Entre des lignes pas toujours très claires

Tintin et l’Alph-Art, le récit qu’Hergé a laissé inachevé à son décès, laisse bien plus de place à une lecture entre les lignes que les précédentes aventures du jeune reporter. Ne fût-ce que parce que ses croquis encore grossiers se prêtent à un plus grand nombre d’interprétations que les planches en  » ligne claire  » qui ont fait la réputation mondiale du dessinateur bruxellois.

Une chose est claire : Hergé a réservé son dernier sourire au monde artistique. Publié en 1986, trois ans après la mort du dessinateur, Tintin et l’Alph-Art est un récit inachevé qui se déroule dans le monde quelque peu nébuleux de l’art moderne. Hergé y avait travaillé pendant sept ans, par intermittences.

A l’origine, il avait été question de faire terminer Tintin et l’Alph-Art par Bob De Moor. Le dernier collaborateur d’Hergé avait non seulement caressé l’espoir de le faire, mais y avait même formellement compté. Finalement pourtant, le récit a été publié sous la forme d’un work in progress, dans l’état où il se trouvait à la mort d’Hergé : des croquis et une transcription.

A l’occasion du 75e anniversaire de Tintin, Tintin et l’Alph-Art a été réédité en 2004, complété d’un certain nombre d’esquisses, dans une édition commode à manipuler (et à prix abordable), sous couverture dorée. On aurait pu l’assimiler à un cauchemar sous emballage cadeau. Et il était en tout cas impossible de déterminer comment le récit se serait achevé.

Certains considèrent que cet album aurait pu devenir le chef-d’£uvre d’Hergé. L’auteur y fait, en effet, une démonstration de son art consommé de rassembler des éléments disparates pour en faire un ensemble réussi, comme il l’avait fait déjà avec les hallucinations de Haddock, l’ambiance réaliste de l’expédition en haute mer et les vols de portefeuilles dans l’excellente double aventure de Tintin publiée sous les titres Le Secret de la licorne et Le Trésor de Rackham le Rouge.

Half ou Aleph ?

Un aspect un peu oublié de la personnalité d’Hergé, et que l’on retrouve dans Tintin et l’Alph-Art, est qu’il a toujours eu quelque chose d’un dandy. Il partageait cette espèce d’adolescence prolongée qu’il avait insufflée dans le personnage sans âge de Tintin. Hergé s’habillait par exemple dans un style nettement plus jeune et plus flash que les hommes de sa génération. Il aimait les voitures rapides (au plus profond de lui-même, en tout cas), les dernières trouvailles de la mode et le monde de l’art.

D’une part, Hergé était très curieux de découvrir les dernières nouveautés en matière artistique et, d’autre part, il semblait s’amuser de voir à quel point, dans cet univers, des fantaisistes, des charlatans et des escrocs arrivaient à se payer la tête de gens crédules. Il est probable que le titre de son album posthume est moins sophistiqué qu’on ne le pense habituellement.

Certains exégètes vont jusqu’à chercher dans cet Alph-Art des références à l’Aleph de Jorge Luis Borges, à savoir le point de l’espace où se rejoignent tous les points du cosmos. Selon cette interprétation, la dernière aventure de Tintin aurait dû devenir le point de rencontre de tous les personnages importants des albums existants. La première idée d’Hergé, en 1976, était, en effet, de situer le récit dans le cadre du hall des départs d’une grande aérogare.

Mais il se pourrait aussi que l’ Alph-Art soit tout simplement un  » demi-art  » – auquel cas Alph dériverait du néerlandais  » half  » – et que ce terme désigne l’art minimaliste qui, dans le récit, donne lieu à des discussions épiques entre théologiens de l’art. C’est peut-être aussi une allusion au half-en-half, un mélange populaire de deux bières bruxelloises, moitié gueuze lambik et moitié faro. Fameuse, la gueuze !

Hergé fait volontiers référence à la lambic. Ainsi, les frères Alfred et Nestor Halambique, personnages du Sceptre d’Ottokar, portent un nom qui rappelle certes l’alambic, mais ressemble surtout à  » Ah, la lambic ! « . Ce nom permet aussi d’introduire, dans une aventure de Tintin, monsieur Lambique, un des grands personnages de Bob et Bobette, la fameuse BD de Willy Vandersteen. Dans le même esprit, Gibbons, l’arrogant Américain du Lotus bleu, ressemble comme deux gouttes d’eau au Lambique de Vandersteen. Et, dans une première version du Sceptre d’Ottokar, Tintin rencontre chez le professeur Halambique, collectionneur de timbres de son état, une concierge qui présente les traits masculins du même Lambique.

Ces références restent l’un des mystères de la tintinologie car la collaboration entre Hergé et Vandersteen a été pour le moins agitée. En sa qualité de directeur artistique de l’hebdomadaire Tintin, Hergé s’est montré rétif à la publication des séries Bob et Bobette. Il trouvait ces histoires trop populaires, impulsives et paysannes. C’est surtout Raymond Leblanc, l’éditeur, qui voulait attirer dans son hebdo le très populaire Vandersteen pour donner un coup de pouce commercial à son édition néerlandaise. Mais, pour cela, Hergé aurait exigé de faire disparaître le n£ud qui faisait partie de la coiffure de Bobette, que Lambique peaufine son attitude et que Jérôme, qu’Hergé considérait comme un véritable monstre, disparaisse entièrement des histoires. Il est curieux de constater que l’un et l’autre avaient développé leurs talents de dessinateurs chez les scouts où, entre parenthèses, Vandersteen portait le totem de Renard rusé alors qu’Hergé était Renard curieux. Malgré cela, le tempérament d’homme du peuple et de plaisantin irrévérencieux de Vandersteen l’Anversois était en conflit ouvert avec le caractère réservé et complexe qu’Hergé avait hérité de la bourgeoisie bruxelloise, dont il était issu et pour laquelle était conçu le journal Tintin. Cela dit, Vandersteen a toujours reconnu qu’il a énormément appris du maître de la ligne claire.

Hergé trouvait néanmoins très drôles les accents populaires du caractère bruxellois. Il a usé et abusé du dialecte bruxellois qu’il a utilisé dans de nombreux albums sous des dehors de langues exotiques. Bien que leur traduction soit bien connue de tous les amateurs de Tintin, il arrive encore qu’une subtilité de l’idiome bruxellois échappe à un lecteur étranger. C’est ainsi que le romancier français Pascal Bruckner écrit qu’il est intrigué par l’exclamation de Tintin lorsque, dans L’Oreille cassée, il est sur le point d’être fusillé. Dans l’ivresse provoquée par l’absorption de boissons alcoolisées, notre jeune héros crie  » Pif ! Paf ! Pan !à Je suis mort ! àVive le général Alcazar et les pommes de terre frites ! « . Bruckner écrit qu’il lui arrive de considérer cette exclamation de Tintin comme un mantra qu’il s’applique à lui-même. L’origine de ce mantra ne doit pourtant pas être cherchée sur les cimes du Tibet mais serait bien plutôt une version très baraque à frites d’une expression bruxelloise plus que populaire :  » Viva bomma, patatte mei sosisse «  (littéralement : Vive bobonne et les patates avec saucisse). Il est possible que ces emprunts soient involontaires mais permettez-nous à ce propos, comme il est de mise dans une véritable exégèse de Tintin, de citer Roland Barthes qui considérait que l’écrivain connaît généralement ses sources lorsqu’il couche quelque chose sur papier, mais que ce n’est pas indispensable : il se peut que cette source éclate bien plus tard au grand jour.

Un cercueil violet

L’accouchement de Tintin et l’Alph-Art a été extrêmement difficile. C’est comme si l’histoire – qui était l’histoire personnelle d’Hergé – se répétait. Il ne lui était plus arrivé depuis le début des années 1930 d’entamer un récit sans savoir comment il allait se terminer. Selon ses collaborateurs, Hergé commençait déjà à montrer des signes de fatigue lorsqu’il travaillait au dernier album qu’il a mené à bien, Tintin et les Picaros, paru en 1976. Mais il n’a pas lâché son contrôle sur ce récit.

Dans les dernières années de sa vie, le maître a été abondamment célébré. Il a été honoré de quantité de missions comme la réalisation, dans de nombreux bâtiments publics, de fresques géantes mettant ses personnages en scène. Il a reçu la visite de célébrités internationales comme Andy Warhol. Toutes choses auxquelles Hergé, qui n’avait jamais perdu le goût d’assurer la promotion commerciale de son travail, ne pouvait pas se dérober.

Il restait par contre d’un caractère naturellement réservé. Il n’y avait aucun danger qu’il se mette soudain à souffrir du syndrome de F. Scott Fitzgerald et que, dans l’incapacité de mettre quelque chose de valable sur papier, il se complaise dans sa propre déchéance, mais les projets de Tintin et l’Alph-Art restaient au point mort.

Le seul plaisir qu’Hergé s’octroyait encore était sa collection d’art moderne. Pas du tout dans un souci de spéculation, mais uniquement parce qu’il était intrigué par certains travaux, tant de jeunes artistes que de talents d’avant-garde confirmés. Il faut souligner que des artistes, comme Lichtenstein, Warhol et Hockney, considéraient à leur tour le dessinateur belge comme celui qui leur avait ouvert la voie de la ligne claire.

Alors qu’il arrivait au terme de sa vie, Hergé a été entouré par un certain nombre de  » conseillers « , comme le toujours enthousiaste Pierre Sterckx, qui l’incitaient à acheter divers objets d’art non conventionnels. Ceci à la grande stupéfaction des vieux amis d’Hergé, parmi lesquels le caricaturiste Paul Jamin (Alidor) qui ne cessait de se plaindre  » qu’ils avaient de nouveau parachuté un cercueil violet dans le salon de Georges « .

Bien qu’Hergé souscrive entièrement au  » il faut être absolument moderne  » de Rimbaud, il continuait à considérer le monde de l’art avec toute l’ironie requise. Les flots de paroles de Sterckx, lorsqu’il parlait des ressorts profonds qui animaient l’artiste et des multiples strates dont se composaient leurs £uvres, amusaient Hergé, mais ne l’empêchaient pas de se payer largement leur tête dans son Alph-Art. Le seul fait de lire entre les lignes de son script et de son dernier carnet de croquis permet de découvrir que Tintin et l’Alph-Art n’est finalement qu’une dernière zwanze de ce Bruxellois, qui se délecte du divertissement que lui procurent malgré eux ces volubiles amateurs d’art dont certains font partie de son cercle d’amis.

Carrefour/Fourcart

Ces amis apparaissent à peine déguisés dans le récit. C’est ainsi que Marcel Stal, voisin des Studios Hergé et directeur de la galerie Carrefour, devient le monsieur Fourcart de l’ Alph-Art. Hergé avait d’ailleurs, si l’on en croit ses croquis, réservé également une place au critique d’art bien connu Van Petegem qui semble bien avoir servi de modèle pour le genre de bonhomme que l’on rencontre à côté du buffet dans les vernissages. Grâce aux notes marginales d’Hergé, on réalise qu’il était à la recherche d’un nom qui sonne méridional pour quelqu’un qui serait, dans le récit, le connaisseur qui fait autorité. Hergé avait notamment noté le nom Risopoulos, qui n’était pas inconnu à l’époque. Basile Risopoulos (1919-1997) était un parlementaire francophone libéral des années 1970 qui faisait fréquemment les frais du journal satirique bruxellois Pan. Il y était immanquablement caricaturé en costume folklorique grec par Paul Jamin, un ancien compagnon d’Hergé. Risopoulos avait combattu dans la Résistance belge au cours de la Seconde Guerre mondiale.

Dans Tintin et l’Alph-Art, le capitaine Haddock – avec qui, selon ses propres dires, Hergé s’identifiait de plus en plus à la fin des années 1970 (interview de Jacques Chancel en janvier 1979) – était aussi totalement tombé sous le charme de l’art moderne.  » Il est merveilleux qu’un simple pêcheur à peine lettré puisse aussi totalement tomber sous le charme de l’art « , glousse la Castafiore. L’auteur de l’£uvre d’art en question est le fameux Jamaïquain Ramo Nash, en référence au ramonache (radis noir en dialecte bruxellois) mais aussi à Paul Nash, un pionnier britannique du modernisme. Ramo Nash vend au capitaine un H géant en Plexiglas (autre mot très cher au dessinateur). Lorsque le très sobre professeur Tournesol demande à quoi peut servir une telle chose, Haddock lui répond :  » A rien. C’est de l’art, et l’art, ça ne sert à rien. L’art, c’est l’art.  »

Ce H n’est pas seulement celui de Haddock mais aussi celui d’Hergé. Voilà un bel exemple d’autodérision. Hergé ne raisonne pas du tout comme Victor Hugo qui avait pensé à un certain moment que ce n’était pas un hasard si Notre-Dame de Paris était bâtie en forme de H. Dans sa mégalomanie, Hugo pensait qu’il devait voir cette architecture comme un hommage à son propre génie !

En feuilletant les fragments de l’ultime album d’Hergé, le lecteur peut aussi se rendre compte qu’il devait s’agir de remettre en présence certains personnages qui figuraient dans des récits précédents, comme l’Américain Gibbons du Lotus bleu et le magnat du pétrole Chicklet de L’Oreille cassée. L’auteur profite de cette occasion pour mettre en scène, de façon déguisée ou non, des hommes et des femmes qui ont fait partie de sa vie. Des psychiatres et des philosophes de la langue s’étaient déjà souvent précipités sur Tintin et Milou dans l’espoir de mettre à nu les moteurs cachés du dessinateur, et Hergé avait coutume de prendre connaissance de ces analyses avec un sourire compatissant. Il était suffisamment habile pour gommer s’il le voulait beaucoup de traits de caractère de ses personnages. Mais pour l’ Alph-Art, il fallait travailler vite car le dessinateur, qui souffrait de leucémie, devait régulièrement se rendre en Suisse pour y subir des transfusions sanguines et était, plus que probablement, conscient que ce scénario ne connaîtrait pas de suite. Il n’a donc pas pu éviter de dévoiler toute son âme dans cet album inachevé.

Mort et destruction

Les inconditionnels de Freud et Lacan vont soutenir que le contenu émotionnel qui sous-tend Tintin et l’Alph-Art n’est pas de raconter une histoire sur le monde artistique, mais bien d’exprimer les pulsions de mort et de destruction de son auteur. Cela mérite que l’on s’y arrête. Dans son récit, Hergé a fait apparaître toute une série d’éléments révélateurs. Tintin et l’Alph-Art commence par un cauchemar et baigne du début à la fin dans une ambiance onirique menaçante. A l’époque, le maître de la ligne claire tenait un journal de tout ce qui hantait ses rêves.

Hergé a dû interrompre son dernier récit au moment où l’imposteur Endaddine Akass menace Tintin de le couvrir de polyester brûlant et de le mettre dans un musée à la manière d’une £uvre du sculpteur français César.

L’amateur de psychanalyse jubile évidemment en découvrant cela. César est surtout réputé pour son travail avec des épaves de voitures. Il représente ici une référence évidente à  » l’auto  » et à  » la destruction  » (auto + destruction = autodestruction). De plus, le nom de César fait référence aux triomphes impériaux auxquels, à cette époque, Tintin pouvait prétendre auprès d’un innombrable cercle de lecteurs.

Les voitures ont toujours joué un rôle très important dans les aventures de Tintin et sont présentes de manière dominante dans pratiquement tous ses albums même si, dans ses dernières histoires, Tintin se déplace plus souvent à pied ou en avion. Une auto figure sur le premier dessin de Georges Remi qui nous soit parvenu, un dessin qu’il a fait alors qu’il était écolier. Hergé a acheté en 1938 sa première voiture, une Opel Olympia beige, que l’on découvre d’ailleurs dans Le Sceptre d’Ottokar. Mais, dix ans plus tôt, il faisait déjà circuler Tintin, pilote casse-cou qui fonce à toute vitesse à travers l’Union soviétique, dans un bolide comme en possédait à l’époque le dandy-diplomate français Paul Morand.

Plus tard, Hergé témoignera d’une préférence marquée pour Lancia. C’est cette marque que cite la Castafiore lorsque, dans Tintin et l’Alph-Art, elle exprime avec tout le lyrisme requis son admiration devant l’£uvre de Ramo Nash :  » Et cette £uvre-ci, qui est comme un raccourci de tout l’univers, depuis l’Alpha jusqu’à à Romeoà Fiatà Lancia jusqu’à l’Oméga…  » Il est frappant de constater que, dans les croquis de l’ Alph-Art, les voitures sont les éléments les plus peaufinés. Hergé a même déjà fait figurer des indications de couleurs auprès d’un certain nombre de voitures. Dans les esquisses qu’il nous a laissées figurent beaucoup de collisions de voitures, autre signe diront certains que le récit était entièrement orienté sur la destruction.

Endaddine Akass (qui signifie en dialecte bruxellois qu’est-ce qu’on encaisse !) est un personnage important de l’album posthume. Il est manifestement dessiné en s’inspirant de l’image et de la personnalité du légendaire danseur de ballet et escroc français Fernand Legros, un mythomane qui, dans les années 1970, avait été à plusieurs reprises accusé de vendre de fausses toiles de maître pourvues d’attestations d’authenticité émanant des experts les plus éminents. Legros avait coutume, au même titre qu’Endaddine Akass, de se dissimuler derrière de grosses lunettes noires, et portait les cheveux longs et la barbe râpeuse des prétendus artistes des années 1970. Tout comme Akass, Legros ne se séparait jamais de son amulette magique.

En février 1976, Legros venait d’être libéré de prison lorsque nous l’avons interviewé dans sa villa de Montmorency, en France. Il résidait dans une propriété impressionnante, dans une région boisée. Nous nous attendions à le rencontrer dans une villa qui déborderait d’£uvres d’art, vraies ou fausses mais, au lieu de cela, nous avons rencontré un homme sans le sou qui faisait tout ce qu’il pouvait pour garder à son personnage l’aura de sa splendeur passée. Fernand Legros trônait comme un gourou dans un intérieur minable, entouré d’une cour reliée par walkie-talkie, exactement comme Hergé le transcrit dans son album. En réalité, la cour de Legros se composait de jeunes voyous qu’il avait récupérés en prison. Vu avec un certain recul, tout cela ressemblait à s’y méprendre au quartier général du maître d’une secte comme Hergé l’a représenté dans ses projets.

Nous n’avons pas rencontré Bianca Castafiore à Montmorency, alors que, dans l’ Alph-Art, elle réside quelques jours dans la villa d’Endaddine Akass. Par contre, Legros nous a présenté une certaine Madame de Castro qui logeait dans sa propriété. Raimunda de Castro, danseuse de caractère de son état, n’était rien moins que l’amie brésilienne du pilleur de train anglais Ronald Biggs, recherché dans le monde entier. L’Anglais avait donné un fils à la Brésilienne et Biggs, qui avait attaqué en 1963 le train postal de Glasgow à Londres, ne pouvait en conséquence plus être extradé pour être remis à la justice britannique.

Legros était un homme surprenant. Lorsque nous avons pris congé, il a sorti un stylo en or et a écrit dans notre exemplaire de Tableaux de chasse ou la vie extraordinaire de Fernand Legros, la biographie que lui avait consacrée Roger Peyrefitte :  » Ik ben niet dom maar een klein beetje gek. Daag. Tot ziens ! Fernando. « (Je ne suis pas idiot, mais un peu fou. Au revoir. A bientôt ! Fernando.) S’adressant à un journaliste néerlandophone, ce Français avait écrit dans un néerlandais impeccable. Il semble bien qu’un des jeunes hommes blonds qui glandaient dans sa villa était néerlandais et qu’en préparation à la visite d’un journaliste néerlandophone, il avait préparé cette phrase à l’intention de Legros.

Hergé est mort le 3 mars 1983, avant même d’avoir pu définir quelle serait la destinée d’Endaddine Akass dans Tintin et l’Alph-Art. Fernand Legros, alias Endaddine Akass, est mort un mois plus tard. Ironie du sort : les deux hommes sont morts de la même maladie, la leucémie. n

par M. VAN NIEUWENBORGH

Il se pourrait que  » Alph  » de Alph-Art dérive du néerlandais  » half « , que ce terme désigne l’art minimaliste, ou une allusion au  » half-en-half « .

Le dessinateur profite de l’album Tintin et l’Alph-Art pour mettre en scène, de façon déguisée ou non, des hommes et des femmes qui ont fait partie de sa vie. Mais il était suffisamment habile pour gommer des traits de caractère de ses personnages.

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