Francofolies cherchent sponsors

Randstad, BNP Paribas Fortis, Spadel : des soutiens historiques des Francofolies de Spa ont décidé de retirer leurs billes. Des décisions qui tombent mal : le festival fête ses vingt ans. Avec un déficit de 300 000 euros…

Vingt ans déjà. Les plus fidèles se souviendront peut-être de cet été 1994 où Patricia Kaas, Stéphane Eicher et Indochine se partageaient la première tête d’affiche des Francofolies de Spa. Vingt ans plus tard, rien (ou presque) n’a changé. Le ciel lourd plombant déjà la place de l’Hôtel de ville cette année-là semble prendre un malin plaisir à s’inviter lors de chaque édition. L’équipe aux commandes a pris quelques rides mais n’a pas beaucoup évolué. Quasi toujours les mêmes têtes s’activent en coulisses. Jean Steffens et Charles Gardier, les deux co-organisateurs, toujours fidèles au poste. Seule la présence de Pierre Rapsat, le chanteur verviétois sans qui le festival n’aurait sans doute jamais pu se concrétiser, fait défaut. Son ombre, elle, plane toujours.

Côté sponsors aussi, l’événement musical spadois a toujours pu compter sur un soutien sans faille de quelques entreprises. Certes, les partenaires  » juniors « , ceux qui ne déboursent  » que  » 12 500 à 50 000 euros pour s’offrir un peu de visibilité, ont naturellement pris l’habitude de jouer aux chaises musicales. Mais les  » majors « , eux, ceux qui n’ont pas hésité à dépenser jusqu’à 150 000 euros, traversaient les éditions avec une exemplaire constance. Dès 1995, le petit bonhomme bleu de Spa Monopole trônait déjà dans un coin de l’affiche. Le sigle Proximus s’y trouve quant à lui depuis 2000. La Société wallonne des eaux y achète son lot de places qu’elle redistribue ensuite à ses employés et clients depuis 2003. Randstad avait donné son nom à une scène depuis 2007. La Loterie nationale y promeut son Win for life depuis la même année au moins.

Mais voilà : plusieurs se mettent à retirer leurs billes. Chez Renault, on se tâte  » car les temps sont durs pour tout le monde « . Randstad n’a pas renouvelé son contrat. Tout comme BNP Paribas Fortis, qui s’est d’ailleurs désolidarisé de tous les rendez-vous musicaux soutenus jusqu’à présent.  » On a dû couper dans certains coûts, justifie Valéry Halloy, porte-parole de la banque. Nous avons discuté avec les organisateurs afin de trouver un accord qui nous aurait permis de prolonger, mais cela n’a pas abouti. On n’y retrouvait plus nos envies. Nous étions un sponsor parmi d’autres alors que notre volonté était d’être réellement impactants.  »

Arrières-pensées politiques chez Spadel ?

Surtout, le partenaire historique qu’était Spadel (Spa Monopole) a décidé de dire bye-bye aux Francos. Une annonce tombée comme un couperet fin janvier. Charles Gardier n’en comprend toujours pas les motivations.  » Des sponsors qui s’en vont, d’autres qui arrivent, c’est naturel, assure l’organisateur. ING va par exemple remplacer BNP Paribas Fortis. Par contre, Spadel, c’est beaucoup plus emblématique. Cela nous a vraiment surpris.  » Les raisons ?  » Nous avons réorienté nos partenariats vers des événements possédant plus de valeur ajoutée, comme les 20 kilomètres de Bruxelles ou la Foire de Libramont, décrit Jean-Benoît Schrans, porte-parole de Spadel. Nos moyens ne sont pas illimités.  »

Les Francofolies, victimes comme tant d’autres des restrictions budgétaires ? Dans le cas de Spadel, certains évoquent une autre explication. Politique. Lors des dernières élections communales, Jean-Philippe Despontin, alors directeur de Spadel (il a quitté ses fonctions fin 2012) rejoignait la liste Osons Spa (CDH). Liste avec laquelle le MR (dont fait partie Charles Gardier) avait signé un accord de majorité confidentiel… jusqu’à ce que les libéraux ouvrent leur majorité absolue au PS. De là à interpréter cette décision comme une représaille… Charles Gardier n’exclut pas cette explication mais en doute.  » Cela s’est peut-être passé comme cela, mais je ne crois pas à cette thèse.  » Du côté du CDH aussi, on se défend de toute manoeuvre politique.  » Cela nous a même fait du tort, puisque nous étions vus par certains comme des opposants aux Francos « , plaide Luc Peeters, chef de file.

Reste que le festival spadois a terminé l’édition 2012 avec un déficit estimé à 300 000 euros, sur un budget total d’environ 5 millions. Outre les coquets subsides accordés par la Wallonie (310 000 euros en 2011), les Francofolies ont donc plus que jamais besoin de fonds privés. Les retraits de sponsors tombent mal. On a connu mieux comme cadeau d’anniversaire… ? Mélanie Geelkens

?Charles Gardier : Ce n’est pas la première fois. La première année était difficile, la 15e l’a été aussi… Différents facteurs entrent en compte : l’affiche n’était peut-être pas la plus judicieuse, la météo n’a pas aidé à écouler les tickets de dernière minute, la concurrence augmente, etc.

? Je ne considère pas que cette concurrence soit déloyale, mais il est clair que cela a un impact. On a trop bien ouvert la voie. Les Ardentes, par exemple, qui sont organisées 10 jours avant nous et à 45 kilomètres de Spa, ne sont plus le rendez-vous électro qu’elles étaient censées être. Les organisateurs peuvent solliciter les mêmes artistes que nous. Sans parler des concerts gratuits qui se multiplient et propagent l’idée fausse qu’il ne faut rien débourser pour de la culture. Cette concurrence nous oblige à payer des artistes plus chers que ce qu’ils ne valent réellement.

? Elle se fait ressentir. On remarque une tendance à l’inflation au niveau des cachets pour compenser les ventes de disques qui diminuent. Les tournées se font aussi de plus en plus fréquentes et les artistes, du coup, de moins en moins rares.

? Toutes les années n’ont pas été des réussites. Chaque édition est toujours compliquée parce que l’on essaie de continuer à nous réinventer. Il est peut-être arrivé que l’on fasse des choix de programmation moins judicieux. Mais, globalement, nous avons conservé nos ambitions. Un festival éclectique, familial, qui propose de vraies découvertes à son public et qui met en avant des artistes de notre communauté.

? J’ai eu un passage à vide il y a quelque temps. Les Francos nécessitent une implication très forte au niveau de la programmation. Il faut aller voir beaucoup de concerts, écouter pas mal de morceaux… C’est une intensité qu’il est parfois difficile à supporter nerveusement. J’en ai eu marre, mais j’ai finalement retrouvé le plaisir.

Propos recueillis par M. Gs.

Mélanie Geelkens

Les Francofolies ont plus que jamais besoin de fonds privés

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