Flagey : les sortilèges du Studio 4

Dans le cocon Art déco de l’ex-Maison de la radio, le Studio 4 s’est taillé une stature mythique et une acoustique de réputation mondiale.

Nuit du dimanche 26 février. Les musiciens du Brussels Philharmonic occupent le Studio 4 pour assister à la retransmission de la remise des oscars, en direct de Los Angeles. Et c’est bingo : meilleure musique pour The Artist, une bande originale enregistrée dans ce lieu même, le magique Studio 4.

Flash-back.  » Dans les années 1930, les radios étaient de véritables instituts de recherche acoustique, on y trouvait les meilleurs spécialistes du son « , précise Gilles Ledure, directeur du centre culturel Flagey. Il renchérit :  » Lorsque l’architecte Joseph Diongre a présenté son projet en 1935, il se trouvait face à un jury de douze personnes dont la répartition est significative : pour deux architectes, les dix autres membres étaient des spécialistes de l’acoustique.  » De 1935 à 1938, Diongre construit donc  » l’usine à sons « , l’une des premières maisons de la radio en Europe. Le  » paquebot Flagey  » connaît vite une notoriété internationale. La qualité du Studio 4 attire des musiciens prestigieux pour des concerts ou des enregistrements (musique classique, contemporaine, jazz). Le contexte est à l’effervescence entourant la naissance d’un nouveau média servi par une architecture innovante, sous la houlette de l’INR (Institut national de radiodiffusion).  » On se demande si le Studio 4 a été construit pour un orchestre symphonique ou si l’orchestre s’est constitué en fonction du lieu, tant l’interpénétration des deux est intense « , souligne Gunther Broucke, directeur du Brussels Philharmonic, en résidence à Flagey. Sous la direction de chefs de la trempe de Franz André, l’orchestre de l’INR étincelle dans sa relation fusionnelle avec cette merveille de Studio 4.  » Un moment de rayonnement musical dont on a oublié l’ampleur « , insiste Broucke.  » Stravinsky y a créé Le Roi des étoiles (1911). Bartok y a dirigé son Concerto pour orchestre en première mondiale hors de Hongrie.  »

Le secret du Studio 4 ?  » Si je le connaissais, je serais riche !  » sourit Gunther Broucke. On dirait que ces lieux à l’acoustique exceptionnelle, comme le Concertgebouw d’Amsterdam, se refusent à être cernés par des formules. Une des clés du mystère réside dans les proportions idéales de la salle.  » Une forme d’une boîte de chaussure légèrement trapézoïdale, avec une perspective en amphithéâtre où le son se propage idéalement « , explique Gilles Ledure.  » C’est comme un stradivarius, lance Broucke. Le son du violon se forme en interaction avec la caisse de résonance, avec le type de bois, les vernis… C’est tout pareil pour le Studio 4 : la caisse de résonance du violon équivaut à la salle pour un orchestre… « 

Constituée en 1998, la société anonyme Maison de la Radio Flagey sauve ce patrimoine architectural menacé. Aujourd’hui, le Studio 4 reste fidèle à sa réputation depuis que l’architecte Philippe Samyn a redessiné la salle.  » L’orchestre y sonne de façon optimale avec une réverbération naturelle « , précise Michel Tabachnik, chef du Brussels Philharmonic. Le Studio 4 semble aimanter l’esprit de cohésion sonore des formations qui s’y produisent.  » Chaque musicien de l’orchestre peut s’entendre parfaitement. A Flagey, c’est tout le contraire, il y a une proximité acoustique étonnante.  » Sortilèges de l’usine à sons…

PHILIPPE MARION

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