L'Orchestre du Lion, toujours " un peu borderline ". © NATHALIE NOEL

Fier lion wallon

Mémoire musicale liégeoise transgenre intimement liée à l’histoire du Cirque Divers, L’Orchestre du Lion présente la quintessence d’un jazz brûlant mondialiste via un album et un ambitieux livre illustré. Prochainement en concert au 140, à Bruxelles.

L’album est baptisé Connexions urbaines (1), et pas pour des raisons qui surferaient benoîtement sur le rap, roi des ventes et du buzz en 2018. En l’absence de Damso ou Roméo Elvis – excusés -, c’est Adrien Sezuba qui est en l’occurrence l’un des  » street-invités  » du disque de L’Orchestre du Lion. Inconnu trentenaire, le Rwando-Ethiopien, qui bosse en usine à Charleroi, plane ici sur Here I Am. Un moment de grâce jazzy aux cuivres étirés évoquant aussi les langueurs d’Addis-Abeba.  » Nos choix sont toujours la résultante de personnes, de rencontres, d’affects. Et dans le cas d’Adrien, on a été bluffé par son incroyable ouverture humaine. Malgré le fait qu’on ne puisse répéter que le week-end puisqu’il bosse en semaine, il incarne parfaitement la démarche de l’orchestre, toujours un peu borderline. Mais davantage par goût et curiosité que par provocation.  » Michel Debrulle est à la fois le batteur-percussionniste et le directeur artistique –  » bénévole  » – de cet orchestre de seize chanteurs et instrumentistes, baptisé en hommage au carnivore à crinière. De fait, les neuf morceaux hétéroclites de l’album mixant pedigree jazz à rock, orientalisme et tentations contemporaines, s’avèrent héritiers d’une histoire liégeoise compliquée. Un pléonasme, qui remonte à la fin des années 1970 lorsque Michel Debrulle et d’autres (comme le chanteur Thierry Devillers et le multi-instrumentiste Michel Massot) décantent une nouvelle scène ardente.

Musique non formatée

L’affaire est aujourd’hui largement explicitée dans un mook élégant de près de 200 pages de textes biographiques et d’illustrations et de photos choisies : une rareté qualitative en matière d’édition belge musicale qu’on peut lire comme un roman (2). Et le témoignage d’une aventure impliquant un saxophoniste désireux d’amener à Liège les méthodes d’enseignement suivies au Berklee College of Music de Boston (Steve Houben), un directeur de conservatoire  » libérateur d’espace  » et compositeur contemporain (Henri Pousseur) et un Syrien fantaisiste installant En Roture le Cirque Divers et son avant-garde frondeuse (Michel Antaki).  » Dans cette saga, il y a aussi Garrett List et ses classes d’improvisation au conservatoire : tout ce qui a contribué à ramener en ville des choses que précédemment on devait vivre ailleurs, précise Michel Debrulle qui se rappelle encore les interminables trajets de Thalys menant aux cours parisiens d’Alan Silva, minipape du free/expérimental.

Fier lion wallon

Pourquoi décider de raconter ce passé aujourd’hui ?  » Peut-être parce que le Cirque Divers et le club de jazz voisin, dont j’ai un moment géré l’artistique (Le Lion S’envoile), ont vraiment donné de la place à la culture liégeoise. Lorsque le Cirque et Le Lion ont fermé en 1999, Liège est devenu un désert culturel.  » Mais l’histoire ne repassant jamais exactement deux fois le même plat, L’Orchestre du Lion incarne aujourd’hui une renaissance locale et au-delà. Malgré la pénibilité économique ambiante, Michel Debrulle note que la première ville wallonne trouve de nouveaux endroits – L’An Vert, Le Kultura, L’Aquilone, Le Blues-sphère – pour des propositions précises :  » Celles d’une musique non formatée, physique et ludique, qui se fiche des interdits.  »

(1) Connexions urbaines (Igloo Records), en concert le 28 mars au 140, à Bruxelles, www.le140. be

(2) Sur la piste du collectif du Lion. Une aventure plus que musicale, collectif, éd. PAC, www.collectifdulion.com

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire