EUROPE :  » LE DÉBUT DE LA FIN  » ?

Le 15 janvier, au cours de sa conférence de presse de rentrée, Jean-Claude Juncker, tout en promettant de  » ne pas baisser les bras « , a dégagé une vision sombre de l’Europe. Certes, le président de la Commission européenne a affirmé  » refuser l’idée simple que l’Europe serait aux prises avec le début de la fin  » mais le fait même qu’il s’exprime en ces termes montre que les gardiens du temple eux-mêmes sont inquiets.

Depuis cinq ans, l’Union européenne a dû affronter deux crises d’une violence inédite : la crise financière et économique, dont elle n’est pas encore sortie, et la crise des migrants, dont même l’hiver n’atténue pas l’ampleur. Chacune de ces crises met à nu le caractère inachevé de la construction européenne. Les promoteurs de l’Union économique et monétaire, Delors en tête, voulaient une monnaie unique, un centre de décision économique et des mécanismes de solidarité. Dans le Traité de Maastricht, les Etats ont adopté le premier élément mais ont pratiquement négligé les deux autres, au nom de la souveraineté nationale.

Le parallèle avec Schengen est saisissant. Les promoteurs de la libre circulation des personnes avaient proposé l’abolition des frontières internes, un contrôle commun des frontières externes et une coopération policière et judiciaire systématique. Depuis le Traité de Schengen, les Etats ont retenu le premier élément mais ont largement oublié les deux autres, toujours au nom de la souveraineté nationale. Ils ont refusé, chaque fois qu’elles leur ont été proposées par la Commission, la mutualisation du contrôle des frontières externes (comme, dans le même temps, ils refusaient la mutualisation de la garantie des dépôts bancaires) et une procédure d’asile harmonisée où qu’aillent les réfugiés (comme, dans le même temps, ils refusaient une définition harmonisée de la base imposable pour les sociétés). Quant à la coopération policière, elle est aussi défaillante que la coopération des administrations fiscales.

Ou bien on achève la construction, ou bien on la laisse s’écrouler, délibérément ou par négligence. La seconde option, ce serait le retour aux monnaies nationales et aux frontières internes, ce qui signifierait inévitablement le retour à l’instabilité des taux de change, aux dévaluations compétitives, aux mesures protectionnistes, avec tous les coûts que cela entraîne pour nos entreprises qui n’ont pourtant pas besoin de ce handicap supplémentaire dans la concurrence mondiale. Ce serait aussi, plus gravement, la fin du rêve européen et le recul de l’intégration pacificatrice.

Au contraire, opter pour la poursuite de la construction européenne serait un choix volontariste. Pour l’euro, cela signifie au minimum un budget de la zone euro capable d’absorber les chocs asymétriques, une harmonisation de l’assiette imposable des sociétés et un système d’assurance mutuelle des dépôts bancaires. Pour Schengen, ce serait une mutualisation du contrôle aux frontières externes par la création d’un corps européen de gardes-frontières, un mécanisme permanent de répartition de la charge des réfugiés et la constitution d’une forme de FBI européen. De nombreux gouvernants reconnaissent que cette option est préférable. Mais, tétanisés par les gains électoraux des partis eurosceptiques, ils n’osent pas l’affirmer clairement. C’est une erreur. Si on le leur explique avec des arguments concrets, beaucoup de citoyens peuvent comprendre que leur prospérité et leur sécurité demandent plus d’Europe.

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par Philippe Maystadt

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