ET L’AMÉRIQUE REDEVINT UNE NATION…

Christian Makarian

L.e 24 septembre 2013, à la tribune des Nations unies, Barack Obama avait bien involontairement anticipé la victoire de Donald Trump :  » L’idée d’empire américain est peut-être une propagande utile, mais elle n’est pas étayée par la politique actuelle de l’Amérique ni par l’opinion publique.  » L’opinion, en l’occurrence, l’a emporté définitivement, le 8 novembre 2016, en confiant les rênes de la plus grande puissance mondiale à un homme qui entend résolument tourner le dos à ce qui fut, durant plus d’un demi- siècle, pour le meilleur et pour le pire, l' » empire américain « . Car le slogan de Trump,  » Make America Great Again « , qui a soulevé une tornade dans les isoloirs, se situe à l’opposé d’une restauration ; tout au contraire, il signifie une rupture. Le 45e président des Etats-Unis incarne un tournant historique, qui se résume ainsi : l’Amérique veut (re)devenir une nation.

La thématique et la rhétorique de Trump s’éclairent sous ce prisme. En premier lieu, s’impose l’exigence de frontières, le besoin de fixer des lignes à défendre (de préférence visibles ou identifiables, comme avec le Mexique), la désignation des positions lointaines à abandonner ou des accords de défense réciproques à effacer (pays Baltes, Egypte, Arabie saoudite, Japon, Corée du Sud, Philippines…), la caractérisation des vrais ennemis de demain (la Chine) et la relativisation complète des alliés d’hier (l’Europe). S’il est vrai qu’un empire se définit comme un système politique qui n’a pas de limites et qui doit sans cesse les repousser pour démontrer son hégémonie, Trump veut, à l’inverse, que les Etats-Unis se recentrent strictement sur eux-mêmes pour reconstituer leurs forces. Il est ahurissant de voir que cette logique souverainiste enchante les populistes européens ; un nationalisme américain dégondé peut faire un tort considérable aux fragiles équilibres qui faisaient la paix et la prospérité entre les nations du Vieux Continent.

En deuxième lieu, s’installe la fin du messianisme, du culte des valeurs, du discours moral universel, qui faisaient des Etats-Unis le libérateur des peuples par opposition aux empires répressifs du passé. Bush a voulu imposer la démocratie par la force en Irak, Obama a reçu le prix Nobel de la paix (tout en multipliant comme jamais les opérations secrètes dites d' » action furtive « ) – finalement, deux impasses. Trump n’identifie pas ses amis et ses adversaires selon des critères jeffersonien ni wilsonien. Ce qui, là aussi, risque de créer un différend croissant avec l’Union européenne, pour laquelle les critères de démocratie et de droits de l’homme sont constitutifs de son identité.

En troisième lieu, il faut s’attendre à un message économique qui ressemble à une transcription directe des règles du business, chères au magnat de l’immobilier ; ce qui est bon pour les affaires est bon pour la politique étrangère, avec de sérieuses révisions géopolitiques lorsque la réciproque n’est pas vraie. Vision presque comptable : malgré quelques similitudes avec Ronald Reagan, la conception de Trump ne consiste vraiment pas à diffuser le libéralisme dans le reste du monde pour affaiblir le bloc des économies dirigistes.

C’est une Amérique post-idéologique qui se dessine ; de quoi, paradoxalement, lui conférer un nouvel élan – ainsi semble le croire Donald Trump. Le seul problème, c’est que, dans le même temps, la Russie et la Chine paraissent totalement déterminées à redevenir des empires.

christian makarian

C’est la fin du messianisme, du culte des valeurs, du discours moral universel, qui faisaient des Etats-Unis le libérateur des peuples

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