EN ROUTE VERS LA RÉVOLTE ARMÉE ?

Arnold Karskens est reporter de guerre et écrivain. Néerlandais. Dans un texte publié sur le site du quotidien NRC Handelsblad, le 8 janvier, il prédit  » le printemps européen  » en mai de cette année. Concrètement, un soulèvement, massif, populaire. Dans les différents Etats de l’Union européenne. A ses yeux, tous les ingrédients sont réunis pour ce qu’il appelle  » un pétage de plomb généralisé « .

Alain Lallemand est grand reporter et romancier. Belge. Pour Le Soir, il enquête depuis longtemps sur les guérillas, les mafias, les trafiquants, les services secrets, les différentes formes de terrorisme. Son nouveau roman, Et dans la jungle, Dieu dansait, publié le 22 janvier chez Luce Wilquin, suit un jeune Wallon, parti rejoindre la rébellion colombienne d’extrême gauche pour apprendre le combat armé, avant de l’importer sur nos terres. Sa thèse : le terrorisme djihadiste masque-t-il, pour l’instant, la gestation d’une révolte beaucoup plus large, qui touchera toute une génération, quelles que soient sa bannière, sa religion, sa communauté ? Une révolte privilégiant l’action violente. Parce que les sit-in d’indignation, les manifestations silencieuses, le bulletin de vote et le droit de grève ne permettraient plus d’obtenir grand-chose, de défendre la justice sociale, d’élever nos sociétés, d’offrir des horizons éclairés.

Fables ? Fantasmes ? Pyromanie ? Procédés purement anxiogènes ? Pas sûr. Les derniers mois ont encore amplifié ce que la crise économique avait fait croître ces dernières années : des motifs de peur, de grogne et de rejet partout en Europe. L’arrivée massive de migrants, la méfiance qu’inspire leur région d’origine chez beaucoup d’Occidentaux, le départ de jeunes nés ici pour la Syrie, leur retour pour semer le feu et la mort sans pitié ni discernement, la montée des nationalismes, la percée des extrémismes, le retour au tout-sécuritaire, les traumatismes comme ceux causés par les agressions de la nuit de la Saint-Sylvestre à Cologne… Tout mène, jusqu’ici, à une radicalisation de plus en plus généralisée, de plus en plus exacerbée, et de plus en plus manipulée par tous ceux qui ont intérêt à ce que le chaos s’installe sur le continent. Dès lors, il n’est pas fou d’estimer qu’en émergera une génération tentée par les armes et la guérilla.

Dans le dossier que nous consacrons à la probabilité de ce scénario, différents experts s’insurgent et considèrent quasiment impossible que nos sociétés puissent encore produire des mouvements ressemblant aux Brigades rouges, à la bande à Baader ou aux CCC. Mais d’autres, comme Gérard Chaliand, spécialiste notamment du terrorisme international, affirment que,  » forcément, la violence va exploser ; qu’il suffira d’une manifestation qui tourne mal, d’un mort ou deux « , pour que tout s’embrase, vu les nerfs de plus en plus à vif des foules et des individus.

Personne ne peut prédire sérieusement quand, et sous quelle forme précise, l’insurrection armée surviendra. D’autant que, l’histoire l’a maintes fois démontré, les années de plomb s’abattent sur les contrées sans crier gare. Tout le monde, en tout cas, peut constater que se met en place, et pas si lentement que ça, à travers toute l’Europe, une mécanique pouvant aisément mener d’autres jeunes que les foreign fighters à choisir la violence comme ultime et unique recours. Le savoir permettrait d’y échapper. S’il en est encore temps.

de Thierry Fiorilli

 » Forcément, la violence va exploser, vu les nerfs de plus en plus à vif des foules et des individus  »

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