La Première : octogonale comme la Place Vendôme à Paris.

Entre culte et inspiration

Camélia, chaînes, tweed, matelassé, lion… Quelques codes et symboles ont suffi à Gabrielle Chanel pour rendre son style reconnaissable dès les premières années de ses collections. L’horlogerie Chanel en fait encore écho aujourd’hui.

Alors que Gabrielle Chanel adorait les accessoires, sa Maison n’a jamais produit de montres de son vivant. Sur les photos d’elle – qui sont légion dans les archives de la Maison – elle ne porte pratiquement jamais de montre, sauf sur l’une d’entre elles où elle pose avec ce qui ressemble très fort à un garde-temps géant. Mais la qualité de la photo ne permet pas d’en discerner le modèle ou la marque.

Coco Chanel (1883) est décédée en 1971. Il aura fallu attendre jusqu’en 1987 avant que la Maison ne lance une montre sous la direction de Jacques Helleu, à l’époque Directeur Artistique des Parfums et Produits de Beauté : la bien nommée La Première. Comme Chanel aimait les chiffres et les nombres – en attestent notamment les parfums Chanel N° 5, N° 18, N° 19, N° 22, N° 46, 1932, 31 rue Cambon… ou encore le sac 2.55, elle n’aurait certainement pas désavoué cette dénomination.

Sur la surface réduite de la montre La Première figuraient déjà plusieurs codes Chanel. Son cadran est sobre : noir, sans chiffres, sans trotteuse. Elle est octogonale comme la Place Vendôme à Paris où elle a été conçue et où Mademoiselle occupait une suite à demeure à l’Hôtel Ritz, là où elle est décédée.

La Première affiche, par ailleurs, un autre code fort de la Maison à travers son bracelet : il s’agit de la chaîne en métal tressée de cuir servant de bandoulière au légendaire sac en cuir matelassé 2.55, une icône de la Maison dont Chanel ne procure plus de photos pour des raisons méconnues.

 » Je connais les femmes, aurait dit Chanel un jour, donnez-leur des chaînes, les femmes adorent les chaînes.  » L’idée d’associer une chaîne au sac lui serait venue de son enfance. À l’orphelinat où elle avait été placée, les femmes portaient des robes longues dites  » à balayeuse « . Pour ne pas les imprégner de la cire des planchers, elles les relevaient et les retenaient avec une chaîne. Ce geste, et l’éclat du métal sur l’étoffe, avaient fasciné la jeune Gabrielle selon ceux qui ont étudié sa biographie.

La deuxième montre de forme de la maison allait également référer à Coco Chanel et devenir un grand succès : la J12, née en l’an 2000. Un nombre, une fois encore… Bien que l’inspiration du nom provienne ici de la classe J de voiliers participant à l’America’s Cup, soulignant le caractère sportif du modèle. Les différentes J12 déclinées dans cette collection renferment très régulièrement des codes Chanel. Notamment les couleurs noir et blanc de la céramique, matière intimement liée à cette collection. Coco Chanel adorait le noir (la petite robe noire) et le blanc (la couleur du camélia, sa fleur fétiche). Elle déclara un jour :  » Mettez les femmes en blanc ou en noir dans un bal : on ne voit plus qu’elles.  »

J12 : vision noir et blanc.
J12 : vision noir et blanc.

Vie privée

Et puis vint la collection Mademoiselle Privé. Ce nom renvoie à une plaquette apposée sur la porte du studio de la créatrice, au-dessus de la boutique au 31 rue Cambon à Paris. Chaque année, les collections  » Mademoiselle Privé  » s’enrichissent de nouvelles créations. Les cadrans empruntent les motifs et les symboles les plus importants de Gabrielle Chanel : le lion, son signe astrologique, le camélia, sa fleur préférée… Certains motifs des paravents de Coromandel de son appartement y sont reproduits en miniature : oiseaux, bateaux, déesses musiciennes…Miniature en émail  » Grand Feu « , or et nacre sculptés, glyptique, marqueterie, sertissage, laque japonaise maki-e, gravure, broderie… Pour ces pièces horlogères d’exception, Chanel fait appel aux meilleurs artisans d’art.

Camélia Mademoiselle Privé.
Camélia Mademoiselle Privé.

À titre d’exemple, un camélia est réalisé en nacre sur le cadran tandis que des motifs Coromandel provenant de sa collection de paravents sont réalisés en émail. La fascination de Coco Chanel pour le camélia s’expliquerait, en partie, par son absence d’odeur, préservant ainsi la richesse du N°5, sa fragrance fétiche. Mais il se peut aussi qu’elle soit tombée sous le charme de La Dame Aux Camélias, héroïne au destin tragique immortalisée par Alexandre Dumas.

Gabrielle Chanel a longtemps vécu dans des écrins de laque où barques et palais, fleurs et oiseaux aux reflets d’or et de rouge sombre se détachaient sur un fond de nuit noire. Elle découvrit les paravents de Coromandel dès les années 1910 avec son amour sans doute le plus passionné, Boy Capel. Elle ne se lassera jamais d’en acquérir de nouveaux, au point d’en posséder une trentaine. Aujourd’hui encore, lorsque l’on entre dans l’appartement de Chanel, 31 rue Cambon, on est pris dans le mirage de ce décor où des paravents des XVIIe et XVIIIe siècle masquent les portes et entourent la cheminée et le canapé.

Ces paravents nous sont familiers grâce aux marins de Louis XIV qui, au XVIIe siècle, appareillaient depuis Brest ou Bordeaux pour contourner l’Afrique, croiser au large les îles de France ou de Bourbon, et remonter vers la côte de Cholamandalam, sur le versant oriental de l’Inde, un nom transformé par des oreilles étrangères en Coromandel. Ces marins avaient surtout rencontré des commerçants chinois venus du centre du continent et de la cour de l’empereur Kang Xi. Leurs jonques transportaient des jades, porcelaines, objets et paravents de laque dont les techniques de fabrication étaient inconnues en Occident. Les laques étaient en fait obtenues à partir d’une résine végétale chauffée, filtrée, purifiée puis appliquée sur des lames de bois en couches successives, séchées et polies jusqu’à atteindre trois mm d’épaisseur. C’est ce qui leur donnait une dureté et un éclat incomparables.

Détail en miniature dans la collection Mademoiselle Privé.
Détail en miniature dans la collection Mademoiselle Privé.

Ce sont ces paravents qui ont déclenché une véritable passion chez Coco Chanel, leur esprit se retrouvant essentiellement aujourd’hui dans la collection Mademoiselle Privé de Chanel Horlogerie. La montre Mademoiselle Privé Camélia Brodé, dont le cadran a été brodé en fils de soie de couleurs selon la technique de la  » peinture à l’aiguille « , a permis à Chanel de remporter un Grand Prix d’Horlogerie de Genève en 2013 dans la catégorie  » Métier d’Art « .

Le petit ami

En 2015, Chanel lance la Boy.Friend, référence au grand amour de Coco, Boy Capel, mais aussi à un look qui ne déplaira pas aux hommes alors qu’il s’agit d’une montre de femme. On retrouve à nouveau la forme octogonale de la Place Vendôme et, dès 2016, une version rappellera un autre code essentiel de la panoplie Chanel à travers un bracelet en métal reprenant la texture du tweed, matière fétiche de Coco Chanel pour ses tailleurs. Ce bracelet est né d’un emmaillement de fils d’acier afin de rappeler la richesse du tweed.

Si le tailleur en tweed est devenu un symbole de Chanel, sa première apparition en 1924 avait représenté une véritable révolution. S’inspirant des vêtements en tweed de son amant, Hugh Richard Arthur Grosvenor, appelé familièrement Bendor, 2e Duc de Westminster, et du temps passé ensemble dans sa propriété de la campagne écossaise, Gabrielle Chanel avait défié une nouvelle fois les conventions de l’époque en jetant son dévolu sur un tissu jusqu’alors exclusivement réservé aux hommes.

Sous le signe du lion

En 2016, Chanel signe son premier mouvement de Haute Horlogerie in-house, le Calibre 1 Heure Sautante Minute Rétrograde, et sa première montre conçue spécifiquement pour les hommes, la montre Monsieur de Chanel. On retrouve également un symbole fort de Gabrielle Chanel : le lion, qui deviendra le sceau de la Haute Horlogerie Chanel. Il signe le mouvement de la montre Monsieur de Chanel et est visible à travers le fond de boîte en glace saphir. Le lion est présent sur tous les mouvements conçus in-house dans la manufacture horlogère.

Pourquoi ce lion ? Gabrielle Chanel est née le 19 août 1883, le lion étant son signe astrologique. Symbole de puissance et de courage, il deviendra son animal fétiche, collectionné dans son appartement et utilisé comme motif décoratif pour ses boutons et bijoux. L’animal la suivra jusqu’à sa dernière demeure, au cimetière du Bois-de-Vaux, à Lausanne en Suisse. Selon ses voeux, cinq têtes de lion sont sculptées sur une stèle de marbre blanc recouverte de fleurs blanches.

Le lion sera tout aussi présent en 2017 et 2018, quand la Maison signera ses deuxième et troisième calibres in-house avec la montre Première et la montre Boy.Friend dans une version de Haute Horlogerie.

Code Coco

Puis vient enfin Code Coco. On reconnaît dans ce modèle le fermoir du sac 2.55. Mais la présence de deux aiguilles indique, bel et bien, qu’il s’agit d’une montre. Le fermoir y figure par jeu. Ouvert ou fermé, il cache ou dévoile l’heure qui s’y affiche discrètement. Le bracelet, quant à lui, évoque le cuir matelassé du 2.55 (Février 1955, l’année de son lancement).

Tous les modèles de montres Chanel racontent donc une histoire. Et il est émouvant de constater que ceux qui dirigent la marque aujourd’hui, cultivent encore avec autant de ferveur les goûts et le style de l’âme de la Maison.

Gabrielle Coco Chanel et son paravent Coromandel. Détail en miniature dans la collection Mademoiselle Privé.
Gabrielle Coco Chanel et son paravent Coromandel. Détail en miniature dans la collection Mademoiselle Privé.
Calibre 3 Boy-friend.
Calibre 3 Boy-friend.
Calibre 1 Monsieur de Chanel.
Calibre 1 Monsieur de Chanel.
Monsieur de Chanel Lion.
Monsieur de Chanel Lion.
Code Coco.
Code Coco.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire