Europe : délocaliser les réfugiés ?

Boris Thiolay Journaliste

De plus en plus de voix, notamment britanniques, proposent de créer des camps de transit aux portes de l’Union

Un pays peut-il abriter des demandeurs d’asile hors de son propre territoire ? Les Etats membres de l’Union européenne réfléchissent très sérieusement à cette question. Le 19 juin, au sommet de Thessalonique (Grèce), les Quinze ont rejeté la proposition choc du Premier ministre britannique, Tony Blair, de créer, dans des pays voisins de la future Europe élargie (Albanie, Ukraine, Maroc), des camps de transit où seraient transférés les étrangers entrés illégalement, le temps d’instruire leur requête.

Confrontés à un nombre record de demandes d’asile (110 000 en 2002), échaudés par l’expérience du camp de Sangatte û où, en trois ans, plus de 70 000 personnes cherchant à traverser la Manche ont transité û les Britanniques souhaiteraient  » délocaliser  » les demandeurs d’asile. Et cantonner les candidats au statut de réfugié hors de la forteresse Europe. Un camp est en cours de construction près de Zagreb (Croatie). Londres a démenti que la Commission européenne l’ait financé pour son compte. Mais, dans le même temps, des officiels britanniques effectuaient des repérages dans les environs de Kukës, en Albanieà

La Commission européenne pourrait cependant révolutionner la conception actuelle de la demande d’asile, en permettant aux réfugiés d’effectuer leur requête dès leur arrivée dans les pays limitrophes de la zone qu’ils fuient. En tout cas, avant d’atteindre l’Europe. Les démarches pourraient s’effectuer  » dans des ambassades, des consulats  » ou dans des structures gérées par la Commission.  » On pourrait ainsi assurer une protection réelle aux réfugiés à proximité des pays où ils subissent des persécutions, commente Pietro Petrucci, porte-parole d’Antonio Vitorino, le commissaire européen chargé des questions d’immigration. Cela éviterait aussi de laisser des gens traverser la moitié de la planète, livrés aux mains des passeurs, avant de leur refuser l’entrée en Europe.  » Sous couvert de l’anonymat, un autre fonctionnaire de Bruxelles indique que  » la Commission européenne est prête à cofinancer un projet pilote, si un ou des Etats membres se portent volontaires, et à la condition d’obtenir l’accord d’un pays hôte « . Encore faudrait-il convaincre les pays d’origine de signer des accords de réadmission pour leurs ressortissants déboutés. Une idée qui fait bondir Hélène Flautre, députée Verte européenne et membre du réseau Migreurop :  » Cela revient à faire miroiter une chance d’asile en maintenant les réfugiés le plus loin possible !  »

Pour le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), une seule priorité : renforcer sur place la sécurité des personnes.  » Faute de quoi, elles poursuivront toujours leur route vers l’Europe « , explique Rupert Colville. Et il ajoute :  » L’attraction est telle que, si l’Europe veut efficacement stopper l’arrivée des clandestins, elle devra aussi permettre l’entrée de travailleurs immigrants par les voies légales.  » Un casse-tête.

Boris Thiolay

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