Eternel bras de fer musical

Sur les sites Deezer ou Jiwa, on peut écouter, partager et découvrir des millions de tubes, en toute légalité. Un véritable phénomène que les majors, trop frileuses, hypothèquent déjà…

L’histoire de la musique en ligne n’est pas un long fleuve tranquille. On pensait qu’une pax musica commençait à s’instaurer entre les grandes maisons de disques et les acteurs de l’Internet, réfractaires aux règles. L’arrivée des plates-formes d’écoute en  » streaming  » (sans téléchargements) comme Deezer ou Jiwa, qui connaissent un succès fulgurant depuis leur récent lancement, semblait avoir permis d’enterrer la hache de guerre. Il n’en est rien. Même la légalité ne paie pas sur la Toile. Les majors en veulent toujours davantage.

Flash-back. Le 22 août 2007, Daniel Marhely et Jonathan Benassaya, 50 ans à eux deux et un sacré bagou, signent un accord  » historique  » avec les sociétés de droits d’auteur françaises (Sacem et Sesam). Deezer.com est né. Son concept est simple : le site propose d’écouter de la musique gratuitement et légalement. Actuellement, 3,7 millions de morceaux dans tous les genres (pop, rock, rap, electro, jazzà) sont disponibles. Cela représente environ 85 % du catalogue mondial. Seule restriction, le site ne permet pas de télécharger. Impossible de stocker les tubes sur son MP3 ou de les graver sur un CD.

En contrepartie, Deezer rémunère les artistes et les ayants droit en leur cédant 40 % de ses revenus publicitaires, soit près de 5 millions d’euros en 2008. Après la Sacem (équivalent français de la Sabam), les accords se sont multipliés avec les majors. Sony BMG, d’abord, puis Universal et Warner acceptent de coopérer avec la start-up française. Le gigantesque juke-box sur Internet fait très vite un carton, avec, aujourd’hui, selon les responsables du site, 5,3 millions de membres inscrits.

Des concurrents ont rapidement suivi le bon filon. Le plus convaincant, Jiwa, propose un catalogue de 1,2 million de titres. Son partenariat avec Universal va s’étendre, début mars, à d’autres majors.  » Après avoir longtemps résisté, celles-ci ont enfin compris que les sites de streaming étaient un excellent moyen de lutter contre le piratage « , souffle Jean-Marc Plueger, de Jiwa. L’automne dernier, Deezer a mené une étude, avec la société Isobar, sur l’impact que le site avait sur la consommation musicale. Résultat : 33 % des internautes interrogés affirmaient effectuer moins de téléchargements illégaux et 25 % disaient acheter plus de musique depuis qu’ils fréquentaient Deezer.

Autre chiffre intéressant pour les maisons de disques : plus d’un internaute sur cinq écoute de la musique sur Internet. Par ailleurs, une étude, présentée au Midem-Net de janvier, révèle que le premier mode de consommation musicale sur la Toile, ce sont les sites d’écoute en streaming (45 %), bien avant le peer-to-peer (19 %) qui permet de télécharger illégalement. Ces statistiques ont-elles impressionné les majors ? Quoi qu’il en soit, depuis le 9 février Deezer n’est plus Deezer. Le site a modifié la gestion des droits des chansons, officiellement  » pour respecter plus exactement les restrictions territoriales  » de ses partenaires. En fonction des droits gérés nationalement par les maisons de disques, de nombreux titres ont été bloqués et les playlists, automatiquement mutilées.

Bref, on ne s’y retrouve plus. Sur les forums, ça tempête furieusement. Quelle pression a subie Deezer de la part des majors ? Aucun responsable de la start-up ne nous a répondu.  » Il est clair qu’une fois de plus l’industrie musicale montre qu’elle n’a rien compris à la révolution Internet, réagit Olivier de Doncker, assistant en information et communication à l’ULB. Mettre des barrières nationales sur la Toile n’a aucun sens !  » Le calumet de la paix est déjà consommé…

Thierry Denoël

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