Examens de passage en vue pour l’économie

Laurence Van Ruymbeke
Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

Comment va la croissance économique en Belgique ? A l’heure où toute prévision est risquée, retour sur 10 chiffres clés, dans leur réalité toute crue.

Onze juin 2012 : le produit intérieur brut (PIB) devrait croître de 0,6 % cette année, annonce la Banque nationale de Belgique. La nouvelle, certes positive, étonne. Jusqu’alors, la BNB tablait sur une croissance négative de 0,1 %.

Le 1er août, l’Institut des comptes nationaux pulvérise ce rassurant optimisme. La croissance est retombée sous zéro (- 0,6 %) au second trimestre.  » Au lieu d’une croissance positive pour cette année, une croissance légèrement négative pourrait peut-être émerger « , commente Luc Coene, le gouverneur de la BNB, dans une interview à L’Echo.

Bigre ! L’économie de tout un pays pourrait donc évoluer à ce point en deux mois que le diagnostic posé sur elle change du tout au tout ? Oui. En deux mois, le prix du pétrole peut bondir ou s’affaiblir, l’euro peut s’envoler ou s’effondrer, les matières premières peuvent souffrir du climat, les marchés financiers peuvent ou non reprendre confiance après l’annonce de l’un ou l’autre plan de relance européen. Dans un pays comme la Belgique, très ouvert, donc très dépendant du succès de ses exportations, le moindre ralentissement enregistré chez l’un de ses partenaires commerciaux se paie cash.

Le gouverneur de la BNB a pourtant pris le soin de truffer son discours de  » peut-être « , de  » probablement  » et de conditionnels. Cette diminution de la croissance de 0,6 % l’a surpris, reconnaît-il.  » J’ai d’ailleurs demandé qu’on vérifie en profondeur d’où vient ce changement soudain. Mais je constate que, dans les autres pays, ça s’est également détérioré aussi vite. Il est évident que quelque chose est en cours dans les économies mondiale et européenne, qui évoluent clairement dans une direction négative.  » Dans ce tourbillon d’informations qui se suivent et se contredisent parfois, laissant le citoyen pantois, l’évolution de certains indices clés de l’économie belge peut aider à y voir plus clair. Petit tour d’horizon.

1Un PIB en recul de 0,1 % à la fin de l’année ? Au premier trimestre 2012, il a très légèrement progressé, de l’ordre de 0,2 %. Au second trimestre, selon une première estimation qui doit encore être détaillée, la croissance aurait reculé de 0,6 %. Sur l’ensemble de l’année, l’économie pourrait fondre de 0,1 %. 2PIB par habitant : la Belgique fait mieux que la France Le produit intérieur brut par habitant, en Belgique, n’en était pas moins, l’an dernier, supérieur de 18 % à la moyenne européenne. C’était déjà le cas en 2010, relève Eurostat. La Finlande et l’Allemagne affichent des résultats supérieurs de 15 à 20 % à cette moyenne, tandis que la France et la Grande-Bretagne figurent dans la tranche entre 5 et 10 % au-dessus de ce seuil. 3Le chômage s’aggrave dans les trois Régions A la fin du mois de juin, le pays comptait 410 000 chômeurs complets indemnisés, selon le décompte de l’Onem (Office national de l’emploi), soit 0,7 % de moins qu’en 2011. Mais comparer les chiffres sur ces deux années est hasardeux car une donnée importante a été modifiée entre-temps : le stage d’insertion des jeunes a été prolongé de trois mois, passant de neuf mois à un an. Les étudiants qui sont sortis du cycle scolaire en septembre ne sont donc pris en compte que dans les statistiques de juillet.

Selon les données transmises à la fin du mois de juillet par Actiris, le Forem et le VDAB, les trois organismes de placement régionaux, le nombre de demandeurs d’emploi était d’ailleurs en hausse dans toutes les Régions du pays par rapport à l’an dernier : + 2,1 % en Wallonie, + 1,4 % en Flandre et + 1,2 % à Bruxelles.

Parallèlement, le nombre d’offres d’emplois proposées par ces trois organismes (91 598) est en net recul, de l’ordre de – 16 % dans l’ensemble du pays.

4Ventes de voitures neuves : – 12 % en six mois Sur les six premiers mois de l’année, les immatriculations de voitures neuves ont reculé de 12,6 %. Quelque 285 000 voitures ont ainsi été vendues pendant cette période. Il faut dire que l’année 2011 avait affiché des résultats records, entre autres dus à l’annonce, par le gouvernement, de la fin des incitants à l’achat de voitures moins polluantes.  » On peut considérer que 20 000 immatriculations ont de ce fait été avancées à décembre 2011, aux dépens du premier trimestre de 2012 « , estime-t-on à la Febiac, la fédération patronale du secteur automobile. Celle-ci s’attend à terminer l’année sur un score de quelque 485 000 voitures neuves vendues, soit 15 % de moins que l’année précédente. 5Les consommateurs sont pessimistes Cet indice s’est établi à – 13 en juillet, son plus bas niveau depuis février 2012, selon la Banque nationale de Belgique. En mai et en juin, il s’établissait à – 10.  » Les consommateurs se sont à nouveau montrés quelque peu plus pessimistes quant à l’évolution économique future, relève la BNB. La crainte d’une recrudescence du chômage s’est en outre nettement amplifiée. Les ménages s’attendent aussi à une légère dégradation de leur situation financière au cours des douze prochains mois, accompagnée d’une forte diminution de leur capacité d’épargne.  » 6A 13,8 % du revenu disponible, le taux d’épargne fond

Alors qu’il atteignait 18,3 % du revenu disponible en 2009, il est tombé à 14,4 % l’an dernier. Signe que les Belges grignotent leur épargne pour maintenir leur niveau de consommation, dans un contexte économique difficile marqué par un revenu disponible en léger tassement. Cet indice est tombé à 13,8 % au premier trimestre 2012.

7La confiance des chefs d’entreprise en berne Selon le baromètre de la BNB, cette confiance s’est un brin redressée en juillet, passant de -13,2 en juin à – 11,3 un mois plus tard. En juin dernier, 86 % des secteurs d’activités économiques interrogés par la FEB (Fédération des entreprises de Belgique) affirmaient ne pas avoir constaté d’amélioration de l’activité économique depuis six mois. Un peu plus de 4 secteurs sur 5 n’entrevoyaient pas non plus d’amélioration pour les six mois à venir. 8La dette publique dépasse 100 % Elle a franchi cette année le cap symbolique des 100 % du PIB, selon les calculs du journal De Tijd. Ce qui signifie que la richesse produite dans le pays est inférieure au montant de la dette, soit 370 milliards d’euros. Cette augmentation de la dette s’explique d’une part par le déficit budgétaire du pays et, d’autre part, par les prêts que la Belgique a accordés à des pays européens en difficulté. Ce seuil franchi, la Belgique rejoint l’Italie, la Grèce, l’Irlande et le Portugal. 9990 faillites en juin Quelque 5 558 entreprises ont été déclarées en faillite au premier semestre, soit 3 % de plus qu’au premier semestre de l’an dernier, selon le bureau spécialisé Graydon. Rien qu’en juin, 990 entreprises ont mis la clé sous le paillasson.

Toujours selon Graydon, le nombre d’entreprises nouvellement constituées s’est élevé à 41 205 entre janvier et juillet 2012, soit 11,5 % de moins que l’an dernier. Si l’on tient compte des fermetures d’entreprises, des faillites et des créations de sociétés, près de 10 500 nouvelles entreprises ont vu le jour dans la première moitié de 2012, soit un rythme de croissance en recul de près de 25 %.

10Taux d’intérêt négatifs : historique Une bonne nouvelle dans ce tableau plutôt tristounet : les taux liés au marché des obligations linéaires sont particulièrement bas, de l’ordre de 2,5 %, ce qui permet à l’Etat de réaliser des économies sur le remboursement de sa dette. Selon le dernier rapport du comité de monitoring de la dette, cette dimi-nution historique des taux, prise en compte jusqu’à la fin du mois de juin, avait ainsi débouché sur un bonus de 148 millions d’euros.

Parallèlement, sur des certificats de trésorerie à trois mois cette fois, la Belgique émet désormais des titres qui affichent un taux négatif ! C’est qu’en cette période d’incertitude et de bourrasque financière pour la zone euro, la Belgique est plutôt considérée comme un placement sûr, même avec un rendement de -0,003 %. C’est la troisième fois en moins d’un mois, cet été, que l’Agence de la dette réussit pareille opération, avec une demande qui excède systématiquement l’offre.

LAURENCE VAN RUYMBEKE

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