ESSAIS

Deux ouvrages décortiquent la Belle Province francophone

Quelque part vers les rives du Saint-Laurent, la fin d’un hiver rigoureux approche. Les enfants rangent leurs tuques au placard après avoir pelleté et prennent leur rondelle pour jouer avec leurs chums. Dans l’ouvrage Québec. Espace et sentiment, instantanés de vie et traversées des routes sur les bords de l’imaginaire invitent à une visite du Québec de l’intérieur. Cette petite francophonie d’outre-Atlantique, perdue au milieu du continent mondialisé à la sauce Bush, a pour devise: « Je me souviens ». De quoi? De tout, ou plutôt de rien. Accrochée à ses racines européennes mais fermement ancrée dans son identité, elle se livre ici par petites touches.

Impressionniste, la toundra arctique du Nord; symboliste, la signalisation routière qui encadre des porteurs de canot; pixellisée, la banlieue de Ville Mont-Royal; surexposée, la Transtaïga de 666 kilomètres qui longe les solitudes et les loups; pigmenté, le paradoxe spirituel; blanc cassé, les équipes de hockey. En plusieurs tableaux, un glossaire et quelques photos, les différents auteurs éclairent certaines facettes de cette identité québécoise qui cherche sa langue, sans oublier un chapitre sur le joual, parler populaire indissociable de son histoire.

Une histoire de langue, que dissèque un autre ouvrage, plus scientifique, Le Français au Québec. 400 ans d’histoire et de vie, des racines à l’évolution d’un français d’abord roi puis parent pauvre, qui a tiré de l’adversité anglophone son combat et ses particularismes. Ces quarante dernières années ont vu la renaissance des francophones québécois sous une « révolution tranquille » inébranlable, dont la légitimité et les sources s’expliquent par la genèse historique, sociale, littéraire, démographique, éducative, économique et juridique. Importé par les colonisateurs du XVIIe siècle, le français a vécu son âge d’or québécois jusqu’au siècle suivant, puis s’est vu réprimé par l’anglais – voire interdit de séjour durant huit ans – jusqu’à son nouveau règne actuel. Un français du Québec qui esquissait déjà nombre de ses traits actuels il y a quatre siècles.

Cette somme, publiée à l’initiative du Conseil de la langue française du Québec, décortique en différentes périodes les éléments – tant essentiels qu’anecdotiques – qui ont joué un rôle important dans son développement jusqu’à nos jours, les emprunts aux langues autochtones et le sentiment d’insécurité, le tout richement illustré. Puisque le statut d’une langue est essentiel à sa survie et, surtout, qu’elle dépasse la simple communication pour se faire symbole d’une identité et d’une cohésion sociale, elle est ici expliquée et défendue en 500 pages qui, à travers le français, invitent à la rencontre d’un peuple et de sa culture. « Check moé ben aller! ».

Québec. Espace et sentiment, dirigé par Stéphane Batigne, Autrement, 228 p.

Le Français au Québec. 400 ans d’histoire et de vie, publié par le Conseil de la langue française, sous la direction de Michel Plourde, avec la collaboration d’Hélène Duval et de Pierre Georgeault, Fides, 516 p.

Larissa Delcourt

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire