunes qui s'automutilent rapportent que cette douleur aiguë submerge complètement leurs pensées et émotions négatives et leur apporte ensuite un sentiment de soulagement, de paix, d'euphorie ou de contrôle.
Les jeunes qui s’automutilent rapportent que cette douleur aiguë submerge complètement leurs pensées et émotions négatives et leur apporte ensuite un sentiment de soulagement, de paix, d’euphorie ou de contrôle.© GETTY

Chaleur humaine et bienveillance

Exiger la fin immédiate des comportements d’automutilation, comme le font bien des parents, est évidemment une réaction tout à fait compréhensible. Pour le jeune, se faire mal représente toutefois paradoxalement quelque chose de salutaire, une sorte de repère. Face au contrôle ou à la punition des parents s’il n’obtempère pas immédiatement, son stress et son sentiment de perte de contrôle risquent encore de s’aggraver et, avec eux, les comportements que l’on cherchait justement à éviter.

Pour faire cesser l’automutilation, il faut donc avant tout que l’ado lui-même soit demandeur. « En tant que parents, c’est en lui offrant chaleur et soutien que vous maximiserez les chances de résultat, souligne la spécialiste. Expliquez-lui que votre première réaction un peu vive s’explique par une sincère inquiétude et efforcez-vous par la suite de réserver ces émotions à votre conjoint ou à une personne de confiance. Dites-lui aussi que vous aimeriez avoir l’occasion, dans le calme et sans juger, d’écouter tout ce qu’il a sur le coeur, ce qui le préoccupe et ce qui déclenche ses actes destructeurs. Vous pourrez ainsi d’une part chercher ensemble des alternatives plus saines qui pourraient lui procurer le même sentiment de paix ou de contrôle, d’autre part l’aider à développer sa capacité à résoudre les problèmes et à communiquer de façon directe ses pensées et émotions difficiles… même si tout cela est évidemment plus facile à dire qu’à faire. N’hésitez donc pas à faire appel, pour vous aider, au soutien d’un thérapeute individuel ou familial. »

Tisser des liens

D’après les recherches réalisées à ce sujet, les parents représentent une source de soutien primordiale pour aider les jeunes en souffrance à cesser de s’automutiler. Mais quid si votre ado refuse de nouer le contact avec vous?

« Ne focalisez pas trop sur les émotions ou les discussions, mais essayez de tisser des liens en passant du temps ensemble, en partageant des activités sympas. Continuez aussi à l’encourager à s’épanouir et à mettre en avant ce qui va bien. Ne focalisez pas trop sur les lésions. Au besoin, demandez à un prestataire de soins de confiance d’expliquer à votre enfant comment les soigner lui-même ; vous lui donnerez ainsi l’occasion d’assumer la responsabilité de ses comportements. Si vous vous faites vraiment du souci, faites inspecter les plaies par un médecin une fois par mois. »

Bref, laissez le temps à votre enfant d’abandonner peu à peu ses comportements d’automutilation par lui-même, conclut la spécialiste: « Si vous constatez tous les deux qu’il a du mal, adressez-vous à un psychologue. Sachez également que de nombreux jeunes rechutent malgré une approche adéquate… mais ne perdez pas espoir, car ces résurgences aussi font partie du processus de guérison. Enfin, retenez toujours que votre enfant apprend probablement plus de vos comportements que de vos paroles. Si vous prenez soin de vous et que vous vous montrez clément(e) avec vous-même, vous l’inciterez peut-être consciemment ou inconsciemment à faire de même… »

Plus d’informations: www.archipelbw.be/content/uploads/2018/08/brochure_parents_mutualit%C3%A9slibres.pdf

Gardez le contact

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire