Enquête de transparence

Entre le monde politique et la justice, la fêlure s’agrandit. Jusqu’à quel point ? Réponse avec la future commission parlementaire d’enquête sur la séparation des pouvoirs.

Après avoir entraîné la chute du gouvernement, le 18 décembre 2008, la lettre d’Yves Leterme, ex-Premier ministre (CD&V), et celle de Ghislain Londers, premier président de la Cour de cassation, reste un immense sujet d’étonnement. Pourquoi ces deux hauts personnages sont-ils à ce point sortis des rails, au mépris de tous les usages ? Les deux hommes avaient au moins un point commun. Ils ont agi seuls, sans consulter leurs pairs, et sous le coup d’une intense émotion : l’affaire Fortis, qui tient en suspens la fortune ou l’emploi de centaines de milliers de Belges.

Le 17 décembre, Yves Leterme, soupçonné de pressions récurrentes dans l’affaire Fortis, tente de se disculper dans une lettre adressée à son ami et collègue de la Justice, Jo Vandeurzen. Il y révèle notamment les contacts entre son chef de cabinet et l’époux de la conseillère de la cour d’appel qui, mise en minorité, a refusé de se rallier à l' » arrêt Fortis  » du 12 décembre, défavorable au gouvernement. Elle aurait trahi le secret du délibéré, permettant ainsi aux avocats de l’Etat belge, mandatés par le ministre des Finances, Didier Reynders (MR), d’affûter leurs armes. Le 19, Ghislain Londers dépose dans les mains de l’encore président de la Chambre Herman Van Rompuy (CD&V) une missive non moins explosive. Le haut magistrat dresse une sorte de réquisitoire contre la tentative du pouvoir exécutif, via le procureur général de Bruxelles Marc de le Court, soumis hiérarchiquement au ministre de la Justice, d’obtenir une modification de la composition du siège qui aurait dû réexaminer le dossier Fortis, à la cour d’appel de Bruxelles.

L’équilibre des pouvoirs menacé ?

La ligne de démarcation entre les pouvoirs a-t-elle été franchie, à de multiples reprises, et dans un sens comme dans l’autre ? La question sera au centre des travaux d’une commission parlementaire d’enquête dont le principe a été arrêté le 30 décembre. Preuve que cette affaire ébranle sérieusement le monde judiciaire, loin d’être sans reproches, le Conseil supérieur de la justice (CSJ) avait déjà lancé sa propre enquête, le 23 décembre, mais avec des moyens plus réduits.

La forme des futures investigations des élus de la Nation a fait l’objet d’âpres marchandages jusqu’à quelques heures de la prestation de serment des membres du gouvernement Van Rompuy. Il a été décidé que les recherches parlementaires seront découplées dans le temps et quant à leur objet.

La commission d’enquête relative aux interférences entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire devra rendre rapidement ses conclusions. Elle serait coprésidée par un libéral flamand (peut-être le député gantois Geert Versnick, qui a déjà dirigé la commission Lumumba, où les magistrats n’étaient interrogés que via les experts) et par un CDH (le nom de Christian Brotcorne, avocat, chef du groupe CDH à la Chambre, est cité). La seconde commission parlementaire d’enquête se penchera sur la gestion de la crise bancaire par le gouvernement Leterme. Mais elle ne pourra remettre ses conclusions et recommandations qu’après les élections régionales de juin 2009. Un peu de répit pour Herman Van Rompuy et son bras droit Didier Reynders, ministre des Finances (MR), qui doivent gérer les urgences de la crise économique et financière. Cette commission existait virtuellement, mais sans détenir les pouvoirs d’un juge d’instruction, le jour où Yves Leterme a lu sa fameuse lettre à la Chambre, le 17 décembre. Elle avait cependant été tenue en suspens. Jusqu’à sa renaissance, après l’affaire des deux lettres, sous une forme plus élaborée et quelque peu temporisatrice. l

Marie-Cécile Royen

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