Page d'atlas universel, II : Golfe de Gascogne. © dr

En superposition

A la veille de son 90e anniversaire, une exposition à La Louvière met pour la première fois en valeur tout un pan important du travail de Pierre Alechinsky : les palimpsestes.

Al’origine, le palimpseste était un parchemin que les copistes du Moyen Age effaçaient avant de le réutiliser comme support à un nouveau texte. Cet usage, le peintre Pierre Alechinsky l’a gardé, tout en le détournant à sa manière : ce qu’il nomme Palimpsestes sont des documents anciens de tout type à partir desquels il réalise de nouvelles compostions. Au lieu d’effacer entièrement le contenu initial, il vient l’amender, le surcharger, le développer, le détourner – aspect iconographique ou manuscrit. Exit le principe de la feuille blanche : ces supports deviennent pour le peintre belge (né à Schaerbeek en 1927) l’amorce d’un nouvel opus, passant de l’archive oubliée à l’oeuvre d’art.

Anciennes actions, vieux plans, actes notariés, cartes géographiques et scolaires, planches d’atlas, vieux manuscrits, anciennes lettres, mais aussi partitions ou courriers échangés avec des amis du peintre : tous les documents ont une histoire que l’artiste s’approprie, qui vient se confondre en partie avec ses propres obsessions – sa passion de l’écrit et du papier – et ces vies antérieures dont nous sommes ainsi amenés à deviner les bribes. Plusieurs ne manquent d’ailleurs pas d’humour, ce qui n’est pas pour déplaire à Alechinsky qui le manie avec délectation ou ironie selon les situations.

A La Louvière, rares sont les artistes à pouvoir disposer de l’intégralité des trois niveaux du Centre de la gravure pour une exposition personnelle. C’est dire toute l’importance de celle qui s’y tient en ce moment. Accueilli par un élégant clavecin décoré par Alechinsky, le visiteur découvre au rez-de-chaussée la série des  » estampages  » chers à l’artiste. Il s’agit de frottages réalisés à même le sol – la plupart du temps, des plaques d’égout dont on découvre avec lui la valeur graphique. On voyage de Liège à Rome, d’Arles à Pékin, de Salzbourg à New York avec des oeuvres souvent de grand format qui en imposent par leur inventivité.

Cabinet de curiosités

D’allure plus intime, le premier étage peut être vu comme un vaste cabinet de curiosités où se manifeste tout l’intérêt qu’Alechinsky porte à l’imprimé en général, au livre et à la belle édition. C’est là le coeur de l’exposition, et on y croise ses références et ses amis. Avec les écrivains Blaise Cendrars, Roger Caillois et Michel Butor, mais aussi le sculpteur Pol Bury, le compositeur Michel Portal et bien d’autres, de petites histoires rencontrent la grande sous l’oeil facétieux de l’artiste.

Enfin, au dernier étage, le plus somptueux, se déploient les cartes géographiques en de conséquents ensembles. Le voyage continue à travers les époques et les continents, cartes de navigation aérienne, planches d’atlas du xixe siècle ou cartes géographiques du xviiie siècle. L’hôte des lieux les a toutes retravaillées en profondeur, calquant ses dessins sur les frontières naturelles que sont les bords de mer, les chaînes de montagne ou les fleuves. L’interaction fonctionne à merveille. On y sent l’évidente jubilation de l’artiste.

Les Palimpsestes, Pierre Alechinsky, au Centre de la gravure et de l’image imprimée, à La Louvière, jusqu’au 5 novembre prochain. www.centredelagravure.be

Par Bernard Marcelis

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