Pour Elton John, " une expérience mémorable ". © BELGAIMAGE

Elton chez les Soviets

En mai 1979, Elton John donne huit concerts à Moscou et Leningrad. Juste accompagné d’un percussionniste. Moment d’exception, comme en témoigne Live From Moscow.

Lorsque Elton John se produit dans ce qui est encore l’URSS – celle de Brejnev – il le fait en mode piano-voix, rejoint en deuxième partie de concert par Ray Cooper. Configuration modeste pour clore des années 1970 étourdissantes de succès, de drogues et de frasques en tout genre. Après un premier album, Empty Sky, tièdement accueilli en janvier 1969, le second, éponyme, au printemps 1970, déclenche l’intérêt international. Par le single Your Song, standard pop instantané, et d’impeccables titres tels que Border Song et Take Me To The Pilot. Loin de la pochette spleen de l’album où Elton apparaît en clair-obscur, la suite prend des tonalités autrement criardes. L’Anglais – né en 1947 – embarque donc ses seventies dans un hallucinant cirque rock’n’roll, collectionnant mégatubes et shows outranciers où la loufoquerie des déguisements taquine le grandiose musical. Du calibre à remplir les stades américains, y battant des records d’audience, comme ce week-end d’automne 1975 où il attire plus de cent mille spectateurs en deux soirées au Dodgers Stadium de Los Angeles, qui n’avait plus vibré de pareille hystérie collective depuis les Beatles. Comme Elton le raconte dans sa récente autobiographie, Me, ses années 1970 sont un TGV de cocaïne, de sexe, de dollars, de fringues et de célébrité.

Guerre froide

Même si la tournée de 1979 est marathonienne – 126 dates – la musique se place dans des théâtres et salles de jauge moyenne, sans décorum ni costumes. Elton s’y produit en solo, jouant d’un grand Steinway et d’un piano électrique, rejoint pour la deuxième partie du show par son spectaculaire rythmicien, Ray Cooper. Baptisé du nom du dernier album en date, A Simple Man, le périple marque aussi la première visite d’Elton en Belgique, pour deux soirées, fin février, à la salle Reine-Elisabeth d’Anvers. Lorsqu’il donne son premier concert russe, au Grand Hall d’Octobre de Leningrad, le 21 mai 1979, il n’est que le troisième artiste de l’Ouest à se produire en URSS, après Cliff Richard et Boney M. Dans un climat encore teinté de guerre froide, le label d’Etat Melodiya est autorisé à publier A Single Man, premier disque occidental officiellement sorti chez les Soviets.

Live From Moscow est distribué par Universal.
Live From Moscow est distribué par Universal.

Consciente de l’enjeu, la BBC diffuse en direct, en radio, l’ultime prestation, celle de Moscou le 28 mai, établissant ainsi la première liaison satellite entre URSS et Europe. Parallèlement, un documentaire télé sorti dans la foulée, To Russia With Elton, témoigne du climat particulier de cette dizaine de jours soviétiques que Elton décrétera comme étant  » l’une des plus mémorables expériences de (s)a vie « . Jusqu’à la publication d’une édition vinyle limitée en 2019 – vite épuisée – le film restera le seul témoignage officiel de l’aventure à ce jour. Absence réparée par la parution actuelle de Live From Moscow. Seize titres dont les inoxydables Daniel, Rocket Man, Goodbye Yellow Brick Road, Candle In The Wind, Funeral For A Friend, Bennie And The Jets et ce qui est peut-être la meilleure chanson jamais écrite par Elton (et le parolier Bernie Taupin) Sorry Seems To Be The Hardest Word. Plus une hallucinante version de 11 minutes 50 du I Heard Through The Grapevine popularisé par Marvin Gaye et une finale grandiose reprenant Crocodile Rock, Get Back et… Back In The USSR.

Et voilà le meilleur live d’Elton qui, quarante ans plus tard, est sans doute moins russophile, incendiant régulièrement la politique antigay de Vladimir Poutine.

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