Faut-il vendre ou acheter ? Où investir selon votre budget ? Résidences secondaires : les affaires à saisir

Tassement des prix, ralentissement marqué du rythme des transactions, crédit plus cher, conjoncture économique plombée… Devant l’accumulation des incertitudes, il n’est pas superflu de se poser les bonnes questions. Tant sur le marché de la première que de la seconde résidence.

Des maisons, il y en a tant et plus à vendre pour l’instant. Mais, même si je ne suis pas difficile, les critères matériels (de mon état de santé à l’importance du montant à emprunter) réduisent mon choix à l’extrême. Résultat : en huit mois, j’ai fait plus de 3 000 km rien que pour visiter des maisons ! « 

Alain D. n’a jamais vraiment eu une brique dans le c£ur ni dans le ventre. Lui, c’est plutôt un arbre qu’il y aurait. Et sa dernière brique lui a laissé de lourdes aigreurs d’estomac. Acheté en bonne et due forme devant notaire, son dernier toit s’est révélé, suite à une plainte du voisinage, construit sans permis ad hoc. Impossible, donc, de le laisser en l’état ni de le revendre sans lourde perte.

Parti en catastrophe en laissant derrière lui tout ce qu’il avait, il s’est tapi momentanément dans un petit appartement pris en location à Remouchamps, histoire de digérer un peu cet échec et de se refaire financièrement. Mais rien à faire,  » impossible de vivre sans jardin, avec des voisins à gauche, à droite, en bas et au-dessus. J’étouffe physiquement…  » Résultat : ça fait huit mois qu’il cherche et voit les toits à sa mesure lui passer sous le nez.  » Ce n’est vraiment pas facile de trouver un logement quand on est « isolé ». En attendant, je loge chez une copine avec le peu qu’il me reste du ménage et quelques plantes « , se lamente-t-il.

(Se) poser à temps les vraies questions

Des expériences comme celle d’Alain, ça court les rues. Son histoire n’est ni marginale ni frappante. Juste exemplative. Et sans prétendre que le marché immobilier soit une jungle où les chausse-trapes sont la norme, on ne peut pas non plus prétendre qu’il se soit professionnalisé au point d’être devenu un club d’enfants de ch£ur.

Un peu comme pour le marché des voitures d’occasion, on trouve de tout sur celui de la brique. De la « seconde main » sur la Toile à la seconde résidence sur plan, quelques conseils pratiques peuvent donc parfois rapporter gros ou permettre d’éviter de transformer le rêve d’une vie en vrai cauchemar.  » En matière d’achat ou de vente d’une habitation, on n’a pas droit à l’erreur. Sinon, c’est un échec qu’on traîne souvent toute sa vie « , résume-t-on à la Fédération royale du notariat belge. Raison de plus, lorsque le marché immobilier se calme, pour prendre le temps de la prévention et de la réflexion.

1. La hausse est-elle finie ?

Chez nos voisins français, selon les derniers chiffres du Conseil supérieur du notariat parus cette semaine dans les colonnes des quotidiens (Le Monde, La Tribune), le nombre des ventes de logements anciens dans les grandes métropoles a baissé de quelque 25 % pendant le premier semestre. Et la Fédération des experts immobiliers de France (Fnaim) constate au même moment un recul des prix pour le mois d’août, pour les appartements et les maisons. Malgré les propos rassurants de certains professionnels, la conjoncture sur le marché immobilier français est donc bien en train de virer à l’aigre. En Espagne, on parle même d’une chute des prix de l’ordre de 25 à 30 % pour certains types de biens, neufs et anciens.

Chez nous, le marché, moins spéculatif que chez nos voisins du sud, a davantage été maintenu sous contrôle. Des prix moins surfaits et des hausses plus progressives engendrent des ressacs moins violents. La maison étant historiquement le placement obligé du bon père de famille belge, il reste difficile d’accepter, pour les 80 % de la population qui sont propriétaires de leurs murs, de voir leur bas de laine se détricoter, même provisoirement. Alors, après des années de hausse folle (de l’ordre de 20 % par an, en moyenne), on crie à la crise lorsque la plus-value annuelle escomptée n’est « que » de 5 à 10 %, voire moins. Et on hausse encore le ton quand l’inflation et le coût de l’énergie, si bien apprivoisés durant plus de dix ans, sont pris d’une fièvre galopante, au point de dépasser sur un an la bonification décevante de la brique.  » Chaque jour, nous rencontrons des clients, tant vendeurs qu’acheteurs, pénalisés par l’érosion de leur pouvoir d’achat et la chute de leur épargne. Cette morosité ambiante est un paramètre qui plombe le marché immobilier pour l’instant « , insiste Eric Verlinden, patron du groupe d’agences Trevi. Qui relativise tout de suite : cette période de vaches moins grasses pour certains est toute transitoire. Il n’y a donc pas de raison de céder à la panique. Un avis partagé par la Fédération royale du notariat.

Autre paramètre avancé par les notaires et les agents immobiliers : quand l’acheteur sait encore s’offrir le toit recherché (voir carte p.38), la balle est à nouveau dans son camp, dès lors que le vendeur est moins enclin qu’hier à gonfler artificiellement les prix. Car vue par l’autre bout de la lorgnette, celle de l’acquéreur, jeune surtout, la même réalité est forcément toute autre. L’accalmie enfin confirmée était attendue depuis si longtemps qu’on n’osait plus guère l’espérer. Mais elle arrive bien tard : rares sont les endroits où de bonnes affaires sont encore possibles. Quiconque pouvait se servir s’est servi. A Bruxelles et dans les deux Brabants, circulez : sous la barre des 250 000 euros, plus rien à voir (voir tableaux p.40).

Les prix se tassent, voire baissent. Comment préserver un patrimoine immobilier ?

Dans tous les cas de figure, il faut éviter la précipitation. Comme le marché boursier, sans pour autant être aussi actif, celui de la brique est également cyclique. L’erreur de la majorité des propriétaires, pourtant prévenus par les experts immobiliers du monde entier, est d’avoir cru que, après plus de dix ans de hausse ininterrompue et parfois progressive des prix et de l’activité, l’ascension allait se poursuivre indéfiniment et au même rythme.

 » Osons le dire : pour le propriétaire aussi, l’accalmie sur le marché de la brique était souhaitable. En Belgique comme ailleurs « , résume Pierre Nicaise, président sortant de la Fédération royale du notariat et notaire à Grez-Doiceau (Brabant wallon). Une accalmie, même passagère et variable selon les endroits, qui permet de revenir à des valorisations réalistes et de juguler les dérives spéculatives ou irrationnelles rencontrées ces dernières années en matière de rythme des échanges de biens et de hausse des prix. Celles-là mêmes qui ont incité certains banquiers à mettre sur le marché des produits financiers dangereux ou certains promoteurs à monter des projets immobiliers sur du sable.

 » Pour qu’un patrimoine garde une valeur réelle, cette dernière doit rester objectivable. Or, ces dernières années, ce n’était plus le cas à certains endroits, de plus en plus décentrés. Là où les plus-values ne correspondaient plus à rien d’autre qu’à de la surenchère artificiellement gonflée des acheteurs et des vendeurs. Au grand dam des plus fragiles d’ailleurs « , note Jean-Paul Mignon, notaire à Ittre (Brabant wallon). Fort heureusement – pour les propriétaires d’abord, surtout ceux ayant acquis un bien avant ou durant cette spirale ascensionnelle -, l’atterrissage actuel s’est fait en douceur chez nous. Mais ailleurs, aux Etats-Unis, en Espagne et en Irlande, la chute a été brutale et très dommageable.

Au-delà de ce retour progressif à plus de stabilité, deux conseils pour préserver ce patrimoine si chèrement acquis et souvent vital pour l’équilibre familial. Qu’on ait pour optique de le vendre ou de le garder, la meilleure valorisation à apporter à son toit est de le rendre le plus durable et le moins énergivore possible. D’en limiter au maximum les coûts récurrents. Une chose est sûre : après les « glorieuses » des maisons de charme arrivent en trombe celles des maisons conviviales, économes et proches des grands axes de circulation.  » Un argument d’achat qui bourgeonne pour l’instant « , insiste Patrick Menache, de l’agence MacNash.

2. Faut-il vendre ?

En tout cas, pas  » au plus vite « . L’urgence n’est jamais un argument commercial porteur. Faut-il vendre ? Tout dépend du bien et de sa localisation. Plus fondamentalement encore : la première question est  » pourquoi vendre ? « . Par besoin d’argent ? Pour acheter ailleurs ? Pour réaliser une plus-value ?

S’il s’agit d’acheter ailleurs, le moment n’est pas mal choisi en termes d’offre et de prix. Mais encore faut-il répondre à deux préalables : être sûr de trouver chaussure à son pied et de pouvoir se l’offrir avec le montant de la vente. On ne peut lâcher la proie pour l’ombre. Prudence, réflexion et expertise, donc. La plupart des agents et des notaires ne sont pas, quoi qu’on en dise, des voleurs et des usuriers : consultez-les au préalable, en multipliant les réponses.

Où acheter et quoi ? La demande est encore soutenue, et les prix sont en hausse dans nombre de communes et pour nombre de types de biens en Belgique. En outre, le pouvoir d’achat de pas mal d’acheteurs potentiels reste réel et les taux d’intérêt sont toujours relativement bas, même s’ils remontent depuis deux ans. Rien n’empêche donc de « jouer » à vendre, sans être acculé à le faire et sans gonfler anormalement le prix demandé. Et si le Père Noël frappe à la porte, il est encore temps de se décider.

3. Est-ce le moment d’acheter ?

L’achat d’un toit est, pour certains, une quasi-nécessité et entraîne un énorme trou dans leur budget ; pour d’autres, il s’agit d’un placement de plus.  » Dans le premier cas, on répondra plutôt par la négative : sauf crédit confortable et opportunité de marché (toujours possible, malgré la  » razzia  » vécue pendant cinq ans), mieux vaut prendre le temps et bien réfléchir. Et ne pas se mettre le couteau sur la gorge en optant pour des montages financiers parfois caducs », conseille le notaire namurois Pierre-Yves Erneux. Pour ce qui est des appartements, un conseil en or :  » Demander systématiquement le détail des charges de la dernière année écoulée « , insistent plusieurs agents actifs à Bruxelles sur ce segment. Même pour des biens très moyens, elles pourraient exploser au-delà de 250 euros. Par mois…

 » Le marché actuel est redevenu un marché de l’offre : c’est le vendeur qui doit négocier, baisser son prix. L’acheteur a donc plutôt intérêt à attendre, négocier, laisser venir. Dans certains endroits, à commencer par Bruxelles, on note d’ailleurs actuellement une surévaluation de l’offre de départ et une remise à niveau plus rapide du « juste prix » « , renchérit Eric Verlinden (Trevi). Certains biens surcotés perdent ainsi jusqu’à 20 % de la valeur initialement affichée lors de la vente réelle.  » C’est notamment le cas dans les immeubles Etrimo (NDLR : appartements bon marché des années 1950-1960, non prévus pour tenir le coup aussi longtemps) et des « deux chambres » qui partaient encore à 135 000 euros l’an dernier se négocient aujourd’hui à 100 000 euros « , pointe Dominique Rondiat (Century 21). Si le vendeur se cabre, il n’est donc plus rare de voir certains biens stagner sur le marché plus d’un an. Voire davantage. Gaëtan Bleeckx, notaire à Uccle, n’hésite pas à parler d’  » offre pléthorique  » pour l’instant dans certaines communes de la capitale.  » A l’exclusion du centre-ville « , nuance-t-il.

4. Combien faut-il gagner pour pouvoir encore acheter ? Et où ?

Acheter une maison sans l’aide de papa et maman est devenu pratiquement impossible pour la majorité des jeunes Wallons. Et des moins jeunes : les tableaux insérés dans notre dossier devraient toutefois les aider à se faire une idée juste de leurs possibilités. Sans plus (trop) rêver : à Bruxelles, la chimère est quasi générale. Nos tableaux vous permettent de savoir de quelles rentrées mensuelles (théoriques) il faut disposer pour pouvoir encore se payer une maison et où.

Sur la base du salaire mensuel net, nous avons calculé la capacité d’emprunt et cherché les maisons et appartements aux prix les plus abordables (voir encadré :  » Pour comprendre les cartes « , p.38). Une recherche qui s’est avérée plus difficile qu’on ne l’imaginait de prime abord. Le candidat acheteur qui ne veut pas dépasser le prix médian (50 % des prix de vente sont supérieurs à ce prix), mais est disposé à faire lui-même quelques travaux peut encore trouver la maison de ses rêves – pas trop fous – en Wallonie. Mais le client à la recherche d’une habitation prête à emménager à un prix Q75 (75 % des prix de vente 2007 sont inférieurs à ce prix) voit son choix fondre comme neige au soleil.

Les salaires les plus élevés ( +/- 4 000 euros net) ont évidemment le choix le plus large, surtout pour s’offrir une maison  » prête à servir « . Pour les autres catégories de travailleurs, la porte se rétrécit d’année en année : moins de la moitié des communes sont encore accessibles à un prix Q75 aux alentours de 3 000 euros net (managers) et à un prix Q50 autour de 2400 euros (responsables). Pour tous les autres, fini l’embarras du choix. A Bruxelles, plus personne n’a vraiment accès au marché. Seuls biens bruxellois encore accessibles aux seuls directeurs et couples mariés : les appartements. Mais moyennant travaux non couverts par l’emprunt (Q50) ; sinon la portion des communes accessibles se réduit à une dizaine sur dix-neuf.

Avec quelque 3 500 euros de rentrées nettes (directeur isolé ou couple marié), on peut encore tenter d’acquérir une habitation – moyenne – dans une seule commune : Molenbeek-Saint-Jean. Pour tous les autres, Bruxelles est hors de prix sans une aide autre que bancaire. Sur la base de nos analyses chiffrées, Koekelberg reste également un bon choix, à exploiter d’urgence.

5. Faut-il emprunter à taux fixe ou révisable ?

L’accalmie actuelle arrive au mauvais moment pour l’emprunteur : les organismes financiers ont revu le taux d’emprunt à la hausse et le capital prêté sur la base de l’expertise à la baisse. De surcroît, l’octroi de prêt n’est plus aussi facile que voici un an : la leçon venue des Etats-Unis a rendu frileux pas mal de banquiers européens touchés par la crise du crédit (subprimes). Et le ralentissement d’activité et de hausse des prix sur le marché immobilier a encore renforcé cette frilosité. La donne est aujourd’hui moins prévisible pour les prêteurs. Et l’inflation est encore venue brouiller davantage l’horizon à court terme.

Seule certitude pour le marché, qui achève de rogner le pouvoir d’achat du candidat acquéreur, surtout s’il veut garder sa ou ses quatre-roues : la hausse progressive du coût de l’énergie et, par effet domino, du coût des matériaux de construction. Ces derniers ont parfois augmenté de 40 % en deux ans. Pour ne pas ajouter un impondérable de plus au tableau, il est donc largement préférable d’opter pour un emprunt à taux fixe. La différence de taux entre ce dernier et les options à taux variable n’est pas suffisante pour prendre le risque du taux révisable.

Vaut-il mieux passer par un agent immobilier ? Un notaire ? Ou personne ?

Une chose est sûre : tout vendeur devra tôt ou tard passer devant notaire pour l’acte de vente. Autant donc prendre les devants et choisir son notaire personnel, plutôt que de se présenter devant celui de l’acheteur ou de l’agent immobilier. Cela ne coûte rien de plus lors de la signature de l’acte. Passé ce préalable légal, tout est relatif et dépend de l’expertise du professionnel concerné, notaire ou agent. Et de la complexité de la transaction (vente simple, maison occupée, rente viagère, usufruit, emphytéose, etc.). Le meilleur conseil : se renseigner auprès de personnes de confiance désintéressées et qui ont une expérience, bonne ou mauvaise, à partager. Au-delà, il est préférable de jouer la proximité, voire la concurrence : un micromarché n’est pas l’autre ; agents et notaires se connaissent mutuellement, se respectent souvent… ou parfois pas du tout.

Quant à la vente publique volontaire (non forcée), si on est sûr des qualités de son bien, elle est devenue un bon moyen de faire sortir du bois les amateurs potentiels et de les mettre rapidement en concurrence, en toute transparence et à moindres frais.  » Certaines clauses permettent d’ailleurs de garantir une offre minimale en deçà de laquelle on peut retirer le bien de la vente ou provoquer une seconde séance « , précise le notaire Bleeck.

De la première à la seconde résidence

Selon les chiffres les plus récents provenant d’une enquête du bureau d’études WES (World Education Services) de la fin 2006, quelque 330 000 Belges possèdent une seconde résidence, dont environ six sur dix sont situées en Belgique. 75 % de ces résidences se trouvent à la mer, 3 % en Campine, un petit quart en Ardenne.

Pour l’instant, seulement 1 acheteur sur dix, en moyenne, porterait son choix sur un bien situé à l’étranger. Les arguments les plus porteurs : le soleil au zénith et les prix au plancher. Pourtant, certaines zones d’ombre commencent à ternir ce ciel plus bleu et cette herbe plus verte ailleurs. Notamment, la hausse continue des prix du carburant : certains analystes n’hésitent plus à prédire la disparition possible à terme de l’offre de transport aérien low cost. Or c’est justement cet essor du low cost qui a permis au marché de la seconde résidence de décoller à ce point depuis dix ans. En fait, l’un et l’autre sont intrinsèquement liés. Et si l’un disparaît, l’autre bat de l’aile à terme, ou se coupe d’une portion importante de sa clientèle de base. Autre paramètre qui pourrait ternir l’image de ces investissements exotiques  » clés sur portes et avion sur le seuil  » : les contrôles accrus du fisc sur la brique acquise à l’étranger.

Vu le peu de place encore disponible pour répondre à la demande et les prix actuellement pratiqués à la côte belge, le sud du pays pourrait donc bien voir revenir en force, malgré son climat incertain, les amateurs de seconde résidence échaudés par des destinations ensoleillées. Et sa part de marché, actuellement de quelque 15 %, pourrait rapidement gonfler. Au grand dam des primo-acquéreurs locaux, qui cherchent désespérément à se loger à un prix fût-il inabordable, remboursable à très long terme (de 25 à 40 ans).

Philippe Coulée

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