Eurocrates : pas toujours le pactole

L’eldorado européen brille avec moins d’éclat aujourd’hui. Mais les rémunérations sont mieux encadrées.

Surpayés, les fonctionnaires européens ? Tout est question de mesure. Si les Etats membres continuent d’accepter leurs grilles salariales, c’est qu’ils comprennent qu’une baisse poserait de sérieux problèmes de recrutement. De fait, les rémunérations nettes sont plus avantageuses à l’UE qu’à l’Otan, et bien plus que dans les administrations publiques belges, mais généralement inférieures aux salaires en vigueur dans les multinationales et certains ministères nationaux, comme en France.

Quelques chiffres : un universitaire sans expérience touchera au minimum 4 190 euros par mois. En fin de carrière, le salaire peut monter jusqu’à 17 697 euros. Il s’agit de montants bruts, mais le niveau d’imposition, qui varie de 8 % à 45 %, est bien plus faible qu’en Belgique. A cela il faut ajouter les indemnités : installation, allocations, dépaysement (16 %)… En revanche, un fonctionnaire ne peut prétendre qu’à deux abattements fiscaux : pour enfant à charge, et pour frais professionnels (10 %). Il ne perçoit ni pécule de vacances ni 13e mois, et ne dispose pas de voiture de société, cartes essence, chèques-repas… Par contre, pour les fonctionnaires envoyés dans une des délégations de l’UE dans le monde, l’indemnité d’expatriation peut atteindre 40 % du salaire !

Chaque année, la grille des rémunérations des fonctionnaires européens est adaptée en fonction des barèmes pratiqués dans les diverses administrations nationales et de l’évolution du coût de la vie à Bruxelles. Mais le parallélisme n’est pas toujours parfait : outre une diminution de leur pouvoir d’achat proportionnelle à celle subie par les fonctionnaires nationaux, les eurocrates ont vu leur cotisation pension augmenter, tout comme le  » prélèvement spécial  » (un genre d’impôt de crise). Le syndicat Renouveau & Démocratie relevait ainsi une diminution cumulative de plus de 9 % des rémunérations pour 2008. Faut-il dès lors supprimer la méthode ?  » Cela impliquerait des conflits annuels sur les adaptations salariales « , note Félix Géradon, de l’Union syndicale. Selon celle-ci, mieux vaut garder la méthode actuelle, quitte à l’améliorer :  » Les millions de fonctionnaires nationaux sont capables d’exercer une pression bien plus forte chez eux que les fonctionnaires européens à Bruxelles !  » analyse-t-elle.

Le recours à des contractuels s’accentue

Si la fonction publique européenne reste un eldorado du travail, c’est aujourd’hui avec un peu moins d’éclat. Ainsi, les nouveaux recrutements se font à des niveaux plus bas. La catégorie D ayant disparu, les huissiers et chauffeurs sont désormais engagés sur la base contractuelle, avec salaire revu à la baisse.  » Le recours à des contractuels moins bien payés est une pratique qui se poursuit et s’accentue « , souligne Félix Géradon. Des problèmes de recrutement commencent à surgir, par exemple pour les électriciens ou les assistantes sociales. La Commission insiste pour les recruter à un niveau  » plancher  » qui ne correspond ni à leurs formations ni à leurs compétences. Pour les Belges, cela reste une aubaine, mais pour un Allemand ou un Suédois ?

La bonne nouvelle vient du Parlement européen. Les 4 000 assistants parlementaires, dont certains étaient parfois exploités, verront leurs salaires et leurs statuts davantage encadrés. Toutefois, certains devront se contenter d’un traitement brut inférieur à 1 620 euros et seront loin de jouir de la même protection sociale que leurs collègues fonctionnaires…

François Janne d’Othée

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire