Fiévez, le soldat wallon honoré au pèlerinage de l’Yser

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

 » Oublié  » au pied de la tour de l’Yser où, seul Wallon, il repose entouré de soldats de 14-18 martyrs de la cause flamande, Amé Fiévez aura droit à un hommage solennel fin août, au pèlerinage de l’Yser. Sa famille sera là pour la première fois depuis quarante-cinq ans.

Le vent tourne sur la plaine de l’Yser. Débarrassé des éléments extrémistes, le comité organisateur du pèlerinage clôt la page de la grand-messe flamingante pour en revenir à une commémoration des soldats de la Grande Guerre tombés en terre flamande.  » Qu’ils soient flamands, wallons, bruxellois ou ennemis d’hier « , confiait le président du comité, Paul De Belder (Le Vif du 3 août 2012.)

Place aux actes. Pour le dernier pèlerinage avant son déplacement le 11 novembre, jour de l’Armistice, Amé Fiévez sera mis à l’honneur à Dixmude.

Amé Fiévez,  » l’intrus « , longtemps oublié de la tour de l’Yser. Inhumé dans la même tombe que deux frères d’armes flamands, les Van Raemdonck, ce soldat originaire de Calonne, dans l’entité d’Antoing, a été superbement ignoré par le Mouvement flamand. Son  » crime  » était d’être wallon, tombé sur le front de l’Yser un jour de 1917, son corps entremêlé avec ceux de deux soldats flamands qui, eux, seront transformés en martyrs de la cause flamande.

 » Le refus flamand de mentionner le nom d’Amé Fiévez dans la crypte de la tour de l’Yser jusque dans les années 1960, alors que ses restes et ceux des frères Van Raemdonck se trouvent dans le même cercueil, sera d’autant plus mal ressenti « , relate Laurence Van Ypersele (UCL), spécialiste de la Première Guerre mondiale.

Pierre Fiévez, 73 ans, et son épouse Germaine, 68 ans, se préparent à quitter leur ferme de Calonne pour ce qui n’est pas tout à fait un saut dans l’inconnu.  » Nous nous sommes rendus une fois à un pèlerinage de l’Yser : c’était en 1967, l’année de notre mariage, se souvient Germaine pour Le Vif/L’Express. A l’époque, il y avait du monde là-bas, il ne faisait pas bon parler français…  » Le neveu d’Amé Fiévez et sa femme ont alors préféré s’abstenir.

Jusqu’au jour où le comité du pèlerinage vient relancer le couple. Et le persuade de refaire la route jusqu’à la tombe de l’oncle Amé, après 45 ans d’absence. Ce jeudi, Pierre et Germaine Fiévez se rendent une première fois à Dixmude. Pour y rencontrer, notamment, une descendante de la famille Van Raemdonck, qui viendra de Tamise.  » Une dame, de 90 ans paraît-il, qui veut absolument nous voir. « 

La politique de la main tendue

Germaine a exhumé de son grenier des photos de son oncle.  » Amé avait 26 ans quand il a été tué à l’Yser. On ne connaît pas grand-chose de toute cette histoire avec les frères Van Raemdonck. Sauf que c’était un problème entre Wallons et Flamands. « 

Le 26 août, jour du pèlerinage, Pierre et Germaine Fiévez devraient refaire le voyage en terre flamande. Pour un hommage plus solennel : une plaque commémorative en l’honneur du soldat wallon sera inaugurée. Fait sans précédent, un bourgmestre wallon prendra la parole devant l’assistance flamande. Bernard Bauwens, maïeur d’Antoing, met la dernière main à son discours :  » Ce sera un message de paix et de tolérance. J’y ai glissé quelques passages en flamand. « 

Antoing, en Hainaut, pourrait prochainement s’enrichir d’une  » rue Van Raemdonck « . Et Tamise, en Flandre orientale, d’une  » rue Fiévez « . La politique de la main tendue, par-delà la frontière linguistique. Un geste fort, à l’heure où la Belgique doute de son existence.

PIERRE HAVAUX

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