Danse et tâches ménagères

Fait maison !

Le confinement réinvente la créativité. Désormais, il n’y a plus besoin de pinceaux pour réaliser une toile de maître, d’orchestre pour jouer une symphonie ou d’être proches pour danser ensemble. Démonstration à travers quelques buzz de la Toile mondiale.

Le coronavirus serait-il en train de révolutionner les pratiques artistiques ? Si certains musiciens avaient déjà l’habitude de composer en solitaire sur leur ordinateur, d’autres ont commencé à utiliser les plateformes de communication vidéo unifiée pour parvenir à jouer ensemble malgré le confinement. D’autres encore adoptent de nouvelles applications, comme NomadPlay, qui offre un accompagnement live personnalisé par un orchestre virtuel. Et si certains danseurs dits  » de rue  » ont appris depuis longtemps à utiliser le bitume et les trottoirs comme scènes de fortune, voilà que les danseurs classiques, privés de répétitions en studio par la pandémie, transforment leur planche à repasser en barre ou font des pointes en vidant le lave-vaisselle.

Les musiciens ont trouvé la parade pour jouer ensemble mais séparément, prouvant avec humour que des ciseaux ou des jetons de Puissance 4 peuvent faire l'affaire comme instruments.
Les musiciens ont trouvé la parade pour jouer ensemble mais séparément, prouvant avec humour que des ciseaux ou des jetons de Puissance 4 peuvent faire l’affaire comme instruments.© YOUTUBE/THE TONIGHT SHOW STARRING JIMMY FALLON

La possibilité offerte à tous de produire et de diffuser photos et vidéos sur les réseaux sociaux bouleverse également l’imagination des non- professionnels, du citoyen  » ordinaire « . YouTube, Twitter et Instagram permettaient déjà de promouvoir ses créations bien au-delà du cercle des amis. Avec sa mode des challenges lancés à tous, une appli comme TikTok stimule la déclinaison personnelle inventive – et pas seulement pour jongler avec des rouleaux de papier toilette -, avec la possibilité de présenter les résultats au monde entier, en engrangeant les likes et les vues.

Boostant la créativité, les nouveaux moyens de communication s’associent à un regard neuf porté sur son environnement immédiat, sur les objets que contiennent nos habitations. Ainsi, manipulé avec précision et photographié image par image en plongée verticale, un simple drap de lit blanc se transforme en montagne à gravir puis en pente enneigée à dévaler à ski. Ailleurs, une grappe de raisin, un seau, une tranche de mortadelle, un aspirateur ou des rouleaux de papier WC – qui sont décidément partout – savamment disposés et pris sous le bon angle recomposent les décors et les costumes d’un tableau célèbre. Chacun peut devenir Van Gogh en autoportrait, saint Sébastien martyr, duchesse en robe à crinoline ou créature cauchemardesque à la Jérôme Bosch en compostant une nouvelle collection virtuelle d’art cheap, domestique et accessible à tous. Un atelier d’artiste, c’est désormais partout, chacun chez soi. La preuve aussi dans les pages suivantes.

Toiles de maîtres
Toiles de maîtres

Danse et tâches ménagères

Les danseurs étoiles font, eux aussi, la lessive et sortent les poubelles. C’est ce que démontrent avec humour les danseurs de l’Opéra national du Rhin, qui nous invitent dans leur intérieur pour une vidéo compilant leurs tâches ménagères assumées en pointes, arabesques et portés. Le tout non sur du Chopin ou du Mozart mais sur le tube vitaminé de Boney M. Sunny. Et soudain, le monde du ballet classique devient vachement plus proche.

# Confinement – SAISON OFF du Ballet de l’Opéra national du Rhin, visible sur YouTube.

Toiles de maîtres

L’idée a germé dans la tête d’une Néerlandaise de 31 ans pour distraire ses collocs confinées : avec un torchon sur la tête, une gousse d’ail à l’oreille et un set de table jeté sur l’épaule, Anneloes Officier s’immortalisait en Jeune fille à la perle de Vermeer et postait son selfie sur Instagram. Un challenge était né. Ou comment reproduire une toile célèbre de l’histoire de l’art avec quelques objets trouvés chez soi. Le défi est en quelques semaines devenu viral, dépassant largement le cadre initial du compte Insta  » Tussen kunst en quarantaine « . Plusieurs institutions muséales l’ont en effet relayé sur leurs propres réseaux sociaux, comme le Rijksmuseum d’Amsterdam, le Louvre ou encore le Getty Museum de Los Angeles, dont les reproductions  » grandeur nature  » et en 3D font massivement le tour de la toile.

Vertige des sommets
Vertige des sommets

instagram.com/tussenkunstenquarantaine

Vertige des sommets

Dévaler les pentes dans son salon ? C’est possible avec un peu d’imagination, une caméra fixée au plafond et quelques draps blancs. Privé de son escapade en montagne à cause du confinement, le skieur Philipp Klein Herrero s’est mis en scène chez lui en train d’escalader un sommet avec casque et piolet puis de le descendre en free ride. Filmé en stop-motion en plongée verticale, ce court métrage se conclut par une chute la tête la première dans la poudreuse, puis affiche cette sage recommandation :  » Stay safe. Stay home « . Moins d’une minute pour faire sourire tous ceux qui ont soif d’évasion.

Freeride Skiing at Home, visible sur YouTube.

Split musical

Depuis le début du confinement, les plateformes de communication vidéo unifiée font fureur auprès des citoyens lambda mais aussi parmi les musiciens qui ont ainsi trouvé une parade pour jouer ensemble mais séparément. Jimmy Fallon, humoriste américain célèbre pour son Tonight Show sur NBC, en a fait la démonstration avec son groupe résident The Roots et le chanteur Sting lors d’une reprise à douze cases du tube de Police au titre on ne peut plus actuel Don’t Stand So Close to Me ( » Ne reste pas si près de moi « ). En prouvant par la même occasion qu’une paire de ciseaux, un coussin, des chaussures ou des jetons de Puissance 4 peuvent faire l’affaire comme instruments de musique.

Split musical
Split musical

Don’t Stand So Close to Me (At-Home Instruments), visible sur YouTube.

Ultraglamour

En partant du postulat que l’on peut soi-même être une oeuvre d’art, Billy Porter, acteur et chanteur américain bien connu pour ses extravagances, a lancé son propre challenge, pas pictural mais fashion. Il s’agissait pour les internautes de reproduire avec les moyens du bord sa tenue flamboyante portée lors du Gala du Met (soirée au profit du Costume Institute de New York) de 2019 : une tenue de dieu du soleil égyptien, ailé et misant sur le doré des pieds à la tête. Plus simplement, Porter a convié ses fans à se filmer dans leur propre défilé  » maison « , en rois des catwalks, même en pyjama.

instagram.com/theebillyporter

Seul avec orchestre

En janvier dernier, le violoniste star Renaud Capuçon annonçait son investissement dans NomadPlay, une application mise au point par la start-up parisienne Digital Music Solutions qui permet à tout musicien de prendre virtuellement la place d’un instrumentiste d’un orchestre ou d’un groupe, en immersion 3D audio avec partition synchronisée. Une trouvaille qui prend tout son sens en temps de confinement.  » Compte tenu du contexte particulier « , la plateforme est en accès gratuit et illimité jusqu’au 31 mai.

nomadplay.fr

Collage de danses

Comment réaliser une chorégraphie de groupe avec des danseurs isolés ? Le Français Mehdi Kerkouche et sa compagnie Emka ont, eux aussi, misé sur le split screen pour réinventer la danse. Leur création est intransposable sur scène puisque c’est l’esthétique même de l’écran divisé qui fonde les mouvements, les regards et le jeu de piste des index pointés. Sur le groove de Barry White, une partie d’un corps fusionne avec celle d’un autre pour un collage à la fois vertical et horizontal. Des mouvements simples mais un effet boeuf.

Visible sur le compte Twitter de Mehdi Kerkouche.

Variations en noir et blanc

Le Français Benjamin Millepied, ancien danseur étoile du New York City Ballet et ex-directeur de la danse du ballet de l’Opéra de Paris, signe une chorégraphie à distance avec les membres de sa compagnie L.A. Dance Project. Filmée sur smartphone en noir et blanc, cette suite de solos ou de duos (certains danseurs vivent visiblement ensemble) en appartement, sur la terrasse ou dans la cour de l’immeuble est dédiée au personnel soignant du monde entier. Comme bande-son idoine, Millepied a choisi une oeuvre pour piano douce et mélancolique écrite par Arvo Pärt : Variations for the Healing of Arinushka, composé en 1977 pour sa fille Ariina, qui se remettait d’une opération de l’appendicite.

Ultraglamour
Ultraglamour© GETTY IMAGES

instagram.com/ladanceproject

Seul avec orchestre
Seul avec orchestre
Collage de danses
Collage de danses
Variations en noir et blanc
Variations en noir et blanc

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