Francis Delpérée  » On ne guillotine pas les reines pour faire des économies ! « 

Le montant des dotations royales ne choque pas le constitutionnaliste. Le sénateur CDH défend toutefois l’idée d’un système d' » enveloppes  » : celui-ci permettrait, dit-il, d’exercer un contrôle, nécessaire, sur ces sommes…

La population a du mal à  » avaler  » l’indexation des moyens financiers alloués à nos  » royals « , n’est-ce pas ?

Oui, mais il faut cesser de tout mélanger. Il y a, d’un côté, la liste civile accordée au roi, prévue par la Constitution : son montant a été voté une fois pour toutes, au début du règne et pour la durée de celui-ci. Puis il y a les dotations pour la reine veuve, la princesse et les princes. Celles-là sont plus  » malléables « , et peuvent être modifiées en cours de route.

On pourrait donc réviser ces montants à la baisse ?

Pour les dotations, c’est difficile. Cela apparaîtrait comme une sanction. Quant à la liste civile, on n’y touche pas, mis à part le coefficient d’indexation. N’oubliez pas que c’est une protection constitutionnelle, conçue pour éviter le chantageà dans les deux sens. Ainsi, on empêche que le roi fasse pression sur les ministres ou les parlementaires en refusant, par exemple, de contresigner une loi tant qu’on ne lui augmente pas ses moyens. Ou l’inverse. On se prémunit des menaces que pourrait faire peser tel ou tel sur le roi :  » Faites ceci, Sire, sinon on vous coupe les vivresà « 

Comment évalue-t-on les besoins du roi ?

On se fonde, en début de règne, sur la liste civile du roi précédent. Des mécanismes assurent le maintien du pouvoir d’achat et tiennent compte de l’évolution des coûts salariaux : la liste civile doit permettre au roi d’engager, en toute indépendance, les dépenses inhérentes à l’exercice de sa fonction.

Mais toutes ces dépenses échappent à la vérification de la Cour des comptesà

C’est exact. A nouveau, c’est parce que cette institution est un organe collatéral du Parlement. On ne veut pas que ce dernier puisse exercer une quelconque influence sur le roi.

Pas de contrôle du tout, c’est quand même gênant, non ?

C’est un peu excessif, oui. C’est pourquoi je suis partisan du système des  » enveloppes  » au sein de la liste civile et des dotations. On pourrait définir à l’avance que tel poste, mettons les frais de personnel, a droit à 67 % du budget ; que l’entretien des domaines ou le volet réceptions ou voyages ne peut dépasser 12 %, etc.

Aujourd’hui, personne ne sait comment les dépenses royales sont ventilées ?

Le roi et l’intendant de la liste civile ( NDLR : Vincent Pardoen) le savent. Mais si le roi choisit d’acquérir de nouvelles voitures plutôt que de retapisser ses salons, ou de rouler à vélo pour épargner sur le nettoyageà nous l’ignorons. De même que nous ne connaissons pas la part qui lui reste, en  » salaire  » propre.

N’y a-t-il pas trop de hauts dignitaires qui coûtent cher, à ses côtés ?

Les salaires des dignitaires sont calqués sur les barèmes de la fonction publique. Quant à leur nombre, c’est plutôt la portion congrueà Surtout par comparaison avec l’entourage de certains de nos ministres ! Excepté la présence de policiers (qui dépendent du budget de l’Intérieur) et de militaires (payés par la Défense), Laeken et le palais de Bruxelles sont franchement déserts.

1 594 000 euros octroyés cette année à Fabiola, n’est-ce pas beaucoup d’argent pour une vieille dame seule ?

Ouià enfinà les pensions de survie, ça existe pour tout le monde. Si un fonctionnaire décède, son conjoint touchera une pension qui sera fonction de son traitement. Et Fabiola est tout de même la veuve d’un roi. Et quel roi !

Mais quand Albert mourra, ça fera trois reines à entretenirà

On ne va quand même pas les passer toutes à la guillotine pour faire des économies !

Sur quoi va plancher, au Sénat, le groupe de travail sur les dotations princières, qui peine à se mettre en place ?

Il va sans doute poser sur la table l’idée des enveloppes. On va discuter aussi du contrôle de ces dernières. Et surtout de la question sensible : combien de bénéficiaires seront encore concernés, dans le futur. Le prince héritier seul ? Philippe et un(e) autre  » en réserve  » ? Ou les sénateurs de droit, autrement dit les enfants du roi ?

Entretien : Valérie Colin

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