Freddy Thielemans, Faux rond

Avec ses moustaches débonnaires et sa face rubiconde gén78lement fendue d’un large sourire, Freddy Thielemans ne ferait pas peur à une mouche. Pourtant, l’affaire Van Wymersch révèle son côté sombre.

Ne pas se fier aux apparences : Freddy Thielemans (PS), 64 ans, est un faux rond. Tout son langage corporel exprime le pouvoir. L’antichambre de son cabinet est peuplée comme une cour féodale. Très populaire, le bourgmestre de Bruxelles est un  » fils de « , à sa manière : son grand-père, socialiste, détient le record de longévité au conseil communal de Bruxelles (49 ans). Son père et sa mère étaient enseignants. Lui-même, régent en langues germaniques, a été nourri au bon lait du réseau scolaire de la Ville de Bruxelles. Il s’est ensuite épanoui dans la franc-maçonnerie, dont il est l’un des  » calotins  » les plus exubérants (il a porté un toast à la mort du pape Jean-Paul II). Il fait de sa passion dévorante pour les livres une image de marque, une pile de best-sellers traînant négligemment sur un coin de son bureau (ah ! bon, il ne travaille pas tout le temps ?).

Bacchantes prolétariennes… mais BMW toutes options, le bourgmestre n’en est pas à une contradiction près. L’épicurien convivial est aussi un brutal. Il a  » tué « , pour d’obscures raisons, son père en politique, le bourgmestre de Bruxelles, Hervé Brouhon (PS). Il a éjecté feu Carine Vyghen, échevine des Finances (PS), devenue trop soucieuse des deniers publics, et passée, par dépit, dans les rangs du MR. Les femmes du conseil communal se souviennent de sa façon particulièrement machiste de déstabiliser la réprouvée en lui donnant du  » Ma chère « . A Marion Lemesre (MR), autre femme énergique qui n’a pas sa langue en poche, il allonge du  » Mademoiselle  » à tout bout de champ. Bref, Freddy Thielemans n’aime pas qu’on lui résiste. Mais, lorsque les rapports de force lui sont favorables, il a assez d’habilité et de charme pour éviter le clash. Ainsi, son association avec le CDH de Joëlle Milquet (première échevine empêchée) tient plutôt bien la route.

Parviendra-t-il à balayer l' » affaire Guido Van Wymersch  » qui lui pend aux basques ? Il en est persuadé. Rappel des faits : GVW, son chef de police, est suspecté de faux et usage de faux dans la nomination de Christa Debeck à l’Inspection générale de la police et de  » faute déontologique grave  » lors de sa propre candidature à la direction de la zone de police de Bruxelles-Capitale/Ixelles. Une autre affaire est à l’examen au comité P : Van Wymersch aurait  » gelé  » les PV d’audition des deux secrétaires de Fernand Koekelberg, patron de la police fédérale, et attribué leurs numéros, pour brouiller les pistes, à d’autres dossiers. Il affirme aujourd’hui avoir remis ces PV au procureur du roi de Bruxelles, Bruno Bulthé. Pourquoi pas à l’Inspection générale, où GVW travaillait ?

Le plus piquant, c’est que Van Wymersch n’est même pas socialiste. Très discret, il a roulé sa bosse dans les cabinets de Marc Verwilghen et de Patrick Dewael, ministres de la Justice et de l’Intérieur (Open VLD). Mais, aux yeux de Thielemans, il a une qualité essentielle : c’est  » nen echte Brusseleir « , issu de l’ancienne  » PolBru  » – d’avant la réforme des services de police de 2000 – dirigée par le truculent et contesté Roland Van Reusel.

Alors, Thielemans maintient sa confiance en  » Guido « . Il fait du bon travail et ses troupes le soutiennent, dit-il. Inexact, puisque les syndicats de policiers, à l’exception de la CGSP, le jugent discrédité.  » S’il est inculpé, prévient cependant l’entourage du bourgmestre, la donne pourrait changer.  » Thielemans a déjà lâché les deux fonctionnaires qui ont servi de courroie de transmission à l' » embellissement  » du rapport de sélection de Van Wymersch. Une enquête disciplinaire est en cours. Mais elle a peu de chances d’aboutir dans le huis clos de la Grand-Place, sauf si le ministre de l’Intérieur s’en mêle comme autorité disciplinaire supérieure.

 » On trahit ses amis, mais on ne trahit pas ses adversaires.  » Un peu étonné, Freddy Thielemans reconnaît cette phrase de lui, tirée d’un entretien avec Télémoustique (13 décembre 2000).  » Quand on est bien, on ne trahit pas, dit-il. Mais je peux reconnaître l’erreur d’une personne que, par ailleurs, j’aime bien.  » Il ajoute, pensif :  » A un ami, on sait qu’on pourra toujours expliquer ce qu’on a fait et pourquoi.  »

Le souvenir qu’il aimerait laisser de lui ?  » Que j’aimais la compagnie des hommes, que je me sentais bien parmi eux, mais que je savais ce que je voulais.  » Une épitaphe ? Non, Freddy Thielemans est bien vivant, et il affirme qu’il se représentera en 2012. La guerre de succession a cependant déjà commencé, entre son ancien chef de cabinet, Philippe Close, devenu échevin du Tourisme et du Personnel, et Yvan Mayeur, président du CPAS de Bruxelles. On le dit en partance pour l’Europe, à la faveur des élections de 2009. Mais que ne dit-on pas… Bruxelles est une maîtresse puissante. Thielemans s’est acharné à lui redonner sa grandeur et sa joie de vivre, au point de faire grincer des dents à la Région bruxelloise. Enivré d’histoire, le regard perdu dans les siècles, il voudrait laisser sa marque, en décidant d’un  » geste architectural  » au Heysel, non loin de la ferme où a grandi son grand-père. A condition qu’un petit caillou policier ne le fasse pas trébucher.

Marie-Cécile Royen

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