Entre austérité et relance

Le G20 a placé la Belgique sur une liste grise de paradis fiscaux. Mais c’est à un autre titre que notre pays est concerné par ce qui s’est dit à Londres.

Comme dans la fable des animaux malades de la peste, les grands ont oublié de regarder dans leurs assiettes, en plaçant la Belgique sur la liste grise (pour manque de collaboration dans l’échange d’informations en raison de ce qui reste encore du secret bancaire). Pour une nation qui vit essentiellement de ses exportations, c’est la conjoncture mondiale qui est déterminante. Quand on sait que l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) prévoit une croissance moyenne négative de 4,3 % en 2009 pour la zone qu’elle couvre, cela n’augure rien de bon pour notre pays : la baisse du produit national devrait y être proche de 3 %.

Face à cette sombre perspective, la marge de man£uvre dont dispose le gouvernement est plus qu’étroite. Il y a à cela deux raisons.

La première est que, dans un petit pays, la part des dépenses consacrée aux importations est beaucoup plus importante que dans les grands. Il en résulte que les plans de relance y ont beaucoup moins d’effet, car une grande partie des dépenses supplémentaires occasionnées par ces plans sont effectuées à l’étranger. On ne voit donc pas très bien l’avantage qu’il peut y avoir à accroître notre endettement public en vue de donner du travail aux ouvriers chinois ou japonais !

L’autre obstacle aux plans de relance pour la Belgique est l’importance de notre dette publique. Pendant les années de vaches grasses, nous n’avons pas consenti d’efforts suffisants pour assainir nos finances publiques. Le gouvernement était très fier de pouvoir présenter des budgets en équilibre, mais il aurait dû faire mieux. Pour résoudre, une fois pour toutes, le problème de nos finances publiques que nous traînons comme un boulet depuis plus de trente ans, il aurait fallu afficher des surplus. C’était d’autant plus nécessaire que le défi du vieillissement de la population se fait de plus en plus pressant.

Un plan de relance timide

Tout cela explique pourquoi le plan de relance qui a été annoncé à la fin de l’année dernière est fort timide quand on le compare à celui de nos partenaires. Selon le rapport Bruegel (1), le plan belge ne représente que 0,9 % du produit intérieur brut, contre une moyenne de 2,8 % pour les économies les plus importantes de l’Union européenne. De son côté, et pour l’ensemble de la période 2008-2010, l’OCDE évalue les  » efforts  » budgétaires belges à 1,6 %, alors que la moyenne est de 3,4 % pour l’ensemble des pays membres.

Les velléités de relance manifestées par certains de nos compatriotes contrastent avec l’exigence d’austérité que l’on voit poindre en même temps chez d’autres. Le Conseil supérieur des finances (CSF), très largement piloté par la Banque nationale mais où l’on retrouve aussi des représentants des gouvernements fédéral et régionaux, a tiré, en mars, la sonnette d’alarme en ce qui concerne l’évolution de nos finances publiques.

Nous sommes confrontés à un double effet négatif, classique en période de récession : les recettes fiscales diminuent en même temps que l’activité économique et les dépenses sociales augmentent avec le nombre de chômeurs. Il y a donc un risque sérieux que soient anéantis en quelques années les efforts (insuffisants) d’assainissement de ces deux dernières décennies. Rares dans notre pays sont ceux qui voudraient revivre le cauchemar budgétaire des années 1970 encore très présent dans notre mémoire collective. Il nous faudrait trente ans pour réparer les dégâts, si l’effet  » boule de neige  » devait réapparaître. Pour faire face au coût du vieillissement, nous devrions idéalement accumuler les surplus. Mais, au lieu de cela, ce sont des déficits auxquels nous devrons faire face dans les prochaines années. Crise oblige. Les déficits pour 2009 et 2010 seront de l’ordre de 3,5 et 4 % du produit intérieur brut. Le scénario le plus exigeant du CSF prévoit un retour à l’équilibre en 2013. Cela exigerait des économies de l’ordre de 1,1 % du PIB pendant quatre ans. Et si l’on décidait de ne pas augmenter les impôts et de ne pas toucher aux dépenses sociales et aux dépenses de vieillissement, les économies sur les autres postes devraient être de 16 % sur 4 ans, soit 4,2 % en moyenne chaque année. De la politique-fiction !

Comme on le sait, le gouvernement a récemment pris à ce sujet une décision de principe : le retour à l’équilibre sera pour 2015. La pilule sera moins dure à avaler, mais elle sera quand même amère.

Tendre les voiles

Coincé entre les exigences d’une relance permettant d’atténuer la crise et celles d’un meilleur contrôle de nos finances publiques, notre gouvernement est bien confronté à la quadrature du cercle. Et l’équation sera d’autant plus difficile à résoudre que nous ne pouvons pas négliger le défi du vieillissement ni oublier de venir en aide aux plus défavorisés touchés de plein fouet par la crise.

Ce n’est toutefois pas parce que, sur le plan macroéconomique, notre marge de man£uvre est fort réduite, voire inexistante, qu’il faut pour autant se croiser les bras.

Il s’agit d’abord d’orienter correctement les maigres ressources dont nous disposons pour la relance en privilégiant les investissements les plus productifs, notamment en matière d’infrastructure ou d’économies d’énergies. Et sur le plan microéconomique, il s’agit d’améliorer notre productivité partout où c’est possible, notamment dans la fonction publique. Un petit pays comme la Belgique n’a pas beaucoup d’autre choix que de courber le dos devant la crise. Mais cela ne doit pas l’empêcher de se préparer à la reprise qui viendra tôt au tard. Le jour où le vent recommencera à souffler dans la bonne direction, nos voiles devront être bien tendues.

(1) Il s’agit d’un groupe de réflexion (think thank) européen www.bruegel.org

JACQUES ZEEGERS

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