Entre vieille bourgeoisie et jeunes entrepreneurs

Caroline Dunski Journaliste

Quand on évoque les grandes familles tournaisiennes, on songe forcément aux Casterman, Pollet, Dufour et autres Michel Lemay… Tout en découvrant des clivages très présents entre vieille bourgeoisie et nouveaux entrepreneurs d’une part, entre catholiques et laïques de l’autre.

Au fil des rendez-vous, on voit se dessiner deux mondes qui ne se mélangent pas. Du moins, pas sur le plan des mondanités. Dans le domaine socio-économique, les rencontres et les échanges indispensables à la bonne marche des affaires s’effectuent au sein de la CCI Wapi, du Choq ou encore du Conseil de développement, où l’on retrouve généralement les mêmes personnes (lire aussi en pages suivantes).

Du côté des vieilles familles industrielles historiques, il y a celles qui, au faîte de leur importance aux XIXe et XXe siècles, ont parfois vu leur influence décliner en même temps que leurs entreprises fermaient, comme les Carbonnelle, ou se voyaient englouties par de grands groupes d’édition, comme les Casterman. Celles qui ont résisté, comme la savonnerie Pollet, ont généralement opté pour la transmission du capital à un seul membre de la famille, plutôt que pour le morcellement entre les descendants. Du côté des entreprises plus récentes, qui continuent de peser économiquement sur l’avenir de la région… certaines cultivent la discrétion, allant parfois jusqu’à  » préférer l’anonymat « .

 » A partir du moment où les affaires ont capoté dans les dernières années du XXe siècle, parce la famille n’est plus adossée à son socle d’affaires, l’influence chute d’un seul coup, note Donat Casterman, petit-fils de l’ancien bourgmestre et éditeur Louis Casterman, élu conseiller communal MR en 2012. Mais à travers mon engagement associatif, d’abord, politique, ensuite, l’influence du nom perdure. Je ne suis ni un Foucart (NDLR : de la holding Technord) ni un Dherte (NDLR : entreprise de construction située à Flobecq, qui existe depuis 1880 et dont la direction est exclusivement assurée par des membres de la famille). J’assume une histoire et essaie que ça ait encore un peu de substance à Tournai. Le patrimoine, la culture et l’aménagement urbain sont mes matières de prédilection.  »

Affaires ou politique ?

Pendant les XIXe et XXe siècles, faire de la politique coûte de l’argent. Ainsi, en 1905, pour montrer que Tournai est une ville à la page, alors que commence la distribution d’eau et d’électricité et que le conseil communal juge le projet trop onéreux, Victor-Antoine Carbonnelle, bourgmestre libéral de Tournai (lire l’article : Portraits de familles en pages 90 à 93) mais aussi industriel notoire, fait construire à ses frais deux bassins dans le parc de l’hôtel de ville. Les plans en ont été dessinés par les architectes Horta et Maquet. Son arrière-petit-fils, François Carbonnelle, ancien directeur commercial des Engrais Rosier, confie que cela l’aurait amusé de faire de la politique, mais qu’une vie professionnelle ne vous en laisse pas le temps. Aujourd’hui, s’il le pouvait, il aimerait intervenir pour améliorer l’état des routes.

Même si les mandats politiques sont aujourd’hui mieux rémunérés qu’à l’époque de Victor-Antoine Carbonnelle, la jeune génération d’entrepreneurs préfère rester aux affaires que de plonger en politique.  » Aujourd’hui, note Hervé Thiébaut, administrateur de quatre des cinq entreprises du groupe familial, le système des empires est révolu. Pour développer son entreprise, il ne faut surtout pas prendre d’option politique. Mais nous sommes très présents dans pas mal d’associations caritatives et des services clubs. Le réseautage est important. Le réseau créé par mon grand-père et entretenu par mon père, est constitué de clients et fournisseurs qui sont aussi des amis. Il se poursuit de génération en génération, jusqu’aux enfants qui se fréquentent à l’école. C’est la transmission d’un patrimoine relationnel.  »

Dossier spécial coordonné par Philippe Berkenbaum, avec Caroline Dunski; Caroline Dunski

La jeune génération d’entrepreneurs préfère rester aux affaires que de plonger en politique

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